Miracles III  – Fragment n° 2 / 11 – Papier original : RO 449-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 192 p. 455 v°-457 / C2 : p. 255-255 v°

Éditions savantes : Faugère I, 281, XLVI ; II, 233, XXVI / Havet XXV.203, XXIV.83, XXV.61 bis, XXIII.37 / Brunschvicg 807, 805, 883, 814, 884, 832 / Tourneur p. 153-1 / Le Guern 697 / Lafuma 860 à 865 (série XXXIV, notée XXXIII par erreur) / Sellier 439

______________________________________________________________________________________

 

 

Bibliographie

 

 

DE FRANCESCHI Sylvio Hermann, La puissance et la gloire. L’orthodoxie thomiste au péril du jansénisme (1663-1724) : le zénith français de la querelle de la grâce, Paris, Nolin, 2011.

FERREYROLLES Gérard,“Lecture pascalienne des miracles en Montaigne”, in Montaigne et les Essais, 1580-1980, Actes du congrès de Bordeaux, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1983, p. 121-134.

FERREYROLLES Gérard, Blaise Pascal. Les Provinciales, Paris, Presses Universitaires de France, 1984.

FERREYROLLES Gérard, Pascal et la raison du politique, Paris, Presses Universitaires de France, 1984.

FRIEDRICH Hugo, Montaigne, Paris, Gallimard, 1968.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal. Exposition de la doctrine (d’après Arnauld), I, Les vérités de la grâce, Paris, Presses Universitaires de France, 1923.

MARAVAL Pierre, Le christianisme de Constantin à la conquête arabe, Paris, Presses Universitaires de France, 1997.

MESNARD Jean, “Le sacré dans la pensée de Pascal”, in La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, p. 454-461.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993.

SCHMITZ du MOULIN Henri, Blaise Pascal : une biographie spirituelle, Assen, Van Gorcum, 1982.

SELLIER Philippe, “De la tyrannie”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 399-409.

SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Paris, Nizet, 1977.

SIMON Marcel et BENOÎT André, Le judaïsme et le christianisme antique, Nouvelle Clio, Paris, Presses Universitaires de France, 1968.

 

 

Éclaircissements

 

Toujours, ou les hommes ont parlé du vrai Dieu, ou le vrai Dieu a parlé aux hommes.

 

Voir la transcription diplomatique sur les hésitations de Pascal.

Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 134. Toujours, note T. Shiokawa, ne se réduit pas à l’ère chrétienne, mais s’étend de la création d’Adam jusqu’à la fin du monde. Pascal en vient à considérer d’une seule vue toute l’histoire sainte en voyant sur le même plan les miracles des patriarches, les miracles de Jésus-Christ et celui de la sainte Épine.

Toujours ou les hommes ont parlé du vrai Dieu : du vrai Dieu remplace de Dieu ; en d’autres termes, il s’agit bien du Dieu des Juifs et des chrétiens, et non pas d’un Dieu comme celui des philosophes ou des mythologies.

Il ne faut cependant pas entendre que tous les hommes ont parlé du vrai Dieu. Pascal entend que, mis à part les temps où Dieu a parlé aux hommes par sa révélation et par les miracles, il y a eu des hommes qui ont parlé de lui. Il s’agit sans doute des prophètes, dont les discours formaient une perpétuité.

Ou le vrai Dieu a parlé aux hommes : Dieu parle aux hommes par l’inspiration des prophètes, par l’inspiration du saint Esprit dans les Écritures, mais aussi par les miracles.

 

-------

Les deux fondements : l’un intérieur, l’autre extérieur, la grâce, les miracles, tous deux surnaturels.

 

Voir Miracles III (Laf. 903, Sel. 450). Deux fondements surnaturels de notre religion toute surnaturelle, l’un visible, l’autre invisible. Miracles avec la grâce, miracles sans grâce.

Voir la liasse Fondement.

Mesnard Jean, “Le sacré dans la pensée de Pascal”, in La culture du XVIIe siècle, p. 454-461. Sacré n’est pas un synonyme de saint : le mot s’applique à tout ce qui dans le monde manifeste ou révèle Dieu. Les livres sacrés sont les Écritures. La parole de Dieu est sacrée, et plus encore la présence de Dieu dans le monde : p. 455. La sainte épine est sacrée. Pascal est très circonspect devant tout élargissement du domaine du sacré, notamment du côté du culte des saints : p. 456. Le sacré n’a de valeur que par l’intériorité : p. 456. Position de Pascal sur le problème des sacrements : p. 457. Le sacrement de pénitence dans la dixième Provinciale : p. 457.Problème : si la contrition intérieure suffit, à quoi sert le rite de l’absolution ?, p. 458. Voir Laf. 713, Sel. 591 : l’absolution ne remet pas les péchés, c’est la contrition ; mais la contrition n’est pas véritable si elle ne recherche le sacrement : p. 458. Voir Morale chrétienne 14 (Laf. 364, Sel. 396) : on est superstitieux de mettre son espérance dans les cérémonies formelles, mais on est orgueilleux de ne pas vouloir s’y soumettre. Le sacré est de nature corporelle et la vérité qui est spirituelle sont également nécessaires en raison de la double nature de l’homme : p. 458-459. Le présent fragment affirme que la foi a deux fondements, l’un intérieur, l’autre extérieur ; au surnaturel visible revient la dénomination de sacré. L’insertion de Dieu dans l’âme doit toujours s’accompagner de sa manifestation dans le corporel. Problème du cas particulier des reliques : les restes corporels des saints ne méritent pas comme tels d’être l’objet d’un culte ; mais le visible dissimule l’invisible, car dans les reliques subsiste l’Esprit de Dieu ; la dévotion aux reliques est dévotion au Saint-Esprit : p. 459. Liaison du sacré avec le thème du Dieu caché, notamment dans la lettre que Pascal écrit à Melle de Roannez sur l’Eucharistie vers le 10 septembre 1656 (OC III, éd. J. Mesnard, p. 1031) : p. 459-460.

Cette combinaison d’intérieur et d’extérieur est caractéristique de la religion chrétienne et la distingue de toutes les autres :

Fausseté 17 (Laf. 219, Sel. 252). Les autres religions, comme les païennes, sont plus populaires, car elles sont en extérieur, mais elles ne sont pas pour les gens habiles. Une religion purement intellectuelle serait plus proportionnée aux habiles, mais elle ne servirait pas au peuple. La seule religion chrétienne est proportionnée à tous, étant mêlée d’extérieur et d’intérieur. Elle élève le peuple à l’intérieur, et abaisse les superbes à l’extérieur, et n’est pas parfaite sans les deux, car il faut que le peuple entende l’esprit de la lettre et que les habiles soumettent leur esprit à la lettre.

Cette distinction de l’intérieur et de l’extérieur est évidemment essentielle dans une religion qui est à la fois marquée par son origine juive et par l’idée que seul l’esprit vivifie. Voir sur ce point Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 240-241. Liaison avec les idées de soumission et usage de la raison, celle de la lettre et de l’esprit et celle de la coutume et de l’inspiration.

 

-------

Les malheureux qui nous ont obligés de parler du fond de la religion.

 

Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 135. Entendre : expliciter les vérités fondamentales du christianisme.

Havet, Pensées, t. II, p. 122, associe étroitement ce passage avec celui qui commence par Des pécheurs purifiés sans pénitence...

Miracles III (Laf. 903, Sel. 450). Ces malheureux qui nous ont obligés de parler des miracles.

Sur ce que Pascal entend par le fond de la religion, GEF XIV, p. 319, renvoie à la XIIe Provinciale, § 1, éd. Cognet, Garnier, p. 216, où Pascal adresse aux jésuites l’avertissement suivant : « vous me traitez comme un imposteur insigne, et ainsi vous me forcez à repartir : mais vous savez que cela ne se peut faire, sans exposer de nouveau, et même sans découvrir plus à fond les points de votre morale ; en quoi je doute que vous soyez bons politiques. La guerre se fait chez vous et à vos dépens ; et quoique vous ayez pensé qu’en embrouillant les questions par des termes d’École, les réponses en seraient si longues, si obscures, et si épineuses, qu’on en perdrait le goût, cela ne sera peut-être pas tout à fait ainsi : car j’essaierai de vous ennuyer le moins qu’il se peut en ce genre d’écrire. Vos maximes ont je ne sais quoi de divertissant qui réjouit toujours le monde. Souvenez-vous au moins que c’est vous qui m’engagez d’entrer dans cet éclaircissement ; et voyons qui se défendra le mieux. »

Ce passage éclaircit le sens du mot malheureux. Il ne s’agit pas de la tristesse qu’engendre le malheur. Malheureux signifie ici malencontreux : il se dit de celui à qui tout ce qu’il entreprend réussit mal, soit par son peu d’adresse, soit par le hasard, par la mauvaise conjoncture des affaires. Le mot désigne aussi ce qui cause du malheur, ou qu’on croit le causer (Furetière).

Pascal entend que les jésuites sont maladroits, ou selon ses propres termes, mauvais politiques (Miracles III - Laf. 904, Sel. 450).

Ferreyrolles Gérard, Pascal et la raison du politique, p. 77. Sur les raisons de l’échec de la politique jésuite, et sur le fait qu’ils minent eux-mêmes les bases sur lesquelles repose leur puissance politique. Les pages 77-90 sont essentielles pour la compréhension des Provinciales. Il ne faut pas prendre la clause je doute que vous soyez bons politiques seulement pour une boutade : Pascal pense en effet que la politique des jésuites est, comme celle de toute puissance mauvaise, autodestructrice à terme.

Ve Écrit des curés de Paris : « C’est néanmoins une mauvaise politique : car il n’y a rien de plus capable de les décrier à la fin... »

Ferreyrolles Gérard, Blaise Pascal. Les Provinciales, Paris, P. U. F., 1984, p. 78-81. Sur l’échec de la politique des jésuites, qui ne provient pas de l’extérieur, mais de leurs maximes.          

Les jésuites ont poussé Pascal à aborder les questions de fond sur la religion. Cela ne peut tourner qu’à leur confusion.

 

-------

Montaigne contre les miracles.

-------

Montaigne pour les miracles.

 

Voir le dossier thématique Montaigne.

Miracles III (Laf. 872, Sel. 440). Miracles. Que je hais ceux qui font les douteux de miracles. Montaigne en parle comme il faut dans les deux endroits. On voit en l’un combien il est prudent et néanmoins il croit en l’autre et se moque des incrédules.

Les deux endroits sont les suivants :

Essais, Livre III, XI, Des boiteux, éd. Balsamo et alii, Pléiade, p. 1071-1082.

Essais I, XXVI, C’est folie de rapporter le vrai et le faux au jugement de notre suffisance, éd. Balsamo et alii, Pléiade, p. 185. « C’est une sotte présomption d’aller dédaignant et condamnant pour faux ce qui ne nous semble pas vraisemblable : qui est un vice ordinaire de ceux qui pensent avoir quelque suffisance outre la commune ».

Ferreyrolles Gérard,“Lecture pascalienne des miracles en Montaigne”, in Montaigne et les Essais, 1580-1980, Actes du congrès de Bordeaux, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1983, p. 121-134. G. Ferreyrolles analyse finement la manière dont Pascal peut entendre Montaigne comme à la fois pour et contre les miracles, sans contradiction. Montaigne part d’une critique de la naïveté qui consiste à prendre les événements inattendus pour des miracles, puis montre comment la négation des miracles est ridicule dans la mesure où elle présuppose que l’on connaisse toutes les forces de la nature. Pascal trouve dans Montaigne qu’il y a de l’évidence et de l’obscurité pour éclairer les uns et obscurcir les autres, fragment Miracles II (Laf. 835, Sel. 423).

Miracles III (Laf. 882, Sel. 444). Athées. Quelle raison ont-ils de dire qu’on ne peut ressusciter ? Quel est plus difficile de naître ou de ressusciter, que ce qui n’a jamais été soit, ou que ce qui a été soit encore ? Est-il plus difficile de venir en être que d’ y revenir. La coutume nous rend l’un facile, le manque de coutume rend l’autre impossible. Populaire façon de juger. Pourquoi une vierge ne peut-elle enfanter ? Une poule ne fait-elle pas des œufs sans coq ? Quoi les distingue par dehors d’avec les autres ? Et qui nous a dit que la poule n’y peut former ce germe aussi bien que le coq ?

Le scepticisme de Montaigne ne le pousse pas à une négation du miracle, qui est le fait du demi-habile. Montaigne pratique l’esprit d’examen à l’égard des miracles dont il soupçonne qu’ils sont souvent un effet de la naïveté populaire. Mais il n’en exclut pas l’existence : le refus d’admettre la possibilité du miracle suppose que l’on connaît toutes les forces de la nature, et qu’on exclue la possibilité d’une intervention divine. C’est surestimer de manière ridicule la portée de la raison humaine.

Sur la pensée de Montaigne sur le miracle, voir Friedrich Hugo, Montaigne, p. 148-151. Friedrich conclut que « Montaigne parle pour et contre le miracle », et cite le présent passage de Pascal, p. 151.

Voir la note de l’édition Havet, II, éd. 1866, p. 216. Havet renvoie au passage de la Logique de Port-Royal, IV, ch. XIII, Application de la règle précédente à la créance des miracles, éd. D. Descotes, Paris, Champion, 2014, p. 607-621, notamment la p. 609.

 

-------

Des pécheurs purifiés sans pénitence, des justes sanctifiés sans charité, tous les chrétiens sans la grâce de Jésus‑Christ, Dieu sans pouvoir sur la volonté des hommes, une prédestination sans mystère, un rédempteur sans certitude.

 

Voir Laf. 725, Sel. 606, très proche. Des pécheurs sans pénitence, des justes sans charité, un Dieu sans pouvoir sur les volontés des hommes, une prédestination sans mystère.

Brève liste des aberrations que le molinisme a produites, notamment chez les jésuites.

 

Des pécheurs purifiés sans pénitence 

 

Voir, sur la manière dont les casuistes adoucissent la pénitence au point de la supprimer en pratique, Provinciale X, éd. Cognet, Garnier, p. 174-177.

« Tout cela néanmoins, dit-il, ne serait rien, si on n’avait de plus adouci la pénitence, qui est une des choses qui éloignait davantage de la confession. Mais maintenant les plus délicats ne la sauraient plus appréhender, après ce que nous avons soutenu dans nos thèses du Collège de Clermont : Que si le confesseur impose une pénitence convenable, convenientem, et qu’on ne veuille pas néanmoins l’accepter, on peut se retirer en renonçant à l’absolution et à la pénitence imposée. Et Escobar dit encore dans la Pratique de la pénitence selon notre Société, tr. 7. ex. 4. n. 188. Que si le pénitent déclare qu’il veut remettre à l’autre monde à faire pénitence, et souffrir en purgatoire toutes les peines qui lui sont dues, alors le confesseur doit lui imposer une pénitence bien légère pour l’intégrité du sacrement, et principalement s’il reconnaît qu’il n’en accepterait pas une plus grande. Je crois, lui dis-je, que si cela était on ne devrait plus appeler la confession le sacrement de pénitence. Vous avez tort, dit-il, car au moins on en donne toujours quelqu’une pour la forme. Mais, mon père, jugez-vous qu’un homme soit digne de recevoir l’absolution quand il ne veut rien faire de pénible pour expier ses offenses ? Et quand des personnes sont en cet état, ne devriez-vous pas plutôt leur retenir leurs péchés, que de les leur remettre ? Avez-vous l’idée véritable de votre ministère, et ne savez-vous pas que vous y exercez le pouvoir de lier et de délier ? Croyez-vous qu’il soit permis de donner l’absolution indifféremment à tous ceux qui la demandent, sans reconnaître auparavant si Jésus-Christ délie dans le ciel ceux que vous déliez sur la terre. Hé quoi, dit le père, pensez-vous que nous ignorions que le confesseur doit se rendre juge de la disposition de son pénitent, tant parce qu’il est obligé de ne pas dispenser les sacrements à ceux qui en sont indignes, Jésus-Christ lui ayant ordonné d’être dispensateur fidèle, et de ne pas donner les choses saintes aux chiens ; que parce qu’il est juge, et que c’est le devoir d’un juge de juger justement en déliant ceux qui en sont dignes, et liant ceux qui en sont indignes : et aussi parce qu’il ne doit pas absoudre ceux que Jésus-Christ condamne. De qui sont ces paroles-là, mon père ? De notre père Filiutius, répliqua-t-il, to. I. tr. 7. n. 354. Vous me surprenez, lui dis-je, je les prenais pour être d’un des Pères de l’Église. Mais, mon père, ce passage doit bien étonner les confesseurs, et les rendre bien circonspects dans la dispensation de ce sacrement, pour reconnaître si le regret de leurs pénitents est suffisant, et si les promesses qu’ils donnent de ne plus pécher à l’avenir, sont recevables. Cela n’est point du tout embarrassant, dit le père ; Filiutius n’avait garde de laisser les confesseurs dans cette peine, et c’est pourquoi il leur donne ensuite de ces paroles cette méthode facile pour en sortir. Le confesseur peut aisément se mettre en repos touchant la disposition de son pénitent. Car s’il ne donne pas des signes suffisants de douleur, le confesseur n’a qu’à lui demander s’il ne déteste pas le péché dans son âme, et s’il répond qu’oui, il est obligé de l’en croire. Et il faut dire la même chose de la résolution pour l’avenir, à moins qu’il y eût quelque obligation de restituer, ou de quitter quelque occasion prochaine. Pour ce passage, mon père, je vois bien qu’il est de Filiutius. Vous vous trompez, dit le père, car il a pris tout cela mot à mot de Suarez, in 3 par. to. 4. disp. 32. sect. 2. n. 2. Mais, mon père, ce dernier passage de Filiutius détruit ce qu’il avait établi dans le premier. Car les confesseurs n’auront plus le pouvoir de se rendre juges de la disposition de leurs pénitents, puisqu’ils sont obligés de les en croire sur leur parole, lors même qu’ils ne donnent aucun signe suffisant de douleur. Est-ce qu’il y a tant de certitude dans ces paroles qu’on donne, que ce seul signe soit convaincant ? Je doute, que l’expérience ait fait connaître à vos pères, que tous ceux qui leur font ces promesses, les tiennent ; et je suis trompé s’ils n’éprouvent souvent le contraire. Cela n’importe, dit le père, on ne laisse pas d’obliger toujours les confesseurs à les croire. Car le p. Bauny, qui a traité cette question à fond dans sa Somme des péchés, c. 46. p. 1090, 109I et 1092, conclut, que toutes les fois que ceux qui récidivent souvent sans qu’on y voie aucun amendement, se présentent au confesseur, et lui disent qu’ils ont regret du passé, et bon dessein pour l’avenir, il les en doit croire sur ce qu’ils le disent, quoiqu’il soit à présumer telles résolutions ne passer pas le bout des lèvres. Et quoiqu’ils se portent ensuite avec plus de liberté et d’excès que jamais dans les mêmes fautes, on peut néanmoins leur donner l’absolution selon mon opinion. Voilà je m’assure tous vos doutes bien résolus. » Voir aussi p. 179-181.

Orcibal Jean, La spiritualité de Saint-Cyran, Paris, Vrin, 1962, p. 119. Le concile de Trente déclare prévaricateur le prêtre qui accorde des pénitences trop légères.

 

Des justes sanctifiés sans charité 

 

GEF XIV, fragment 884, p. 319-320, donne justifiés au lieu de sanctifiés. Sans charité, c’est-à-dire sans amour de Dieu. Voir Provinciale X, éd. Cognet, Garnier, p. 187-189.

« Je vois bien, répondit le père, par ce que vous me dites, que vous avez besoin de savoir la doctrine de nos pères touchant l’amour de Dieu. C’est le dernier trait de leur morale, et le plus important de tous. Vous deviez l’avoir compris par les passages que je vous ai cités de la contrition. Mais en voici d’autres, et ne m’interrompez donc pas ; car la suite même en est considérable. Écoutez Escobar, qui rapporte les opinions différentes de nos auteurs sur ce sujet dans la pratique de l’amour de Dieu selon notre Société, au tr. I. ex. 2. n. 21. et tr. 5. ex. 4. n. 8. sur cette question. Quand est-on obligé d’avoir affection actuellement pour Dieu ? Suarez dit, que c’est assez si on l’aime avant l’article de la mort, sans déterminer aucun temps. Vasquez, qu’il suffit encore à l’article de la mort. D’autres, quand on reçoit le baptême. D’autres, quand on est obligé d’être contrit. D’autres, les jours de fêtes. Mais notre père Castro Palao combat toutes ces opinions-là, et avec raison : Merito. Hurtado de Mendoza prétend qu’on y est obligé tous les ans, et qu’on nous traite bien favorablement encore de ne nous y obliger pas plus souvent. Mais notre Père Coninch croit qu’on y est obligé en trois ou quatre ans : Henriquez tous les cinq ans. Mais Filiutius dit : Qu’il est probable qu’on n’y est pas obligé à la rigueur tous les cinq ans. Et quand donc ? Il le remet au jugement des sages. Je laissai passer tout ce badinage, où l’esprit de l’homme se joue si insolemment de l’amour de Dieu. Mais, poursuivit-il, notre p. Antoine Sirmond, qui triomphe sur cette matière dans son admirable livre de la Défense de la vertu, où il parle français en France, comme il dit au lecteur, discourt ainsi au 2 tr. sect. I, pag. 12, 13, 14, etc. S. Thomas dit, qu’on est obligé à aimer Dieu aussitôt après l’usage de raison. C’est un peu bien tôt. Scotus, chaque dimanche. Sur quoi fondé ? D’autres, quand on est grièvement tenté. Oui en cas qu’il n’y eût que cette voie de fuir la tentation. Sotus, quand on reçoit un bienfait de Dieu. Bon pour l’en remercier. D’autres, à la mort. C’est bien tard. Je ne crois pas non plus que ce soit à chaque réception de quelque sacrement. L’attrition y suffit avec la confession, si on en a la commodité. Suarez dit, qu’on y est obligé en un temps. Mais en quel temps ? Il vous en fait juge et il n’en sait rien. Or ce que ce docteur n’a pas su, je ne sais qui le sait. Et il conclut enfin, qu’on n’est obligé à autre chose à la rigueur qu’à observer les autres commandements sans aucune affection pour Dieu, et sans que notre cœur soit à lui, pourvu qu’on ne le haïsse pas. C’est ce qu’il prouve en tout son second traité. Vous le verrez à chaque page, et entre autres aux 16. 19. 24. 28. où il dit ces mots : Dieu en nous commandant de l’aimer se contente que nous lui obéissions en ses autres commandements. Si Dieu eût dit : Je vous perdrai, quelque obéissance que vous me rendiez, si de plus votre cœur n’est à moi. Ce motif à votre avis eût-il été bien proportionné à la fin que Dieu a dû et a pu avoir. Il est donc dit que nous aimerons Dieu en faisant sa volonté, comme si nous l’aimions d’affection. Comme si le motif de la charité nous y portait. Si cela arrive réellement ; encore mieux : sinon nous ne laisserons pas pourtant d’obéir en rigueur au commandement d’amour, en ayant les œuvres : de façon que (voyez la bonté de Dieu) il ne nous est pas tant commandé de l’aimer, que de ne le point haïr. »

L’interlocuteur du jésuite s’exclame ensuite, p. 191 :

« On dit que l’amour de Dieu n’est pas nécessaire au salut ; et on va même jusqu’à prétendre, que cette dispense d’aimer Dieu est l’avantage que Jésus-Christ a apporté au monde. C’est le comble de l’impiété. »

Tous les chrétiens sans la grâce de Jésus-Christ : le molinisme, selon Pascal, affirme que la grâce suffisante suffit aux chrétiens, et qu’il n’est pas nécessaire que Dieu donne sa grâce efficace. Noël de Lalane a intitulé le livre qu’il consacre à la défense de la grâce efficace De la grâce victorieuse de Jésus-Christ, ou Molina et ses disciples convaincus de l’erreur des Pélagiens et des semi-Pélagiens sur le point de la grâce suffisante soumise au libre-arbitre, selon les actes de la Congrégation de Auxiliis. Pour l’explication des cinq propositions de la grâce équivoques et ambiguës, et la plupart fabriquées à plaisir, insérées dans une lettre envoyée depuis peu à Rome, par le sieur de Bonlieu, docteur en théologie, Paris, 1651.

Dieu sans pouvoir sur la volonté des hommes : voir le Traité de la prédestination, dernier volet des Écrits sur la grâce, 3, OC III, éd. J. Mesnard, p. 797 : la doctrine des « restes des pélagiens » conduit aux conclusions suivantes, qui établissent une grâce générale et suffisante qui exclut l’efficace :

« 20. Et, sur ces fondements, ils avancent que Dieu a eu une volonté générale, égale, et conditionnelle, de sauver tous les hommes (en la masse corrompue) comme en la création, savoir, pourvu qu’ils voulussent accomplir les préceptes. Mais parce qu’ils avaient besoin d’une nouvelle grâce à cause de leur péché, que Jésus-Christ s’est incarné pour leur mériter et offrir à tous, sans exception d’un seul, et durant tout le cours de la vie sans interruption, une grâce suffisante seulement pour croire en Dieu, et pour prier Dieu de les aider.

21. Que ceux qui n’usent pas de cette grâce, et qui, malgré ce secours, demeurent dans leur péché jusqu’à la mort, sont justement abandonnés de Dieu, punis et condamnés.

Que ceux qui usant bien de cette grâce croient en Dieu ou le prient, donnent en cela à Dieu l’occasion de les discerner des autres, et de leur fournir d’autres secours, les uns disent efficaces, les autres seulement suffisants, pour se sauver.

22. De sorte, que tous ceux qui usent bien de cette grâce générale et suffisante obtiennent de la miséricorde de Dieu des grâces pour faire de bonnes œuvres et pour arriver au salut.

Et ceux qui n’usent pas bien de cette grâce demeurent dans la damnation.

23. Ainsi les hommes sont sauvés ou damnés suivant qu’il plaît aux hommes de rendre vaine ou efficace cette grâce suffisante donnée à tous les hommes pour croire ou pour prier, Dieu ayant une volonté égale de les sauver tous, de sa part. »

Pascal n’est pas le premier à soutenir ce point :

De Franceschi Sylvio Hermann, La puissance et la gloire. L’orthodoxie thomiste au péril du jansénisme (1663-1724) : le zénith français de la querelle de la grâce, p. 18. Contre les disciples de Molina, les thomistes font valoir le fait qu’en vertu de la théorie de la science moyenne, Dieu n’est plus déterminant mais déterminé : conception qui devait être condamnée, puisqu’elle implique une supériorité de la création sur son créateur. Les jésuites imputent en revanche aux thomistes de tomber dans un calvinisme larvé : p. 19.

 

Une prédestination sans mystère 

 

GEF XIV, p. 320, indique que ces mots sont mis en surcharge. Voir l’édition diplomatique.

Sur la notion du mystère, Bouyer Louis, Dictionnaire théologique, p. 446-448.

C’est un point important de la doctrine augustinienne, que la prédestination enferme un mystère, ne dépendant que du jugement insondable de Dieu.

OC III, éd. J. Mesnard, p. 610-611. En quoi précisément consiste le mystère de la prédestination ? Ni le salut universel ni la damnation universelle n’auraient enfermé de mystère. Que les uns soient sauvés et non les autres, la raison s’en accommode aussi, à cause de la justice et de la miséricorde de Dieu. Mais le mystère est que « de deux également coupables », Dieu sauve l’un et non l’autre, sans aucune vue de leurs œuvres ; le mystère est aussi grand dans le don de la persévérance : p. 610-611. Saint Augustin rapporte ce discernement à « un jugement juste, mais caché », c’est-à-dire à une rationalité supérieure : p. 611. Voir sur ce point dans OC III, éd. J. Mesnard, Lettre sur la possibilité des commandements, L3, § 17 ; L4, § 13 ; L6, § 3 ; L7, § 12-14.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 271. Thème du O altitudo ! (Rom. XI, 33-36) tiré par Pascal de saint Augustin dernières lignes du chapitre XIII du De correptione et gratia, XIII, 42, in Œuvres de saint Augustin, 24, Aux moines d’Adrumète et de Provence, Paris, Desclée de Brouwer, 1962, p. 364-366 : les réprouvés sont abandonnés « en vertu d’un juste et secret jugement de Dieu ».

Laporte Jean, La doctrine de Port-Royal. Exposition de la doctrine (d’après Arnauld), I, Les vérités de la grâce, p. 301, sur le mystère de la prédestination gratuite.

La Lettre sur la possibilité des commandements insiste aussi nettement sur ce point en plusieurs endroits.

L’idée du mystère de la prédestination apparaît à propos du double délaissement dans la Lettre sur la possibilité des commandements, Mouvement central, 3, Rédaction préparatoire, développant la partie du mouvement initial et chevauchant sur le mouvement final, § 18, OC III, p. 671-672. « Vous voyez par là ce double délaissement dont je vous parle. Mais quand on n’aurait ni ces passages ni tous les autres où il aurait arrivé d’en parler nettement, la chose ne laisserait pas d’être claire et d’une nécessité absolue dans leur principe. Car qui ne sait que c’est un principe indubitable dans la doctrine de saint Augustin que la raison pour laquelle, de deux justes, l’un persévère et l’autre ne persévère pas est un secret absolument incompréhensible ? D’où il se voit que tous les justes n’ont pas le moyen prochain de persévérer, puisque, si le différent usage que leur libéral arbitre ferait de ce pouvoir était la cause de leur discernement, il n’y aurait point de mystère ».

Voir aussi Lettre sur la possibilité des commandements, Mouvement central, 4, Rédaction élaborée, correspondant au début de la pièce précédente, § 13, OC III, éd. J. Mesnard, p. 682. « Ce double délaissement, l’un dans lequel Dieu commence, et l’autre dans lequel Dieu suit, vous est marqué clairement dans saint Prosper, lorsqu’il dit : Dieu ne quitte point si l’on ne le quitte, et il fait bien souvent qu’on ne le quitte point. Mais d’où vient qu’il retient ceux-ci, et qu’il ne retient pas ceux-là ? Il n’est ni permis de le chercher, ni possible de le trouver. Où l’on voit qu’à la vérité Dieu ne quitte point si l’on ne le quitte : voilà un délaissement où l’homme commence, et Dieu fait bien souvent qu’on ne le quitte pas. Donc il ne le fait pas toujours. Donc quand on le quitte, c’est parce qu’il ne fait pas qu’on ne le quitte pas ; c’est parce qu’il ne retient pas ; donc il arrive premièrement que Dieu ne retient pas et ensuite on le quitte ; car ceux qu’il retient ne le quittent pas : n’est-ce pas précisément ce que je viens de dire ? Le premier délaissement consiste en ce que Dieu ne retient pas, ensuite de quoi l’homme quitte, et donne lieu au second délaissement par lequel Dieu le quitte. En un de ces délaissements Dieu suit, et il ne s’y trouve aucun mystère ; car il n’y a rien d’étrange en ce que Dieu quitte des hommes qui le quittent. Mais le premier délaissement est tout mystérieux et incompréhensible. »

L’argument est donné dans Bourzeis Amable, Lettre d’un abbé à un abbé, Chapitre II. Que ceux qui établissent une grâce générale de prier, dont on use comme on veut, détruisent le fondement de la prédestination des saints, sl, 1649, p. 11 sq., mais à propos de la grâce générale de prière : si l’on admet une grâce générale de prière, dont l’homme se servirait comme il veut, « la raison de l’élection des uns et de la réprobation des autres, que tous les saints ont ignorée, serait enfin manifestée, non de la part de Dieu, mais de la part des hommes, en ce que tous ayant une même grâce de prier, dont ils useraient comme ils voudraient, Dieu aurait choisi les uns pource qu’ils l’auraient prié, et aurait réprouvé les autres pource qu’ils ne l’auraient point prié ». La conséquence serait insupportable : « voilà la foi devenue enfin une philosophie, et l’école du Sauveur l’école de Sénèque, d’Aristote ou de Platon » ; « le mystère de la grâce et de la prédestination divine cesserait d’être mystère » : p. 12. « Alléguer que Dieu aide l’un parce qu’il prie et n’aide pas l’autre parce qu’il ne prie point, est-ce alléguer une cause occulte et ineffable ? », p. 12-13.

 

Un rédempteur sans preuves certitude

 

Sur la rédemption, voir Bouyer Louis, Dictionnaire théologique, p. 568-573.

Le reproche que l’on fait au pélagianisme et au semi-pélagianisme consiste à remarquer que, si l’on suppose que l’homme n’a besoin que des forces de sa nature pour accomplir les commandements de Dieu, on rend entièrement inutile le sacrifice de Jésus-Christ sur la croix.

En effet, Pélage et ses disciples considéraient que le Christ était un exemple, mais que son sacrifice n’avait rien qui remédie à une corruption supposée de la nature humaine par le péché originel.

GEF XIII, p. 179-180, indique que dans le De natura et gratia, VII, 7, saint Augustin écrit contre Pélage que la croix du Christ est devenue vaine si l’on prétend qu’il est possible de parvenir à la justice et à la vie éternelle sans être pénétré par la foi qui est donnée par la grâce : « tanto et multo ardentiore zelo nos oportet accendi, ne evacuetur crux Christi. Evacuatur autem, si aliquo modo praeter illius sacramentum ad justitiam vitamque aeternam pervenire posse dicatur ». Tr. des Œuvres de saint Augustin, t. 21, Paris, Desclée de Brouwer, 1966, p. 255 : « il nous faut brûler d’un zèle encore beaucoup plus ardent [sc. celui de Pélage] pour que la croix du Christ ne soit pas réduite à néant. Or, elle l’est si l’on prétend que nous pouvons parvenir à la justice et à la vie éternelle, par quelque autre moyen que le mystère du Christ ». L’expression « qua evacuatur crux Christi » se trouve déjà dans le ch. VI, 5-6, p. 252. Elle est tirée de I Cor., I, 17.

Voir De natura et gratia, in Œuvres de saint Augustin, 21, La crise pélagienne I, n° 21, Paris, Desclée de Brouwer, 1966, ch. VII, p. 255 : la croix du Christ est « réduite à néant », « si l’on prétend que nous pouvons parvenir à la justice et à la vie éternelle par quelque autre moyen que le mystère du Christ ».

Voir aussi Jansénius, Augustinus, t. I, livre III, ch. XXIV, De statu adultorum sine fide moraliter bene viventium, post hanc vitam, col. 179. « Sic enim contra Pelagium loquitur Augustinus [Lib. De natura & gra., c. 7] : Evacuatur autem crux Christi, si aliquo modo praeter illius sacramentum ad justitiam, vitamque aeternam perveniri posse dicatur quod in isto agitur, nempe Pelagii, qui ut ex capite secundo colligitur, statuebat posse homines credendo in Deum qui fecit caelum et terram et recte vivendo ejus implere voluntatem, nulla fide passionis Christi et resurrectionis imbutos [c. 2. ibid] ».

 

-------

Les miracles ne sont plus nécessaires à cause qu’on en a déjà, mais quand on n’écoute plus la tradition, quand on ne propose plus que le pape, quand on l’a surpris, et qu’ainsi ayant exclu la vraie source de la vérité qui est la tradition et ayant prévenu le pape qui en est le dépositaire, la vérité n’a plus de liberté de paraître, alors les hommes ne parlent plus de la vérité, la vérité doit parler elle‑même aux hommes. C’est ce qui arriva au temps d’Arius.

 

Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles. Renvoi à la bulle Ad sacram. Le fragment aurait été écrit après mars 1657, date de la publication de la bulle Ad sacram en France. Sur ce fragment de Pascal, voir p. 123.

Schmitz du Moulin Henri, Blaise Pascal : une biographie spirituelle, p. 95 sq. Renvoi à Laf. 604, Sel. 501. Le pape peut se séparer de l’église.

Quand on ne propose plus que le pape : entendre quand on ne reçoit plus comme argument que la décision du pape, sans aucun recours aux autres autorités de l’Église.

Cette expression renvoie à la protestation que Port-Royal soutient contre la tyrannie qui tend à faire du pape le seul et dernier mot dans les controverses théologiques. Voir sur ce sujet l’étude de Philippe Sellier, “De la tyrannie”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., p. 399-409.

Quand on l’a surpris : allusion au reproche que Port-Royal a adressé aux jésuites, d’avoir trompé le pape en lui présentant un exemplaire falsifié de l’Augustinus pour obtenir de lui la bulle Ad sacram. Voir Provinciale XVII, éd. Cognet, Garnier, p. 348-349.

« Que direz-vous sur cela, mon Père ? Que le Pape a confirmé sa constitution par un bref ? Je vous répondrai que deux conciles généraux et deux Papes ont confirmé la condamnation des lettres d’Honorius. Mais quelle force prétendez-vous faire sur les paroles de ce bref par lesquelles le pape déclare qu’il a condamné la doctrine de Jansénius dans ces cinq propositions ? Qu’est-ce que cela ajoute à la constitution, et que s’ensuit-il de là, sinon que, comme le VIe concile condamna la doctrine d’Honorius, parce qu’il croyait qu’elle était la même que celle des monothélites, de même le Pape a dit qu’il a condamné la doctrine de Jansénius dans ces cinq propositions, parce qu’il a supposé qu’elle était la même que ces cinq propositions ? Et comment ne l’eût-il pas cru ? Votre société ne publie autre chose ; et vous-même, mon père, qui avez dit qu’elles y sont mot à mot, vous étiez à Rome au temps de la censure, car je vous rencontre partout. Se fût-il défié de la sincérité ou de la suffisance de tant de religieux graves ? Et comment n’eût-il pas cru que la doctrine de Jansénius était la même que celle des cinq propositions, dans l’assurance que vous lui aviez donnée qu’elles étaient mot à mot de cet auteur ? Il est donc visible, mon père, que, s’il se trouve que Jansénius ne les ait pas tenues, il ne faudra pas dire, comme vos pères ont fait dans leurs exemples, que le pape s’est trompé en ce point de fait, ce qu’il est toujours fâcheux de publier : mais il ne faudra que dire que vous avez trompé le pape ; ce qui n’apporte plus de scandale, tant on vous connaît maintenant. »

Gerberon Gabriel, Histoire générale du jansénisme, t. II, Amsterdam, De l’Orme, 1700, p. 317-318. Le p. Lupus et la falsification de l’Augustinus.

Pensée n° 1A (Laf. 914, Sel. 744). Toutes les fois que les Jésuites surprendront le pape on rendra toute la chrétienté parjure. Le pape est très aisé à être surpris à cause de ses affaires et de la créance qu’il a aux Jésuites, et les Jésuites sont très capables de surprendre à cause de la calomnie.

 

-------

Miracles sous Dioclétien.

 

Dioclétien, Caïus Aurelius Valerius Diocletianus (c. 244-311), d’origine dalmate, est élevé empereur vers quarante ans, en 284 et jusqu’en 305. Il a divisé le territoire de l’empire romain en deux gouvernements, confiés à deux « Augustes » dont l’un est subordonné à l’autre, chaque Auguste étant assisté d’un « César », qui est destiné à lui succéder comme Auguste après sa mort. La dernière persécution lancée par Dioclétien, qui va de 303 à 305, est la plus longue qu’aient subi les chrétiens.

Sur le règne de Dioclétien, à partir de 285 jusqu’à son abdication, puis sa mort en 313, on peut consulter la somme de Gibbon Edward, Histoire du déclin et de la chute de l’empire romain, I, Rome (de 96 à 582), Paris, Robert Laffont, 1983 : voir le chapitre XIII, Règne de Dioclétien, p. 260-291, le chapitre XVI, Conduite du gouvernement envers les chrétiens depuis le règne de Néron jusqu’à celui de Constantin, p. 378-429, consacré à une vue d’ensemble de l’alternance de tolérance et de persécution qui a déterminé l’histoire de l’Église dans l’empire, et le chapitre XV, Progrès de la religion chrétienne, p. 327 sq.

Voir aussi le livre de Simon Marcel et Benoît André, Le judaïsme et le christianisme antique, p. 125-143, et particulièrement p. 135-138 sur la persécution sous Dioclétien (303-305).

On trouvera des renseignements plus proches du temps de Pascal dans Le Nain de Tillemont Sébastien, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles (...), tome cinquième, qui comprend la persécution de Dioclétien, celle de Licinius et les martyrs dont on ignore l’époque, Paris, Robustel, 1698. Voir l’Histoire de la persécution de l’Église commencée par Dioclétien, et continuée sous ses successeurs durant dix ans, p. 1 sq. Tillemont y fait état de plusieurs miracles, mais sans grande précision. Il cite saint Démètre, p. 148 et p. 150 ; saints Côme et Damien, p. 177, saint Romain, p. 206 et saint Vincent, p. 223-224, auxquels on peut ajouter saint Sébastien.

 

Et sous Arius.

 

Sous Arius : sous, selon Furetière, se dit pour désigner les temps : sous le règne d’Auguste, sous les empereurs, sous un tel pape. Sous ne veut pas nécessairement dire sous la domination de..., mais seulement à l’époque de...

Voir la note de Havet, éd. des Pensées, t. 2, 1866, p. 86. Pascal assimile l’état de l’Église à l’époque où elle combattait l’arianisme et celui de l’Église opposée au pélagianisme des jésuites.

Arianisme : voir Simon Marcel et Benoît André, Le judaïsme et le christianisme antique, p. 170 sq. Le conflit naît à Alexandrie, vers 318-320, entre l’évêque Alexandre et Arius, à propos de la nature du Fils. Chassé d’Alexandrie, Arius entreprend de répandre ses idées auprès des évêques des grandes villes comme Césarée et Nicomédie.

Voir la note de GEF XIV, p. 264. Arius commence sa prédication la dernière année du règne de Dioclétien (312) ; il mourut subitement, et cette mort fut regardée par ses adversaires comme un châtiment miraculeux.

Arius (c. 250 - c. 335) est un prêtre savant et pieux, qui s’inscrit dans la tradition subordinatianiste dont Origène a été le représentant le plus éminent : p. 315-316. Il tient un monothéisme strict, « un seul Dieu, seul inengendré, seul éternel, seul sans commencement, seul véritable, seul possédant l’immortalité » : p. 316. Le Fils n’est selon lui pas éternel, c’est une créature tirée du néant. Il est non le Dieu, mais un dieu, en position secondaire.

Bartmann Bernard, Précis de Théologie dogmatique, I, p. 201. Le Fils et l’Esprit sont des créatures du Père. Arius met à part le Dieu unique, que sa perfection absolue rend inaccessible ; le Fils est un être divin du second ordre, que Dieu produit librement, avant tous les temps, comme sa créature : p. 201. Condamnations ecclésiastiques : p. 201.

Simon Marcel et Benoît André, Le judaïsme et le christianisme antique, p. 170 sq. La doctrine d’Arius : p. 170-171. Dieu étant unique, le Logos ne peut selon Arius qu’être une créature, alors que l’orthodoxie distingue création et engendrement. Mais Arius récuse cette distinction. La Trinité prend chez lui une allure particulière : la monade divine reste seule et repliée sur elle-même ; elle crée une créature parfaite, le Logos, qui crée à son tour une autre créature parfaite, le Saint-Esprit. Le Fils n’est donc pas Dieu ; ce n’est plus qu’un être parfait qui propose son exemple. Le concile de Nicée règlera la question doctrinale : p. 171 sq.

Voir sur la crise arienne, Le Nain de Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles justifiés par les citations des auteurs originaux, avec une chronologie (...), tome sixième, qui comprend l’histoire des donatistes jusques à l’épiscopat de saint Augustin, celle des Ariens jusques au règne de Théodose le Grand, celle du concile de Nicée, etc., Paris, Robustel, 1699. Voir p. 737 sq., sur l’histoire des Ariens. On attribue plusieurs miracles à saint Nicolas de Myre : voir p. 688 sq.

Maraval Pierre, Le christianisme de Constantin à la conquête arabe, p. 313 sq.

Hanson R. P. C., The search of the christian doctrine of God. The arian controversy, 318-381, Grand Rapid, Michigan, Baker Academic, 2e éd., 2007.

Rubenstein Richard E., Le jour où Jésus devint Dieu. L’ « affaire Arius » ou la grande querelle sur la divinité du Christ au dernier siècle de l’empire romain, Paris, La découverte, 2004.

Havet pense que Pascal pense aux miracles qui eurent lieu lors de la découverte des reliques des martyrs Gervais et Protais. Voir la Logique de Port-Royal, IV, XIII, éd. D. Descotes, Paris, Champion, 2014, p. 614, qui renvoie aux Confessions, IX, VII et à la Cité de Dieu, XXII, VIII.