Fragment Fausseté des autres religions n° 17 / 18  – Papier original : RO 451-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fausseté n° 274 p. 109 v° / C2 : p. 135-136

Éditions de Port-Royal : Chap. II - Marques de la véritable religion : 1669 et janvier 1670 p. 20 / 1678 n° 3 p. 18-19

Éditions savantes : Faugère II, 349, IV / Havet XI.3 / Brunschvicg 251 / Tourneur p. 249-1 / Le Guern 205 / Lafuma 219 / Sellier 252

 

 

 

Les autres religions, comme les païennes, sont plus populaires, car elles sont en extérieur, mais elles ne sont pas pour les gens habiles. Une religion purement intellectuelle serait plus proportionnée aux habiles, mais elle ne servirait pas au peuple. La seule religion chrétienne est proportionnée à tous, étant mêlée d’extérieur et d’intérieur. Elle élève le peuple à l’intérieur, et abaisse les superbes à l’extérieur, et n’est pas parfaite sans les deux, car il faut que le peuple entende l’esprit de la lettre et que les habiles soumettent leur esprit à la lettre.

 

 

Ce fragment trouve sa place naturelle dans la liasse Fausseté des autres religions, mais il établit aussi des liens avec les liasses Soumission et usage de la raison et Rendre la religion aimable.

Pascal procède en deux temps : il souligne d’abord les insuffisances des religions païennes et des philosophies d’esprit mystique, qui ne proposent en général qu’un culte de cérémonies sans amour pour Dieu, ou une religion purement intellectuelle et abstraite.

Il esquisse ensuite une réflexion sur le rapport de la religion chrétienne avec les chrétiens eux-mêmes, et le mélange d’intériorité et d’extériorité qui lui permet de s’adresser universellement à tous les hommes, d’une manière qui répond aux besoins de chacun.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Raisons des effets 3 (Laf. 83, Sel. 117). Le monde juge bien des choses, car il est dans l’ignorance naturelle qui est le vrai siège de l’homme. Les sciences ont deux extrémités qui se touchent, la première est la pure ignorance naturelle où se trouvent tous les hommes en naissant, l’autre extrémité est celle où arrivent les grandes âmes qui ayant parcouru tout ce que les hommes peuvent savoir trouvent qu’ils ne savent rien et se rencontrent en cette même ignorance d’où ils étaient partis, mais c’est une ignorance savante qui se connaît. Ceux d’entre deux qui sont sortis de l’ignorance naturelle et n’ont pu arriver à l’autre, ont quelque teinture de cette science suffisante, et font les entendus. Ceux-là troublent le monde et jugent mal de tout.

Le peuple et les habiles composent le train du monde ; ceux-là le méprisent et sont méprisés. Ils jugent mal de toutes choses, et le monde en juge bien.

Raisons des effets 9 (Laf. 90, Sel. 124). Raison des effets.

Gradation. Le peuple honore les personnes de grande naissance, les demi-habiles les méprisent disant que la naissance n’est pas un avantage de la personne mais du hasard. Les habiles les honorent, non par la pensée du peuple mais par la pensée de derrière. Les dévots qui ont plus de zèle que de science les méprisent malgré cette considération qui les fait honorer par les habiles, parce qu’ils en jugent par une nouvelle lumière que la piété leur donne, mais les chrétiens parfaits les honorent par une autre lumière supérieure.

Ainsi se vont les opinions succédant du pour au contre selon qu’on a de lumière.

Philosophes 5 (Laf. 143, Sel. 176). Philosophes.

Nous sommes pleins de choses qui nous jettent au-dehors.

Notre instinct nous fait sentir qu’il faut chercher notre bonheur hors de nous. Nos passions nous poussent au-dehors, quand même les objets ne s’offriraient pas pour les exciter. Les objets du dehors nous tentent d’eux-mêmes et nous appellent quand même nous n’y pensons pas. Et ainsi les philosophes ont beau dire : rentrez-vous en vous-mêmes, vous y trouverez votre bien ; on ne les croit pas et ceux qui les croient sont les plus vides et les plus sots.

Dossier de travail (Laf. 407, Sel. 26). Les stoïques disent rentrez au-dedans de vous-même, c’est là où vous trouverez votre repos. Et cela n’est pas vrai.

Les autres disent sortez dehors et cherchez le bonheur en un divertissement. Et cela n’est pas vrai. Les maladies viennent.

Le bonheur n’est ni hors de nous ni dans nous. Il est en Dieu et hors et dans nous.

Preuves par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693). La religion des juifs semblait consister essentiellement en la paternité d’Abraham, en la circoncision, aux sacrifices, aux cérémonies, en l’arche, au temple, en Jérusalem, et enfin en la loi et en l’alliance de Moïse.

Je dis qu’elle ne consistait en aucune de ces choses, mais seulement en l’amour de Dieu et que Dieu réprouvait, toutes les autres choses. 

[...] Que l’extérieur ne sert à rien sans l’intérieur.

Joel.2. 13. scindite corda vestra etc.

Pensées diverses (Laf. 564, Sel. 471). La vraie et unique vertu est donc de se haïr, car on est haïssable par sa concupiscence, et de chercher un être véritablement aimable pour l’aimer. Mais comme nous ne pouvons aimer ce qui est hors de nous, il faut aimer un être qui soit en nous, et qui ne soit pas nous. Et cela est vrai d’un chacun de tous les hommes. Or il n’y a que l’être universel qui soit tel. Le royaume de Dieu est en nous. Le bien universel est en nous, est nous-même et n’est pas nous.

Miracles III (Laf. 861, Sel. 439). Les deux fondements : l’un intérieur, l’autre extérieur, la grâce, les miracles, tous deux surnaturels.

 

Pensée n° 10K (Laf. 923, Sel. 753). Sur les confessions et absolutions sans marques de regret.

Dieu ne regarde que l’intérieur, l’Église ne juge que par l’extérieur. Dieu absout aussitôt qu’il voit la pénitence dans le cœur ; l’Église, quand elle la voit dans les œuvres. Dieu fera une Église pure au dedans, qui confonde par sa sainteté intérieure et toute spirituelle, l’impiété intérieure des superbes et des pharisiens. Et l’Église sera une assemblée d’hommes dont les mœurs extérieures soient si pures qu’elles confondent les mœurs des païens.

Pensée n° 19T v° (Laf. 936, Sel. 751). Saint Joseph si intérieur dans une loi toute extérieure.

Les pénitences extérieures disposent à l’intérieure, comme les humiliations à l’humilité [...].

Pensée n° 24Aa (Laf. 944, Sel. 767). Il faut que l’extérieur soit joint à l’intérieur pour obtenir de Dieu ; c’est‑à‑dire que l’on se mette à genoux, prie des lèvres, etc. afin que l’homme orgueilleux qui n’a voulu se soumettre à Dieu soit maintenant soumis à la créature. Attendre de cet extérieur le secours est être superstitieux ; ne vouloir pas le joindre à l’intérieur est être superbe.

 

Mots-clés : AbaisserChrétien – Élever – Esprit – Extérieur – Habile – Intellectuel – Intérieur – LettrePaïensParfaitPeuple – Populaire – ProportionReligionSoumissionSuperbe.