Fragment Religion aimable n° 2 / 2  – Papier original : RO 227-4 et 227-4 v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Religion aimable n° 276 p. 113 / C2 : p. 139

Éditions savantes : Faugère II, 361, XX / Havet XV.11 / Brunschvicg 747 / Tourneur p. 250-1 / Le Guern 208 / Lafuma 222 / Sellier 255

 

 

 

Les Juifs charnels et les païens ont des misères et les chrétiens aussi. Il n’y a point de rédempteur pour les païens, car ils n’en espèrent pas seulement. Il n’y a point de rédempteur pour les Juifs : ils l’espèrent en vain. Il n’y a de rédempteur que pour les chrétiens.

 

Voyez Perpétuité.

 

 

Ce fragment complète le précédent, qui soutenait que la religion est aimable parce que le Christ s’est sacrifié pour le salut de tous. Pascal remarque à présent que cette vérité doit être complétée par la suivante : pour que l’appel du Christ soit efficace, il faut encore que les hommes ne s’en excluent pas en refusant de reconnaître leur sauveur, l’homme devant prendre une part effective à son salut. Pascal esquisse donc la typologie des attitudes qui s’en excluent volontairement en ignorant le Sauveur (païens et Juifs), et de ceux qui l’acceptent (chrétiens).

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Loi figurative 12 (Laf. 256, Sel. 288). Les Juifs charnels n’entendaient ni la grandeur, ni l’abaissement du Messie prédit dans leurs prophéties. Ils l’ont méconnu dans sa grandeur prédite, comme quand il dit que le Messie sera seigneur de David, quoique son fils et qu’il est devant qu’Abraham et qu’il l’a vu. Ils ne le croyaient pas si grand qu’il fût éternel, et ils l’ont méconnu de même dans son abaissement et dans sa mort. Le Messie, disaient-ils, demeure éternellement et celui-ci dit qu’il mourra. Ils ne le croyaient donc ni mortel, ni éternel ; ils ne cherchaient en lui qu’une grandeur charnelle.

Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel. 318). Deux sortes d’hommes en chaque religion.

Parmi les païens des adorateurs de bêtes, et les autres adorateurs d’un seul Dieu dans la religion naturelle.

Parmi les juifs les charnels et les spirituels qui étaient les chrétiens de la loi ancienne.

Parmi les chrétiens les grossiers qui sont les juifs de la loi nouvelle.

Les juifs charnels attendaient un Messie charnel et les chrétiens grossiers croient que le Messie les a dispensés d’aimer Dieu. Les vrais Juifs et les vrais chrétiens adorent un Messie qui leur fait aimer Dieu.

Perpétuité 9 (Laf. 287, Sel. 319). Qui jugera de la religion des Juifs par les grossiers la connaîtra mal. Elle est visible dans les saints livres et dans la tradition des prophètes, qui ont assez fait entendre qu’ils n’entendaient pas la loi à la lettre. Ainsi notre religion est divine dans l’Évangile, les apôtres et la tradition, mais elle est ridicule dans ceux qui la traitent mal.

Le Messie selon les Juifs charnels doit être un grand prince temporel. J.-C. selon les chrétiens charnels est venu nous dispenser d’aimer Dieu, et nous donner des sacrements qui opèrent tout sans nous ; ni l’un ni l’autre n’est la religion chrétienne, ni juive.

Les vrais juifs et les vrais chrétiens ont toujours attendu un Messie qui les ferait aimer Dieu et par cet amour triompher de leurs ennemis.

Perpétuité 11 (Laf. 289, Sel. 321). Les Juifs charnels tiennent le milieu entre les chrétiens et les païens. Les païens ne connaissent point Dieu et n’aiment que la terre, les juifs connaissent le vrai Dieu et n’aiment que la terre, les chrétiens connaissent le vrai Dieu et n’aiment point la terre. Les juifs et les païens aiment les mêmes biens. Les juifs et les chrétiens connaissent le même Dieu.

Les Juifs étaient de deux sortes. Les uns n’avaient que les affections païennes, les autres avaient les affections chrétiennes.

Preuves de Jésus-Christ 11 (Laf. 308, Sel. 339). La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité car elle est surnaturelle.

Tout l’éclat des grandeurs n’a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l’esprit.

La grandeur des gens d’esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair.

La grandeur de la sagesse, qui n’est nulle sinon de Dieu, est invisible aux charnels et aux gens d’esprit. Ce sont trois ordres différents, de genre.

Prophéties VIII (Laf. 502, Sel. 738). Raison pourquoi figures.

R. Ils avaient à entretenir un peuple charnel et à le rendre dépositaire du testament spirituel.

Il fallait que pour donner foi au Messie il y eût eu des prophéties précédentes et qu’elles fussent portées par des gens non suspects et d’une diligence et fidélité et d’un zèle extraordinaire et connu de toute la terre.

Pour faire réussir tout cela Dieu a choisi ce peuple charnel auquel il a mis en dépôt les prophéties qui prédisent le Messie comme libérateur et dispensateur des biens charnels que ce peuple aimait.

Et ainsi il a eu une ardeur extraordinaire pour ses prophètes et a porté à la vue de tout le monde ces livres qui prédisent leur Messie assurant toutes les nations qu’il devait venir et en la manière prédite dans les livres qu’ils tenaient ouverts à tout le monde. Et ainsi ce peuple déçu par l’avènement ignominieux et pauvre du Messie ont été ses plus cruels ennemis, de sorte que voilà le peuple du monde le moins suspect de nous favoriser et le plus exact et zélé qui se puisse dire pour sa loi et pour ses prophètes qui les porte incorrompus.

 

Mots-clés : CharnelChrétienEspéranceJuifPaïenRédempteur.