Fragment Perpétuité n° 11 / 11 – Papier original : RO 255-2 et 255-2 v°
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Perpétuité n° 327 p. 149 / C2 : p. 179
Éditions de Port-Royal : Chap. X - Juifs : 1669 et janvier 1670 p. 88-89 / 1678 n° 21 et 17 p. 88-89
Éditions savantes : Faugère II, 362, XX / Havet XV.12 / Brunschvicg 608 / Tourneur p. 274-2 / Le Guern 272 / Lafuma 289 / Sellier 321
Les Juifs charnels tiennent le milieu entre les chrétiens et les païens. Les païens ne connaissent point Dieu et n’aiment que la terre, les Juifs connaissent le vrai Dieu et n’aiment que la terre, les chrétiens connaissent le vrai Dieu et n’aiment point la terre. Les Juifs et les païens aiment les mêmes biens. Les Juifs et les chrétiens connaissent le même Dieu. Les Juifs étaient de deux sortes : les uns n’avaient que les affections païennes, les autres avaient les affections chrétiennes.
Aimable.
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Pascal tire la conclusion des distinctions qu’il a établies dans le fragment Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel 318). Il y a bien deux sortes d’hommes en chaque religion. Mais entre les fidèles de chacune de ces religions, on peut établir des correspondances. Pascal recourt à la notion de milieu, qui lui permet d’associer les traits semblables des types différents qui partagent les païens, les Juifs et les chrétiens. Grâce à une technique d’inspiration combinatoire, il parvient à établir une continuité entre vrais Juifs et chrétiens spirituels, qui conforme la perpétuité de la religion chrétienne. Mais du même coup, en marquant la ressemblance entre païens et Juifs charnels, il montre par quel aspect peut s’expliquer le dépassement des cérémonies et du culte juif par le christianisme.
Fragments connexes
Religion aimable 2 (Laf. 222, Sel. 255). Les Juifs charnels et les païens ont des misères et les chrétiens aussi. Il n’y a point de rédempteur pour les païens, car ils n’en espèrent pas seulement. Il n’y a point de rédempteur pour les Juifs : ils l’espèrent en vain. Il n’y a de rédempteur que pour les chrétiens. Voyez perpétuité.
Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.
Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel 318). Deux sortes d’hommes en chaque religion. Parmi les païens des adorateurs de bêtes, et les autres adorateurs d’un seul Dieu dans la religion naturelle. Parmi les juifs les charnels et les spirituels qui étaient les chrétiens de la loi ancienne. Parmi les chrétiens les grossiers qui sont les juifs de la loi nouvelle. Les juifs charnels attendaient un Messie charnel et les chrétiens grossiers croient que le Messie les a dispensés d’aimer Dieu, les vrais Juifs et les vrais chrétiens adorent un Messie qui leur fait aimer Dieu.
Perpétuité 9 (Laf. 287, Sel. 319). Qui jugera de la religion des Juifs par les grossiers la connaîtra mal. Elle est visible dans les saints livres et dans la tradition des prophètes qui ont assez fait entendre qu’ils n’entendaient pas la loi à la lettre. Ainsi notre religion est divine dans l’Évangile, les apôtres et la tradition, mais elle est ridicule dans ceux qui la traitent mal. Le Messie selon les Juifs charnels doit être un grand prince temporel. J.-C. selon les chrétiens charnels est venu nous dispenser d’aimer Dieu, et nous donner des sacrements qui opèrent tout sans nous ; ni l’un ni l’autre n’est la religion chrétienne, ni juive. Les vrais juifs et les vrais chrétiens ont toujours attendu un Messie qui les ferait aimer Dieu et par cet amour triompher de leurs ennemis.
Preuves par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693). Pour montrer que les vrais Juifs et les vrais chrétiens n’ont qu’une même religion [...]. Que les vrais Juifs ne considéraient leur mérite que de Dieu et non d’Abraham.
Mots-clés : Affection – Bien – Charnel – Chrétien – Connaissance – Dieu – Juif – Païen – Terre.