Fragment Fausseté des autres religions n° 18 / 18  – Papier original : RO 465-4

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fausseté n° 275 p. 109 v° / C2 : p. 136

Éditions de Port-Royal : Chap. II - Marques de la véritable religion : 1669 et janvier 1670 p. 20 / 1678 n° 4 p. 19

Éditions savantes : Faugère II, 142, V / Havet XI.4 / Brunschvicg 468 / Tourneur p. 249-2 / Le Guern 206 / Lafuma 220 / Sellier 253

 

 

 

Nulle autre religion n’a proposé de se haïr, nulle autre religion ne peut donc plaire à ceux qui se haïssent et qui cherchent un être véritablement aimable. Et ceux‑là s’ils n’avaient jamais ouï parler de la religion d’un Dieu humilié l’embrasseraient incontinent.

 

 

Comme dans plusieurs fragments de la liasse Fausseté, Pascal insiste sur l’originalité de la religion chrétienne par rapport aux autres religions. Dans ce texte, il souligne la convenance de la prescription majeure du christianisme, la haine de soi (au sens de la conscience des imperfections de la nature corrompue de l’homme), avec les bonnes dispositions qui peuvent conduire l’homme dans la recherche de la vérité. Ce fragment annonce directement la liasse suivante, Religion aimable.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Fondement 18 (Laf. 241, Sel. 273). Source des contrariétés. Un Dieu humilié et jusqu’à la mort de la croix. Deux natures en J.-C. Deux avènements. Deux états de la nature de l’homme. Un Messie triomphant de la mort par sa mort.

Loi figurative 9 (Laf. 253, Sel. 285). Un Dieu humilié jusqu’à la croix. Il a fallu que le Christ ait souffert pour entrer en sa gloire, qu’il vaincrait la mort par sa mort - deux avènements.

Loi figurative 23 (Laf. 268, Sel. 299). Figures.

La lettre tue - Tout arrivait en figures - Il fallait que le Christ souffrît - Un Dieu humilié - Voilà le chiffre que saint Paul nous donne.

Morale chrétienne 22 (Laf. 373, Sel. 405). Il faut n’aimer que Dieu et ne haïr que soi.

Conclusion 5 (Laf. 381, Sel. 413). Ceux qui croient sans avoir lu les testaments c’est parce qu’ils ont une disposition intérieure toute sainte et que ce qu’ils entendent dire de notre religion y est conforme. Ils sentent qu’un Dieu les a faits. Ils ne veulent aimer que Dieu, ils ne veulent haïr qu’eux-mêmes. Ils sentent qu’ils n’en ont pas la force d’eux‑mêmes, qu’ils sont incapables d’aller à Dieu et que si Dieu ne vient à eux ils sont incapables d’aucune communication avec lui et ils entendent dire dans notre religion qu’il ne faut aimer que Dieu et ne haïr que soi-même, mais qu’étant tous corrompus et incapables de Dieu, Dieu s’est fait homme pour s’unir à nous. Il n’en faut pas davantage pour persuader des hommes qui ont cette disposition dans le cœur et qui ont cette connaissance de leur devoir et de leur incapacité.

Dossier de travail (Laf. 396, Sel. 15). Il est injuste qu’on s’attache à moi quoiqu’on le fasse avec plaisir et volontairement. Je tromperais ceux à qui j’en ferais naître le désir, car je ne suis la fin de personne et n’ai de quoi les satisfaire. Ne suis-je pas prêt à mourir et ainsi l’objet de leur attachement mourra. Donc comme je serais coupable de faire croire une fausseté, quoique je la persuadasse doucement, et qu’on la crût avec plaisir et qu’en cela on me fît plaisir ; de même je suis coupable de me faire aimer. Et si j’attire les gens à s’attacher à moi, je dois avertir ceux qui seraient prêts à consentir au mensonge, qu’ils ne le doivent pas croire, quelque avantage qui m’en revînt ; et de même qu’ils ne doivent pas s’attacher à moi, car il faut qu’ils passent leur vie et leurs soins à plaire à Dieu ou à le chercher.

Pensées diverses (Laf. 564, Sel. 471). La vraie et unique vertu est donc de se haïr, car on est haïssable par sa concupiscence, et de chercher un être véritablement aimable pour l’aimer. Mais comme nous ne pouvons aimer ce qui est hors de nous, il faut aimer un être qui soit en nous, et qui ne soit pas nous. Et cela est vrai d’un chacun de tous les hommes. Or il n’y a que l’être universel qui soit tel. Le royaume de Dieu est en nous. Le bien universel est en nous, est nous-même et n’est pas nous.

Pensées diverses (Laf. 597, Sel. 494). Le moi est haïssable. Vous Miton le couvrez, vous ne l’ôtez point pour cela. Vous êtes donc toujours haïssable.

Pensées diverses (Laf. 618, Sel. 511). S’il y a un Dieu il ne faut aimer que lui et non les créatures passagères. Le raisonnement des impies dans la Sagesse n’est fondé que sur ce qu’il n’y a point de Dieu. Cela posé, dit-il, jouissons donc des créatures. C’est le pis-aller. Mais s’il y avait un Dieu à aimer il n’aurait pas conclu cela mais bien le contraire. Et c’est la conclusion des sages : il y a un Dieu, ne jouissons donc pas des créatures.

Donc tout ce qui nous incite à nous attacher aux créatures est mauvais puisque cela nous empêche, ou de servir Dieu, si nous le connaissons, ou de le chercher si nous l’ignorons. Or nous sommes pleins de concupiscence, donc nous sommes pleins de mal, donc nous devons nous haïr nous-mêmes, et tout ce qui nous excite à autre attache qu’à Dieu seul.

 

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