Dossier de travail - Fragment n° 23 / 35  – Papier original : RO 487-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 20 p. 195 v° / C2 : p. 7

Éditions savantes : Faugère II, 19 / Havet I.9 / Brunschvicg 421 / Tourneur p. 304-3 / Le Guern 384 / Lafuma 405 / Sellier 24

 

 

 

Je blâme également et ceux qui prennent parti de louer l’homme et ceux qui le prennent de le blâmer et ceux qui le prennent de se divertir, et je ne puis approuver que ceux qui cherchent en gémissant.

 

 

Ce fragment fait partie d’un ensemble de réflexions dans lesquelles Pascal définit son attitude à l’égard de ses différents lecteurs virtuels. Il doit être associé en amont avec la XIe Provinciale, mais aussi avec le grand texte qui lui donne un ample développement, Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681).

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Voir les fragments de la liasse Divertissement.

 

Contrariétés 13 (Laf. 130, Sel. 163). S’il se vante je l’abaisse

S’il s’abaisse je le vante.

Et le contredis toujours

Jusquà ce qu’il comprenne

Qu’il est un monstre incompréhensible.

Commencement 6 (Laf. 156, Sel. 188). Plaindre les athées qui cherchent, car ne sont-ils pas assez malheureux. Invectiver contre ceux qui en font vanité.

Commencement 10 (Laf. 160, Sel. 192). Il y a trois sortes de personnes : les uns qui servent Dieu l’ayant trouvé, les autres qui s’emploient à le chercher ne l’ayant pas trouvé, les autres qui vivent sans le chercher ni l’avoir trouvé. Les premiers sont raisonnables et heureux, les derniers sont fous et malheureux, ceux du milieu sont malheureux et raisonnables.

Commencement 12 (Laf. 162, Sel. 194). Commencer par plaindre les incrédules, ils sont assez malheureux par leur condition. Il ne les faudrait injurier qu’au cas que cela servît, mais cela leur nuit.

Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Je ne puis avoir que de la compassion pour ceux qui gémissent sincèrement dans ce doute, qui le regardent comme le dernier des malheurs, et qui, n’épargnant rien pour en sortir, font de cette recherche leurs principales et leurs plus sérieuses occupations. Mais pour ceux qui passent leur vie sans penser à cette dernière fin de la vie, et qui, par cette seule raison qu’ils ne trouvent pas en eux-mêmes les lumières qui les en persuadent, négligent de les chercher ailleurs, et d’examiner à fond si cette opinion est de celles que le peuple reçoit par une simplicité crédule, ou de celles qui, quoique obscures d’elles-mêmes, ont néanmoins un fondement très solide et inébranlable, je les considère d’une manière toute différente. Cette négligence en une affaire où il s’agit d’eux-mêmes, de leur éternité, de leur tout, m’irrite plus qu’elle ne m’attendrit ; elle m’étonne et m’épouvante : c’est un monstre pour moi. Je ne dis pas ceci par le zèle pieux d’une dévotion spirituelle. J’entends au contraire qu’on doit avoir ce sentiment par un principe d’intérêt humain et par un intérêt d’amour-propre : il ne faut pour cela que voir ce que voient les personnes les moins éclairées.

Preuves par discours II (Laf. 430, Sel. 683). Nul autre n’a connu que l’homme est la plus excellente créature. Les uns, qui ont bien connu la réalité de son excellence, ont pris pour lâcheté et pour ingratitude les sentiments bas que les hommes ont naturellement d’eux-mêmes ; et les autres, qui ont bien connu combien cette bassesse est effective ont traité d’une superbe ridicule ces sentiments de grandeur, qui sont aussi naturels à l’homme. Levez vos yeux vers Dieu, disent les uns ; voyez celui auquel vous ressemblez, et qui vous a fait pour l’adorer. Vous pouvez vous rendre semblable à lui ; la sagesse vous y égalera, si vous voulez le suivre. « Haussez la tête, hommes libres », dit Épictète. Et les autres lui disent : « Baissez vos yeux vers la terre, chétif ver que vous êtes, et regardez les bêtes dont vous êtes le compagnon. » Que deviendra donc l’homme ? Sera-t-il égal à Dieu ou aux bêtes ? Quelle effroyable distance ! Que serons-nous donc ? Qui ne voit par tout cela que l’homme est égaré, qu’il est tombé de sa place, qu’il la cherche avec inquiétude, qu’il ne la peut plus retrouver. Et qui l’y adressera donc ? Les plus grands hommes ne l’ont pu.

 

Mots-clés : Blâme – Chercher – Divertissement – Gémir – HommeLouange.