Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 3 / 24 – Papier original : RO 55-2
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Preuves de J.-C. n° 335 p. 157 / C2 : p. 187
Éditions de Port-Royal : Chap. XIV - Jésus-Christ : 1669 et janvier 1670 p. 110 / 1678 n° 2 p. 110
Éditions savantes : Faugère II, 325, XXVII / Havet XVII.2 / Brunschvicg 786 / Tourneur p. 276-3 / Le Guern 282 / Lafuma 300 / Sellier 331
Jésus-Christ dans une obscurité (selon ce que le monde appelle obscurité), telle que les historiens n’écrivant que les importantes choses des États l’ont à peine aperçu.
|
L’obscurité de la naissance et de la vie du Christ est l’une des « preuves de Jésus-Christ », dans la mesure où, bien considérée, elle apparaît comme une forme de grandeur dans l’ordre de la charité. C’est un aspect du Dieu caché.
Fragments connexes
Fondement 3 (Laf. 225, Sel. 258). Comme J.-C. est demeuré inconnu parmi les hommes ; ainsi sa vérité demeure parmi les opinions communes sans différence à l’extérieur. Ainsi l’Eucharistie parmi le pain commun.
Loi figurative 9 (Laf. 253, Sel. 285). Un Dieu humilié jusqu’à la croix. Il a fallu que le Christ ait souffert pour entrer en sa gloire, qu’il vaincrait la mort par sa mort - deux avènements.
Loi figurative 19 (Laf. 264, Sel. 295). Les Juifs étaient accoutumés aux grands et éclatants miracles et ainsi ayant eu les grands coups de la mer Rouge et la terre de Canaan comme un abrégé des grandes choses de leur Messie ils en attendaient donc de plus éclatants, dont ceux de Moïse n’étaient que l’échantillon.
Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.
Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles. J.-C. est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figure, que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l’esprit, que les ennemis des hommes n’étaient pas leurs Babyloniens, mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main, mais en un cœur pur et humilié, que la circoncision du corps était inutile, mais qu’il fallait celle du cœur, que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc.
Preuves de Jésus-Christ 11 (Laf. 308, Sel. 339). J.-C. sans biens, et sans aucune production au dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n’a point donné d’inventions. Il n’a point régné, mais il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. Ô qu’il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence aux yeux du cœur et qui voient la sagesse. [...]
Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse de J.-C., comme si cette bassesse était du même ordre duquel est la grandeur qu’il venait faire paraître.
Qu’on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans sa mort, dans l’élection des siens, dans leur abandonnement, dans sa secrète résurrection et dans le reste. On la verra si grande qu’on n’aura pas sujet de se scandaliser d’une bassesse qui n’y est pas.
Prophéties VII (Laf. 499, Sel. 736). Quel homme eut jamais plus d’éclat.
Le peuple juif tout entier le prédit avant sa venue. Le peuple gentil l’adore après sa venue.
Ces deux peuples gentil et juif le regardent comme leur centre.
Et cependant quel homme jouit jamais moins de cet éclat ?
De 33 ans il en vit 30 sans paraître. Dans 3 ans il passe pour un imposteur. Les prêtres et les principaux le rejettent. Ses amis et ses plus proches le méprisent, enfin il meurt trahi par un des siens, renié par l’autre et abandonné par tous.
Quelle part a-t-il donc à cet éclat ? Jamais homme n’a eu tant d’éclat, jamais homme n’a eu plus d’ignominie. Tout cet éclat n’a servi qu’à nous pour nous le rendre reconnaissable, et il n’en a rien eu pour lui.
Pensées diverses (Laf. 746, Sel. 619). Sur ce que Josèphe ni Tacite, et les autres historiens, n’ont point parlé de J.-C.
Tant s’en faut que cela fasse contre, qu’au contraire cela fait pour. Car il est certain que J.-C. a été et que sa religion a fait grand bruit et que ces gens-là ne l’ignoraient pas et qu’ainsi il est visible qu’ils ne l’ont celé qu’à dessein ou bien qu’ils en ont parlé et qu’on l’a supprimé, ou changé.
Mots-clés : État – Histoire – Jésus-Christ – Monde – Obscurité.