Fragment Misère n° 4 / 24 – Papier original : RO 67-4
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Misère n° 77 p. 15 / C2 : p. 33
Éditions de Port-Royal : Chap. XXIX - Pensées Morales : 1669 et janv. 1670 p. 290 / 1678 n° 46 p. 287
Éditions savantes : Faugère I, 194, XLIX / Havet VI.63 / Michaut 189 / Brunschvicg 181 / Tourneur p. 180-5 / Le Guern 52 / Maeda II p.230 / Lafuma 56 / Sellier 89
Nous sommes si malheureux que nous ne pouvons prendre plaisir à une chose qu’à condition de nous fâcher si elle réussit mal, ce que mille choses peuvent faire et font à toute heure. [Qui] aurait trouvé le secret de se réjouir du bien sans se fâcher du mal contraire aurait trouvé le point. C’est le mouvement perpétuel.
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Comme plusieurs fragments de Misère, celui-ci présente le mécontentement de l’homme à l’égard de sa nature comme l’effet d’un processus malsain, mais nécessaire, qui se poursuit continuellement et auquel il est impossible de mettre un terme. L’homme est fatalement malheureux parce que sa nature est emportée par un mécanisme absurde, dont le mouvement perpétuel le rend inconstant et misérable. Le mouvement perpétuel est ici la métaphore de l’éternelle inquiétude humaine. Pascal fait dans ce fragment un usage à la fois comique et amer de son expérience de physicien.
Le point : il ne s’agit pas du point d’équilibre et de stabilité, ni du point de vue qu’on cherche toujours sans le trouver. Voir le fragment Vanité 9 (Laf. 21, Sel. 55). C’est une notion logique qui désigne le terme précis où se trouve le problème. C’est là le point : point se dit d’une question, d’une difficulté particulière ; le mot se dit aussi de « ce qu’il y a de principal dans une affaire, dans une question, dans une difficulté. C’est là le point de l’affaire » (Dictionnaire de l’Académie).
Illustration de Stevin.
Fragments connexes
Vanité 9 (Laf. 21, Sel. 55). Si on est trop jeune on ne juge pas bien, trop vieil de même.
Si on n'y songe pas assez, si on y songe trop, on s'entête et on s'en coiffe.
Si on considère son ouvrage incontinent après l'avoir fait on en est encore tout prévenu, si trop longtemps après on n'y entre plus.
Ainsi les tableaux vus de trop loin et de trop près. Et il n'y a qu'un point indivisible qui soit le véritable lieu. Les autres sont trop près, trop loin, trop haut ou trop bas. La perspective l'assigne dans l'art de la peinture, mais dans la vérité et dans la morale qui l'assignera ?
Misère 3 (Laf. 55, Sel. 88). Inconstance. On croit toucher des orgues ordinaires en touchant l’homme. Ce sont des orgues à la vérité, mais bizarres, changeantes, variables. Ceux qui ne savent toucher que les ordinairesne feraient pas d’accords sur celles-là.
Pensées diverses (Laf. 640, Sel. 529 bis). Ceux qui dans de fâcheuses affaires ont toujours bonne espérance et se réjouissent des aventures heureuses, s'ils ne s'affligent également des mauvaises, sont suspects d'être bien aises de la perte de l'affaire et sont ravis de trouver ces prétextes d'espérance pour montrer qu'ils s'y intéressent et couvrir par la joie qu'ils feignent d'en concevoir celle qu'ils ont de voir l'affaire perdue.
Mots-clés : Malheureux – Mouvement perpétuel – Plaisir – Point.