Fragment Philosophes n° 3 / 8 – Papier original : RO 416-4

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Philosophes n° 194 p. 61 / C2 : p. 85

Éditions savantes : Faugère II, 95, XII / Havet XXV.32 / Brunschvicg 509 / Tourneur p. 214-1 / Le Guern 131 / Lafuma 141 / Sellier 174

 

 

 

Philosophes.

 

La belle chose de crier à un homme qui ne se connaît pas, qu’il aille de lui‑même à Dieu. Et la belle chose de le dire à un homme qui se connaît.

 

 

Cette argumentation est une conséquence du double thème de la grandeur de l’homme qui connaît sa propre misère, et de la misère de l’homme qui ne la connaît pas.

D’ordinaire le problème de savoir si l’homme peut aller de lui-même à Dieu est traité dans la perspective des arguments qui appuient ce conseil : les preuves qui s’adressent à la raison naturelle sont-elles suffisantes pour conduire l’homme à Dieu ? L’originalité de ce fragment consiste en ce que Pascal le pose en fonction de la personne à qui la recommandation est adressée, pour montrer que, quelle qu’elle soit, c’est un conseil inutile et vain.

Ce fragment prend place dans la liasse Philosophes, parce que ce sont les stoïciens et les déistes qui, de manières différentes, demandent à l’homme de chercher Dieu par ses seules facultés naturelles.

 

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Fragments connexes

 

A P. R. 2 (Laf. 149, Sel. 182). Incroyable que Dieu s’unisse à nous.

Cette considération n’est tirée que de la vue de notre bassesse, mais si vous l’avez bien sincère, suivez-la aussi loin que moi et reconnaissez que nous sommes en effet si bas que nous sommes par nous-mêmes incapables de connaître si sa miséricorde ne peut pas nous rendre capables de lui. Car je voudrais savoir d’où cet animal qui se reconnaît si faible a le droit de mesurer la miséricorde de Dieu et d’y mettre les bornes que sa fantaisie lui suggère. Il sait si peu ce que c’est que Dieu qu’il ne sait pas ce qu’il est lui-même. Et tout troublé de la vue de son propre état il ose dire que Dieu ne le peut pas rendre capable de sa communication. Mais je voudrais lui demander si Dieu demande autre chose de lui sinon qu’il l’aime et le connaisse, et pourquoi il croit que Dieu ne peut se rendre connaissable et aimable à lui puisqu’il est naturellement capable d’amour et de connaissance. Il est sans doute qu’il connaît au moins qu’il est et qu’il aime quelque chose. Donc s’il voit quelque chose dans les ténèbres où il est et s’il trouve quelque sujet d’amour parmi les choses de la terre, pourquoi si Dieu lui découvre quelque rayon de son essence, ne sera-t-il pas capable de le connaître et de l’aimer en la manière qu’il lui plaira se communiquer à nous. Il y a donc sans doute une présomption insupportable dans ces sortes de raisonnements, quoiqu’ils paraissent fondés sur une humilité apparente, qui n’est ni sincère, ni raisonnable si elle ne nous fait confesser que ne sachant de nous-mêmes qui nous sommes nous ne pouvons l’apprendre que de Dieu.

Excellence 4 (Laf. 191, Sel. 224). Il est non seulement impossible mais inutile de connaître Dieu sans J. C.

Conclusion 5 (Laf. 381, Sel. 413). Ceux qui croient sans avoir lu les Testaments c'est parce qu'ils ont une disposition intérieure toute sainte et que ce qu'ils entendent dire de notre religion y est conforme. Ils sentent qu'un Dieu les a faits. Ils ne veulent aimer que Dieu, ils ne veulent haïr qu'eux-mêmes. Ils sentent qu'ils n'en ont pas la force d'eux-mêmes, qu'ils sont incapables d'aller à Dieu et que si Dieu ne vient à eux ils sont incapables d'aucune communication avec lui et ils entendent dire dans notre religion qu'il ne faut aimer que Dieu et ne haïr que soi-même, mais qu'étant tous corrompus et incapables de Dieu, Dieu s'est fait homme pour s'unir à nous. Il n'en faut pas davantage pour persuader des hommes qui ont cette disposition dans le cœur et qui ont cette connaissance de leur devoir et de leur incapacité.

 

Sel. 784 (manuscrit Joly de Fleury) : Pourquoi Dieu ne se montre‑t‑il pas ? - En êtes‑vous dignes ? - Oui. Vous êtes bien présomptueux, et indigne par là. - Non. - Vous en êtes donc indigne.

 

Mots-clés : BeauConnaissance – Crier – DieuHomme.