Fragment Soumission et usage de la raison n° 16 / 23  – Papier original : RO 214-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Soumission n° 235 p. 83 v° / C2 : p. 110

Éditions de Port-Royal : Chap. V - Soumission, et usage de la raison : 1669 et janvier 1670 p. 49  / 1678 n° 5 p. 51

Éditions savantes : Faugère II, 348, II / Havet XIII.6 / Brunschvicg 272 / Tourneur p. 231-1 / Le Guern 171 / Lafuma 182 / Sellier 213

 

 

 

Il n’y a rien de si conforme à la raison que ce désaveu de la raison.

 

 

Pascal propose ici un paradoxe : désavouer la raison est raisonnable. Plus précisément, soumettre la raison à la Révélation, dont les principes ne sont pas soumis à la raison, est conforme à cette raison. Cette maxime vise à prévoir l’objection qui présenterait la religion chrétienne non pas seulement comme une folie, mais comme un renoncement à la pensée rationnelle, voire comme une forme d’abêtissement. Pascal pense que savoir fixer à la raison les bornes de sa puissance ne va pas contre elle, dans la mesure où c’est elle-même qui est capable de fixer ses propres limites et de les respecter. Les bases d’un accord entre raison et foi sont ainsi esquissées.

 

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Fragments connexes

 

Soumission 7 (Laf. 173, Sel. 204). Si on soumet tout à la raison notre religion n’aura rien de mystérieux et de surnaturel. Si on choque les principes de la raison notre religion sera absurde et ridicule.

Soumission 8 (Laf. 174, Sel. 205). Saint Augustin. La raison ne se soumettrait jamais si elle ne jugeait qu'il y a des occasions où elle se doit soumettre. Il est donc juste qu'elle se soumette quand elle juge qu'elle se doit soumettre.

Fondement 5 (Laf. 228, Sel. 260). Que disent les prophètes de J.-C. ? qu’il sera évidemment Dieu ? non mais qu’il est un Dieu véritablement caché, qu’il sera méconnu, qu’on ne pensera point que ce soit lui, qu’il sera une pierre d’achoppement, à laquelle plusieurs heurteront, etc. Qu’on ne nous reproche donc plus le manque de clarté puisque nous en faisons profession.

Preuves de Moïse 2 (Laf. 291, Sel. 323). Cette religion si grande en miracles, saints, purs, irréprochables, savants et grands témoins, martyrs, rois, David, établis, Isaïe prince du sang, si grande en science après avoir étalé tous ses miracles et toute sa sagesse elle réprouve tout cela et dit qu’elle n’a ni sagesse, ni signe, mais la croix et la folie. [...] Ainsi notre religion est folle en regardant à la cause efficace et sage en regardant à la sagesse qui y prépare.

Pensées diverses (Laf. 695, Sel. 574). Le péché originel est folie devant les hommes, mais on le donne pour tel. Vous ne me devez donc pas reprocher le défaut de raison en cette doctrine, puisque je la donne pour être sans raison. Mais cette folie est plus sage que toute la sagesse des hommes, sapientius est hominibus. Car, sans cela, que dira-t-on qu’est l’homme ? Tout son état dépend de ce point imperceptible. Et comment s’en fût-il aperçu par sa raison, puisque c’est une chose contre la raison, et que sa raison, bien loin de l’inventer par ses voies, s’en éloigne, quand on le lui présente ?

 

Mots-clés : Désaveu – Raison.