Prophéties III   – Papier original : onze feuillets probablement découpés en 16 papiers post mortem

                                 RO 309-2, 311-1, 311-2, 313-1, 313-2, 315-1, 315-2, 315-3,

                                 RO 289-1, 289-2, 291-1, 291-2, 293-1, 293-2, 295-1, 295-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 69 p. 271 à 277  / C2 : p. 489 à 497

Éditions savantes : Faugère II, 283, XXVI / Havet XVIII (remarques) ; XVIII.22 (note) / Brunschvicg 722 / Tourneur p. 328 / Le Guern 450 / Lafuma 485 (série XIV) / Sellier 720

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Éclaircissements

 

 

Généralités et Bibliographie

Daniel, 2

Dan., 8

Daniel, 9, 20

Daniel, 11

25

 

 

Daniel, 9, 20.

 

Comme je priais Dieu de tout mon cœur et qu’en confessant mon péché et celui de tout mon peuple j’étais prosterné devant mon Dieu, voici : Gabriel, lequel j’avais vu en vision dès le commencement, vint à moi et me toucha au temps du sacrifice du vêpre et, me donnant l’intelligence, me dit : Daniel, je suis venu à vous pour vous ouvrir la connaissance des choses. Dès le commencement de vos prières, je suis venu pour vous découvrir ce que vous désirez parce que vous êtes l’homme de désirs. Entendez donc la parole et entrez dans l’intelligence de la vision. Soixante-dix semaines sont prescrites et déterminées sur votre peuple et sur votre sainte cité, pour expier les crimes, pour mettre fin aux péchés et abolir l’iniquité et pour introduire la justice éternelle, pour accomplir les visions et les prophéties et pour oindre le saint des saints. (Après quoi ce peuple ne sera plus votre peuple, ni cette cité la sainte cité.)(Le temps de colère sera passé, les ans de grâce viendront pour jamais.)

Sachez donc et entendez. Depuis que la parole sortira pour rétablir et réédifier Jérusalem, jusqu’au prince Messie, il y aura sept semaines et soixante-deux semaines (Les Hébreux ont accoutumé de diviser les nombres et de mettre le petit le premier. Ces 7 et 62 font donc 69 de ces 70. Il en restera donc la soixante-dixième, c’est-à-dire les sept dernières années dont il parlera ensuite.) Après que la place et les murs seront édifiés dans un temps de trouble et d’affliction, et après ces soixante-deux semaines (Qui auront suivi les sept premières) le Christ sera tué (Le Christ sera donc tué après les soixante-neuf semaines, c’est‑à‑dire en la dernière semaine) et un peuple viendra avec son prince qui détruira la ville et le sanctuaire et inondera tout, et la fin de cette guerre consommera la désolation.

Or une semaine (Qui est la soixante-dixième qui reste) établira l’alliance avec plusieurs, et même la moitié de la semaine (C’est‑à‑dire les derniers trois ans et demi) abolira le sacrifice et l’hostie, et rendra étonnante l’étendue de l’abomination qui se répandra et durera sur ceux‑mêmes qui s’en étonneront et jusqu’à la consommation.

 

Sur l’écriture de ce passage sur Daniel, IX, voir les remarques sur le manuscrit.

Sur la prophétie des 70 semaines de Daniel, voir Prophéties 20 (Laf. 341, Sel. 373).

Daniel, IX, 20.

Cumque adhuc loquerer, et orarem, et confiterer peccata mea, et peccata populi mei Israël, et prosternerem preces meas in conspectu Dei mei, pro monte sancto Dei mei ; 21. Adhuc me loquente in oratione, ecce vir Gabriel, quem videram in visione a principio, cito volans tetigit me in tempore sacrificii vespertini. 22. Et docuit me, et locutus est mihi, dixitque : Daniel, nunc egressus sum ut docerem te, et intelligeres. 23. Ab exordio precum tuarum egressus est sermo : ego autem veni ut indicarem tibi, quia vir desideriorum es : tu ergo animadverte sermonem, et intellige visionem. 24. Septuaginta hebdomades abbreviatae sunt super populum tuum et super urbem sanctam tuam, ut consummetur praevaricatio, et finem accipiat peccatum, et deleatur iniquitas, et adducatur justitia sempiterna, et impleatur visio et prophetia, et ungatur Sanctus sanctorum. 25. Scito ergo, et animadverte : Ab exitu sermonis, ut iterum aedificetur Jerusalem, usque ad Christum ducem, hebdomades septem et hebdomades sexaginta duae erunt : et rursum aedificabitur platea, et muri in angustia temporum. 26. Et post hebdomades sexaginta duas occidetur Christus : et non erit ejus populus qui eum negaturus est. Et civitatem et sanctuarium dissipabit populus cum duce venturo : et finis ejus vastitas, et post finem belli statuta desolatio. 27. Confirmabit autem pactum multis hebdomada una : et in dimidio hebdomadis deficiet hostia et sacrificium : et erit in templo abominatio desolationis : et usque ad consummationem et finem perseverabit desolatio ».

Traduction de Port-Royal :

« Lorsque je parlais encore et que je priais, et que je confessais mes péchés et les péchés de mon peuple d’Israël, et que dans un profond abaissement, j’offrais mes prières en la présence de mon Dieu pour sa montagne sainte ; 21. Lors, dis-je, que je n’avais pas encore achevé les paroles de ma prière, Gabriel que j’avais vu au commencement dans la vision, vola tout à coup à moi, et me toucha au temps du sacrifice du soir ; 22. il m’instruisit, il me parla, et me dit : Daniel, je suis venu maintenant pour vous instruire et vous donner l’intelligence. 23. Dès le commencement de votre prière j’ai reçu cet ordre, et je suis venu pour vous découvrir toutes choses, parce que vous êtes un homme rempli de désirs. Soyez donc attentif à ce que je vais vous dire, et comprenez cette vision. 24. Dieu a abrégé et fixé le temps à soixante et dix semaines en faveur de votre peuple et de votre ville sainte, afin que ses prévarications soient abolies, que le péché trouve sa fin ; que l’iniquité soit effacée ; que la justice éternelle vienne sur la terre ; que les visions et les prophéties soient accomplies, et que le Saint des Saints soit oint de l’huile sacrée. 25. Sachez donc ceci et gravez-le dans votre esprit : Depuis l’ordre qui sera donné pour rebâtir Jérusalem, jusqu’au Christ chef de mon peuple, il y aura sept semaines et soixante et deux semaines ; et les places et les murailles de la ville seront bâties de nouveau parmi des temps fâcheux et difficiles. 26. Et après soixante et deux semaines le Christ sera mis à mort ; et le peuple qui le doit renoncer ne sera point son peuple. Un peuple avec son chef qui doit venir, détruira la ville et le Sanctuaire : elle finira par une ruine entière, et la désolation qui lui a été prédite arrivera après la fin de la guerre. 27. Il confirmera son alliance avec plusieurs dans une semaine, et à la moitié de la semaine les hosties et les sacrifices seront abolis, l’abomination de la désolation sera dans le temple, et la désolation persévérera jusqu’à la consommation et jusqu’à la fin. »

Lhermet Joseph, Pascal et la Bible, p. 244, estime que la comparaison de la traduction de Louvain avec le texte de Pascal indique que celui-ci s’y est reporté.

« Et quand je parlais encore, et que je priais et que je confessais mes péchés, et les péchés de mon peuple Israël, et que je prosternais mes prières en la présence de mon Dieu, pour la sainte montagne de mon Dieu. 20. Quand encore je parlais en mon oraison, voici l’homme Gabriel, que j’avais vu en vision du commencement, subitement volant me toucha au temps du sacrifice du vêpre. 22. Et m’enseigna, et parla à moi et me dit : Daniel, maintenant je suis sorti, afin de t’enseigner, et que tu entendes. 23. La parole est issue dès le commencement de tes prières. Mais je suis venu pour te déclarer, que tu es l’homme des désirs. Toi donc pense à la parole, et entends la vision. 24. Les septante semaines sont abrégées sur ton peuple, et sur ta sainte cité, afin que la prévarication soit consommée, et que le péché prenne fin, et que l’iniquité soit effacée, et que la justice éternelle soit amenée, et que la vision soit accomplie, et la prophétie : et que le Saint des Saints soit oint. 25. Connais donc et entends depuis l’issue de la parole, que Jérusalem soit derechef réédifiée, jusqu’au duc Christ, il y aura sept semaines et soixante-deux semaine. Et derechef sera édifiée la rue et les murailles au détroit des temps. 26. Et après soixante et deux semaines le Christ sera occis : et celui ne sera plus son peuple qui le doit nier. Et le peuple avec le duc qui doit venir, dissipera la cité, et le sanctuaire : et la fin sera destruction, et après la fin de la bataille sera la désolation ordonnée. 27. Mais il confirmera l’alliance à plusieurs par une semaine : et par la moitié d’une semaine défaudra l’oblation, et le sacrifice : et y aura au temple abomination de la désolation : et la désolation persévérera jusqu’à la consommation, et à la fin ».

La parenté des deux traductions n’est cependant pas évidente.

Prophéties 20 (Laf. 341, Sel. 373), et le commentaire. Prophéties. Les soixante-dix semaines de Daniel sont équivoques pour le terme du commencement à cause des termes de la prophétie, et pour le terme de la fin à cause des diversités des chronologistes. Mais toute cette différence ne va qu’à deux cents ans.

Loi figurative 24 (Laf. 269, Sel. 300). Daniel IX, prie pour la délivrance du peuple de la captivité de leurs ennemis. Mais il pensait aux péchés, et pour le montrer, il dit que Gabriel lui vint dire qu’il était exaucé et qu’il n’y avait plus que soixante-dix semaines à attendre, après quoi le peuple serait délivré d’iniquité. Le péché prendrait fin et le libérateur, le saint des saints amènerait la justice éternelle, non la légale, mais l’éternelle.

Voir le Dictionnaire de théologie catholique, art. Daniel (les soixante-dix semaines du prophète), col. 83 sq., pour l’interprétation des versets de ce chapitre.

La Sainte Bible, en latin et en français, Daniel, dans l’édition de dom Calmet, t. XVI, Paris, Méquignon, 1822, p. 14 sq., contient des explications qui éclaircissent cette prophétie et les interprétations qui en sont proposées.

Préface du livre de Daniel dans la Bible de Port-Royal :

« Si l’on fait réflexion sur le temps auquel tant d’événements ont été prédits, on verra que la destruction de l’empire des Perses y est marquée plus de deux cents ans avant le règne d’Alexandre le Grand qui devait le détruire ; que la ruine de l’empire du même Alexandre est prédite comme devant arriver aussitôt après qu’il aurait été établi, c’est-à-dire au bout de six ou sept ans ; que la cruelle persécution d’Antiochus contre les Juifs et sa mort funeste sont marquées près de quatre cents ans avant qu’elles arrivassent ; que la mort du Messie est prédite plus de cinq cents ans auparavant ; et ce qui est très singulier, sous le nombre de soixante et dix semaines d’années, comme on le verra plus particulièrement dans les explications de cet endroit important ; qu’enfin la ruine entière de Jérusalem et du peuple juif est marquée six cents ans avant qu’elle ne s’accomplît ». Daniel prédit dans le détail « toutes les particularités » qui devaient arriver, « décrivant la suite des quatre grandes monarchies dont on a parlé, et qui devaient s’établir avant le venue de Jésus-Christ » ; il « descend jusques aux moindres circonstances pour affermir davantage la certitude des prédictions ; [...] il marque jusques aux combats que les rois et de Syrie et d’Égypte successeurs du Grand Alexandre, devaient se donner durant l’espace de près de deux siècles ; jusques aux mariages de Bérénice fille du roi d’Égypte avec un roi de Syrie, et de Cléopâtre fille d’Antiochus le Grand avec un roi d’Égypte ; et jusques aux témoignages de fidélité que cette dernière princesse devait donner au roi son mari, malgré toute la perfidie de son propre père ».

Commentaire de la Bible de Port-Royal sur ce passage :

« v. 24. Dieu a abrégé et fixé le temps à soixante et dix semaines, en faveur de votre peuple, et de votre ville sainte, afin que ses prévarications soient abolies... que la justice éternelle vienne sur la terre et que le Saint des Saints soit oint de l’huile sacrée.

Les soixante et dix semaines dont il est parlé ici, ne s’entendent pas des semaines ordinaires que l’on compte par les jours, mais des semaines d’années comme dans le Lévitique [Levit. c. 25. 8]. Dieu ordonne au peuple de compter sept semaines d’années avant le temps du Jubilé, qui revenaient à quarante-neuf années, celle du Jubilé n’étant que la cinquantième. Ainsi les soixante et dix semaines, dont l’Ange parle à Daniel font le nombre de quatre cent quatre-vingt-dix ans. Il dit qu’elles ont été abrégées, c’est-à-dire que Dieu aurait pu prolonger ce temps selon les raisons de sa justice, si les soupirs et les prières de ses saints ne lui eussent fait une espèce de violence. Il a donc en leur considération abrégé le temps de la délivrance de son peuple, au même sens que le Fils de Dieu dit dans l’Évangile : Que si les jours de la désolation de Jérusalem n’avaient été abrégés, nul ne se serait sauvé [Marc. c. 13, 20].

Ainsi l’Ange fait entendre à Daniel, que la délivrance du peuple de Dieu, qui se devait accomplir selon la prédiction de Jérémie, au bout de soixante et dix années de captivité, ne serait que la figure de la délivrance générale de tous les hommes ensevelis dans le péché, qui s’opérerait par la mort de Jésus-Christ soixante et dix semaines, c’est-à-dire quatre cent quatre-vingt-dix ans après.

Ç’a été alors véritablement que les prévarications de Juda et de tous les autres peuples ont été abolies : ou selon un autre sens, qu’étant venues à leur comble par le plus énorme de tous les crimes commis en la personne du Fils de Dieu, le péché a trouvé sa fin dans la mort même de Jésus-Christ, et l’iniquité a été effacée par la vertu de sa Croix. C’est lui qui est appelé par l’Ange, la justice éternelle, ou plutôt le juste éternel, dont saint Paul a dit Qu’il est devenu notre justice, notre sanctification et notre rédemption. Et lorsqu’enfin il est venu sur la terre, on a vu toutes les prophéties et les visions accomplies ; parce que tout ce que les prophètes avaient prédit touchant le salut du monde, s’accomplit en la personne du Saint des Saints, lorsqu’il fut oint de l’huile sacrée de cette onction de la divinité qu’il reçut à son Incarnation, et qui éclata au jour de sa résurrection d’entre les morts [Rom. cap. 1. 4 ; Hebr. Cap. 7. 16] : car toute la gloire de sa nature divine se répandit sur sa chair en ce jour si éclatant, comme une huile sainte, afin que comme roi et comme prêtre éternel, il nous réconciliât avec Dieu son Père.

Les saints interprètes ont remarqué que le prophète Daniel, lorsqu’il faisait sa prière à Dieu, avait nommé le peuple d’Israël, son peuple, et Jérusalem, sa ville : mais que le Seigneur lui répondant, par le ministère du saint ange Gabriel, lui dit, votre peuple, et votre ville ; comme s’il n’eût daigné reconnaître pour son peuple, celui qui avait osé le méconnaître pour son Dieu, et qu’il eût eu de l’éloignement de nommer encore sa ville, celle de Jérusalem qui s’était souillée par tant d’abominations. Et c’est ainsi, dit saint Jérôme, que Dieu en avait usé à l’égard de ce même peuple, lorsqu’il se laissa aller à adorer le veau d’or : car il ne nomma plus alors Israël, son peuple ; mais le peuple de Moïse : Descends promptement, lui dit Dieu ; ton peuple que tu as tiré d’Égypte a péché [Exod. 32, 7].

V. 25-26. Sachez donc ceci, et gravez-le dans votre esprit : Depuis l’ordre qui sera donné pour rebâtir Jérusalem, jusqu’au Christ, chef de mon peuple, il y aura sept semaines et soixante-deux semaines, etc.

L’ange distribue ces soixante et dix semaines dont nous venons de parler, en plusieurs parties, selon la coutume des hébreux, qui coupent ainsi et divisent un nombre parfait en plusieurs, comme on le peut voir dans Ézéchiel [Chronol. sa. r. vet. et nov. Test. cap. 30, 31. Ezéchiel. c. 45, 12]. Le secret qu’il annonçait à Daniel étant le plus grand de tous nos mystères, il l’avertit de bien comprendre ce qu’il lui disait. L’ordre, dont il parle ici, doit s’entendre, selon que l’a bien remarqué Théodoret, de celui que le roi Artaxerxès petit-fils de Darius Hystaspes, donne en la vingtième année de son règne pour le rétablissement de la ville de Jérusalem, l’an du monde trois mil cinq cent cinquante [Theodor. 2. Esdr. cap. 2, 1]. Depuis cette époque jusqu’au temps auquel le Christ deviendrait le chef du peuple de Dieu ; c’est-à-dire jusqu’à son baptême, qui fut proprement le temps où il commença à exercer son ministère, sept semaines et soixante deux semaines d’années devaient se passer, revenant en tout au nombre de quatre cent quatre-vingt trois années.

Ce que l’Ange ajoute, qu’après soixante et deux semaines le Christ serait mis à mort, doit s’entendre des soixante et deux semaines jointes aux sept autres dont il est parlé, qui font en tout soixante et neuf. Et ceci s’explique par ce qui est dit au verset suivant, qu’ayant confirmé son alliance avec plusieurs dans une semaine, c’est-à-dire établi par son Évangile une nouvelle alliance dans la dernière des soixante et dix semaines d’années, non plus seulement avec toutes les nations qui devaient y avoir part ; les hosties et les sacrifices seraient abolis, comme l’explique un ancien Père [Théodor.], par le grand et auguste sacrifice de sa mort, vers le milieu de cette dernière semaine, c’est-à-dire quatre cent quatre-vingt-six ou quatre-vingt-sept ans après l’ordre donné par Artaxerxès l’an du monde 3 550 pour le rétablissement de Jérusalem.

Mais l’Ange n’éclaircit pas seulement Daniel sur le temps de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, marquée par l’onction sacrée du Saint des Saints, dont on a parlé auparavant. Il l’instruit encore touchant la réprobation effroyable du peuple Juif, et la terrible punition par laquelle Dieu devait venger la mort de son Fils unique. Le peuple, dit-il, qui le doit renoncer, ne sera plus son peuple : c’est-à-dire, que ce peuple, autrefois si chéri de Dieu, tombant dans cet horrible aveuglement, de renoncer et de mettre à mort celui qui était son Fils bien-aimé, serait rejeté de lui, comme n’étant plus son peuple, et comme ayant mérité de déchoir du privilège singulier qui le séparait de toutes les autres nations, comme l’héritage du Seigneur.

Un peuple, ajoute l’Ange, avec son chef qui doit venir, détruira la ville et le sanctuaire : c’est-à-dire que les Romains sous la conduite de Tite ruineraient Jérusalem et le sanctuaire, que l’abomination de la désolation seraient dans le Temple, par l’étrange profanation qui y règnerait, selon que le Fils de Dieu le prédit depuis, en citant ce même passage de Daniel [Matth. c. 24, 19] ; et qu’enfin la désolation serait telle alors parmi ce peuple, que jamais il ne pourrait s’en relever, comme on le voit accompli depuis près de dix-sept ans : ce que l’ange exprime en disant que la désolation persévérerait jusqu’à la consommation, et jusqu’à la fin.

On ne doit pas regarder cette explication littérale des soixante et dix semaines de Daniel, comme une chose sèche et stérile. On trouve partout dans les livres des prophètes une infinité d’endroits qui regardent l’instruction et la morale ; et il est très important de s’y attacher pour régler ses mœurs sur ces saintes vérités qui sont propres pour l’édification. Mais il s’y en trouve aussi plusieurs que le Saint-Esprit a destinés principalement pour servir à l’établissement de la religion et de la foi : et il faut bien se garder de les négliger ; comme font quelques personnes trop spirituelles, sous prétexte que notre religion est établie trop fermement pour avoir besoin de ces preuves. Il y a eu en tout temps, et il y aura jusques à la fin du monde des impies et des libertins, ennemis de la piété, et par conséquent de la religion de Jésus-Christ, dont toute la joie est d’en détruire, s’ils pouvaient, les fondements. Or nous n’avons rien de plus fort dans les Écritures pour prouver le vérité de cette religion, que les prophéties, qui ont marqué si longtemps devant, et d’une manière si précise, l’incarnation du Fils de Dieu, sa mort, sa résurrection, le salut des nations, la réprobation des Juifs, la destruction de leur ville, et l’établissement de l’Église sur les ruines du paganisme. Il faut donc bien prendre garde à n’affaiblir, ou à ne négliger, pas par une fausse spiritualité des preuves si importantes, qui sont comme le fondement de notre foi, et dont a parlé l’apôtre saint Pierre, lorsqu’il ne craint pas de dire, après même qu’il eût été témoin oculaire de la majesté de Jésus-Christ sur la sainte montagne, qu’ils avaient encore une plus grande certitude dans les oracles des prophètes, et qu’on faisait bien de s’y arrêter, comme à une lampe d’une lumière éclatante [2 Petr. cap. 1, v. 16. 17. 18. 19]. »

 

Les notes de Pascal

 

Pascal, dans ses notes, saute Daniel X. Pour la signification possible de cette omission, voir DTC, Daniel, col. 89-90.

Le temps de colère sera passé, les ans de grâce viendront pour jamais : voir Loi figurative 24 (Laf. 269, Sel. 300). Daniel IX, prie pour la délivrance du peuple de la captivité de leurs ennemis. Mais il pensait aux péchés, et pour le montrer, il dit que Gabriel lui vint dire qu’il était exaucé et qu’il n’y avait plus que soixante-dix semaines à attendre, après quoi le peuple serait délivré d’iniquité. Le péché prendrait fin et le libérateur, le saint des saints amènerait la justice éternelle, non la légale, mais l’éternelle.

Les Hébreux ont accoutumé de diviser les nombres et de mettre le petit le premier ; ces 7 et 62 font donc 69 de ces 70. Il en restera donc la 70e, c’est-à-dire les 7 dernières années dont il parlera ensuite : Pascal semble s’être intéressé à l’exégèse de la numération hébraïque. La mention « 7 et 62 font 69 », selon l’habitude juive, est un hébraïsme ; voir Dictionnaire de théologie catholique, article Daniel, col. 89.

Voir Histoire universelle des chiffres, coll. Bouquins, I, Paris, Robert Laffont, 1994, p. 520 sq. Le chiffre représentant l’élément du nombre le plus petit (les chiffres 1 à 9) sont placés à la gauche du nombre ; les éléments de valeur supérieure se succèdent vers la droite par ordre de valeur croissante. Pour écrire un nombre composé, à l’aide des lettres numérales, on juxtapose les lettres qui indiquent les différents ordres d’unités consécutifs qui y sont contenus en commençant à partir de la droite vers la gauche, par le chiffre correspondant à l’ordre numérique le plus élevé : voir p. 526.

7 + 62 = 69.

69 + 1 = 70.

Dans la dernière semaine d’années, on compte 3,5 années.

Dans ses explications sur « cur sexaginta septimanae separatae », le Pugio fidei ne fournit pas de raison de cet ordre. Dans le § XVIII, p. 229, il donne au contraire une raison que Pascal ne reprend pas, et une interprétation mystique qui n’est pas reprise non plus.

Après quoi ce peuple ne sera plus votre peuple, ni cette cité la sainte Cité : voir Osée, I, 9. « 9. Et le Seigneur dit à Osée : Appelez cet enfant Non mon peuple, parce que vous n’êtes plus mon peuple, et que je ne serai plus votre Dieu ».