Prophéties VI – Papier original : cinq feuilles (découpées en dix feuillets post mortem)
RO 171, 173, 175, 177, 179, 181, 183, 185, 187, 189
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 72 p. 289 à 297 / C2 : p. 511 à 519 v°
Éditions savantes : Faugère II, 298, XXIX à XXXIV / Havet XXV.170 / Brunschvicg 713 / Tourneur p. 341 / Le Guern 453 / Lafuma 489 (série XVII) / Sellier 735
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✧ Éclaircissements
Captivité des Juifs sans retour Prédiction de Cyrus Réprobation des Juifs et conversion des gentils
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Prédiction de Cyrus.
Sur Cyrus, l’établissement de l’empire perse et la ruine de Babylone, voir Cazelles Henri, Introduction à la Bible, II, Introduction critique à l’ancien Testament, Paris, Desclée, 1973, p. 66 sq. Sous la conduite de Cyrus, les Perses attaquent les Mèdes. Cyrus prend la place de leur roi, puis entreprend la conquête du monde asiatique occidental. Il s’en prend d’abord à Crésus de Lydie en Asie mineure, puis se tourne vers la région du Turkestan et l’Afghanistan, de la mer d’Aral au golfe Persique (545-539). Il conquiert ensuite la Chaldée et Babylone (538). Son fils Cambyse s’attaquera à l’Égypte. Cyrus règne sans dureté, avec tolérance, laissant à chaque peuple sa religion. Il remet aux Juifs les dépouilles arrachées au Temple de Jérusalem, permet aux Juifs de rentrer à Jérusalem et de reconstruire leur temple.
La puissance de Cyrus, qui croît jusqu’à menacer la Babylonie, où les Juifs sont captifs, leur donne espoir que peut-être il sera l’instrument du Seigneur, l’oint de Yahvé. Le prophète Isaïe annonce que les victoires de Cyrus sont favorables aux exilés ; elles sont le signe du pardon définitif du Seigneur et annoncent un avenir de gloire supérieur à tout le passé. Le triomphe de Cyrus (LXI, 23) aboutit à l’annonce de la colère de Dieu, du retour des exilés, et de la reconstruction de Jérusalem (LIV, 11-17). Cyrus, appelé une fois le Messie (XLV, 1), c’est-à-dire consacré par l’onction royale comme Saül, David. Mission : le salut de son peuple.
Voir notamment les versets suivants :
Isaïe, XLIV, 26-28. « C’est moi qui rends stables les paroles de mon serviteur, et qui accomplis les oracles de mes prophètes. Qui dis à Jérusalem : Vous serez habitée de nouveau ; et aux villes de Juda : Vous serez rebâties, et je repeuplerai vos déserts. 27. Qui dis à l’abîme : Épuise-toi ; je mettrai tes eaux à sec ; 28 Qui dis à Cyrus : Vous êtes le pasteur de mon troupeau, et vous accomplirez ma volonté en toutes choses. Qui dis à Jérusalem : Vous serez rebâtie ; et au temple : Vous serez fondé de nouveau ».
Isaïe, XLV, 1-3. « Voici ce que dit le Seigneur à Cyrus qui est mon christ, que j’ai pris par la main pour lui assujettir les nations, pour mettre les rois en fuite, pour ouvrir devant lui toutes les portes sans qu’aucune lui soit fermée. 2. Je marcherai devant vous, j’humilierai les grands de la terre : je romprai les portes d’airain, et je briserai les gonds de fer. 3. Je vous donnerai les trésors cachés, et les richesses secrètes et inconnues, afin que vous sachiez. que je suis le Seigneur, le Dieu d’Israël qui vous ai appelé par votre nom. »
Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, Partie I, Époque 8, éd. Pléiade, p. 81 sq., mentionne le personnage de Cyrus et la ruine de Babylone en ces termes : « Ce fut donc 218 ans après la fondation de Rome, 536 ans avant Jésus-Christ, après les 70 ans de la captivité de Babylone, et la même année que Cyrus fonda l’empire des perses, que ce prince choisi de Dieu pour être le libérateur de son peuple, et le restaurateur de son temple, mit la main à ce grand ouvrage. Incontinent après la publication de son ordonnance, Zorobabel accompagné de Jésus fils de Josedec, souverain pontife, ramena les captifs, qui rebâtirent l’autel, et posèrent les fondements du second temple. Les samaritains jaloux de leur gloire, voulurent prendre part à ce grand ouvrage ; et sous prétexte qu’ils adoraient le Dieu d’Israël, quoiqu’ils en joignissent le culte à celui de leurs faux dieux, ils prièrent Zorobabel de leur permettre de rebâtir avec lui le temple de Dieu. Mais les enfants de Juda qui détestaient leur culte mêlé, rejetèrent leur proposition. Les samaritains irrités traversèrent leur dessein par toute sorte d’artifices et de violences. »
Bible de Jérusalem, p. 1137. Voir l’introduction p. 1076, pour l’application à Jésus et le sens de la prophétie. Paradoxe : le titre d’oint du Seigneur donné à un souverain étranger qui ne connaît pas Yahvé.
À cause de Jacob que j’ai élu, je t’ai appelé par ton nom.
Isaïe, XLV, 4. « Propter servum meum Jacob, et Israël electum meum, et vocavi te nomine tuo : assimilavi te, et non cognovisti me ». Traduction de Port-Royal : « À cause de Jacob qui est mon serviteur, d’Israël qui est mon élu : je vous ai appelé par votre nom : j’y en ai encore ajouté un autre, et vous ne m’avez point connu ».
Les notes de cette édition indiquent que j’y en ai encore ajouté un autre doit s’entendre « comme qui dirait : Je vous ai nommé Cyrus. Je vous ai encore appelé mon Christ. D’autre part, l’édition ajoute cette explication sur la phrase vous ne m’avez point connu : « adorant les idoles en même temps que vous publiiez un édit où il semble que vous reconnaissiez le Dieu des Juifs ». Voir aussi le commentaire du début du chapitre : « Dieu appelle Cyrus son christ, c’est-à-dire son oint, parce que c’est lui qui lui a mis la couronne sur la tête, et qui l’a rendu le monarque d’une des plus grandes parties du monde, afin qu’il devînt ensuite le libérateur de son peuple ».
Is., 45, 21. Venez et disputons ensemble. Qui a fait entendre les choses depuis le commencement ? Qui a prédit les choses dès lors ? N’est‑ce pas moi qui suis le Seigneur ?
Isaïe, XLV, 21. « Annuntiate, et venite et consiliamini simul : quis auditum fecit hoc ab initio, ex tunc praedixit illud ? numquid non ego Dominus, et non est ultra Deus absque me ? Deus justus et salvans non est praeter me ». Traduction de Port-Royal : « Enseignez-les, amenez-les, et prenez conseil tous ensemble. Qui a annoncé ces merveilles dès le commencement ? qui les a prédites dès les premiers temps ? N’est-ce pas moi qui suis le Seigneur, et il n’y a point d’autre Dieu que moi ? Je suis le Dieu juste, et personne ne vous sauvera que moi. »
Is., 46. Ressouvenez‑vous des premiers siècles et connaissez qu’il n’y a rien de semblable à moi, qui annonce dès le commencement les choses qui doivent arriver à la fin, et déjà dès l’origine du monde. Mes décrets subsisteront et toutes mes volontés seront accomplies.
Isaïe, XLVI, 9-10. « Recordamini prioris saeculi, quoniam ego sum Deus, et non est ultra Deus, non est similis mei. 10. Annuntians ab exordio novissimum, et ab initio quae necdum facta sunt, dicens : Consilium meum stabit, et omnis voluntas mea fiet ». Traduction de Port-Royal : « Rappelez le passé en votre mémoire, reconnaissez que je suis Dieu, qu’il n’y a point d’autre Dieu que moi, et qu’il n’y en a point de semblable à moi.10. C’est moi qui annonce dès le commencement ce qui ne doit arriver qu’à la fin des siècles, qui prédis les choses longtemps avant qu’elles soient faites. Toutes mes résolutions seront immuables, et toutes mes volontés s’exécuteront. »
Deux références sont inscrites et barrées, Isaïe XLIII et XLVIII, mais elles ne sont suivies d’aucune citation, en dehors des mots J’ai prédit pour la première référence. Celle-ci suppose que Pascal a pensé à remonter quelque peu dans le livre d’Isaïe. La seconde n’a peut-être été barrée que parce que le papier ne laissait plus beaucoup de place.
Is., 42, 9. Les premières choses sont arrivées comme elles avaient été prédites et voici, maintenant j’en prédis de nouvelles et vous les annonce avant qu’elles soient arrivées.
Isaïe, XLII, 9. « Quae prima fuerant, ecce venerunt, nova quoque ego annuntio antequam oriantur, audita vobis faciam ». Traduction de Port-Royal : « Mes premières prédictions ont été accomplies ; j’en fais encore de nouvelles, et je vous découvre l’avenir avant qu’il arrive. »
Avec cette citation, Pascal remonte dans le livre d’Isaïe. Mais la progression dans les notes reprend avec la citation suivante.
Is., 48, 3. J’ai fait prédire les premières et les ai accomplies ensuite. Et elles sont arrivées en la manière que j’avais dit, parce que je sais que vous êtes dur, que votre esprit est rebelle et votre front impudent. Et c’est pourquoi je les ai voulu annoncer avant l’événement afin que vous ne pussiez pas dire que ce fût l’ouvrage de vos dieux et l’effet de leur ordre.
Vous voyez arrivé ce qui a été prédit. Ne le raconterez‑vous pas ? Maintenant je vous annonce des choses nouvelles, que je conserve en ma puissance et que vous n’avez point encore sues. Ce n’est que maintenant que je les prépare et non pas depuis longtemps. Je vous les ai tenues cachées de peur que vous ne vous vantassiez de les avoir prévues par vous‑mêmes.
Car vous n’en avez aucune connaissance, et personne ne vous en a parlé et vos oreilles n’en ont rien ouï. Car je vous connais et je sais que vous êtes plein de prévarication, et je vous ai donné le nom de prévaricateur dès les premiers temps de votre origine.
Lorsqu’il cite plusieurs verset d’un chapitre, Pascal ne donne en général que la référence du premier.
Isaïe XLVIII, 3-8. « « Priora ex tunc annuntiavi, et ex ore meo exierunt, et audita feci ea : repente operatus sum, et venerunt. 4. Scivi enim quia durus es tu, et nervus ferreus cervix tua, et frons tua aerea. 5. Praedixi tibi ex tunc : antequam venirent indicavi tibi, ne forte diceres : Idola mea fecerunt haec, et sculptilia mea et conflatilia mandaverunt ista. 6. Quae audisti, vide omnia : vos autem non annuntiastis ? Audita feci tibi nova ex nunc, et conservata quae nescis : 7. nunc creata sunt, et non ex tunc : et ante diem, et non audisti ea, ne forte dicas : Ecce cognovi ea. 8. Neque audisti, neque cognovisti, neque ex tunc aperta est auris tua : scio enim quia praevaricans praevaricabis, et transgressorem ex utero vocavi te ».
Traduction de Port-Royal : « Je vous avais annoncé longtemps auparavant ce qui s’est fait depuis, je l’avais assuré de ma bouche, et je vous l’avais fait entendre : je l’ai fait tout d’un coup, et vous l’avez vu arriver. 4. Car je savais que vous êtes dur, que votre cou était comme une barre de fer, et que vous avez un front d’airain. 5. C’est pourquoi je vous ai prédit longtemps auparavant ce qui devait arriver : je vous l’avais marqué par avance de peur que vous ne disiez : Ce sont mes idoles qui ont fait ces choses, ce sont mes images taillées et jetées en fonte qui l’ont ainsi ordonné. 6. Voyez accompli tout ce que vous avez ouï devoir arriver ; mais pour vous, avez-vous ainsi annoncé les choses futures ? Je vous ferai entendre maintenant de nouvelles prédictions que je vous ai réservées, et qui vous sont inconnues : 7. Ce sont des résolutions que je fais présentement, et non d’autrefois ; elles n’étaient point auparavant, et vous n’en avez point ouï parler, afin que vous ne veniez pas dire : Je savais toutes ces choses. 8. Vous ne les avez ni entendues ni connues, et maintenant même votre oreille n’est point ouverte pour les comprendre : car je sais certainement que vous serez un prévaricateur, et dès le sein de votre mère je vous ai appelé le violateur de ma loi. »
Le singulier dur est imposé par le texte latin, qui donne tu es durus. Il faut l’entendre comme un collectif.