Prophéties VI  – Papier original : cinq feuilles (découpées en dix feuillets post mortem)

                                                           RO 171, 173, 175, 177, 179, 181, 183, 185, 187, 189

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 72 p. 289 à 297  / C2 : p. 511 à 519 v°

Éditions savantes : Faugère II, 298, XXIX à XXXIV / Havet XXV.170 / Brunschvicg 713 / Tourneur p. 341 / Le Guern 453 / Lafuma 489 (série XVII) / Sellier 735

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Éclaircissements

 

 

Bibliographie

Captivité des Juifs sans retour

Figures

Prophéties preuve de divinité

Prédiction de Cyrus

Réprobation des Juifs et conversion des gentils

Réprobation du temple

 

 

Figures.

 

Intérêt du passage : il fournit une figure et son sens ; c’est déjà ce que fait Isaïe.

 

Le Seigneur a eu une vigne dont il a attendu des raisins et elle n’a produit que du verjus. Je la dissiperai donc et la détruirai. La terre n’en produira que des épines et je défendrai au ciel d’y...

 

Texte inscrit de manière serrée entre le titre Figures et la citation d’Isaïe qui suit. Pascal s’est sans doute rendu compte, soit en cours de rédaction, soit a posteriori que la citation qu’il avait prise dans Isaïe V, 8, pouvait être précédée par le cantique de la vigne, texte prophétique et figuratif que la suite expliquait.

Prophéties 26 (Laf. 347, Sel. 379). Prophéties. Que les Juifs réprouveraient Jésus-Christ et qu’ils seraient réprouvés de Dieu par cette raison ; que la vigne élue ne donnerait que du verjus ; que le peuple choisi serait infidèle, ingrat et incrédule. Populum non caedentem et contradicentem.

Le Chant de la vigne est un texte de réquisitoire dans un jugement pour infidélité conjugale. La Bible de Jérusalem, p. 1097, note que cette image est fréquente dans les deux Testaments.

L’en-tête du chapitre V d’Isaïe dans la Bible de Port-Royal indique le sens de ce passage : « Le prophète prédit la punition et la réprobation des Juifs. Il représente leurs péchés. »

Isaïe V, 1-7. « Cantabo dilecto meo canticum patruelis mei vineae suae. Vinea facta est dilecto meo in cornu filio olei. 2. Et sepivit eam, et lapides elegit ex illa, et plantavit eam electam, et aedificavit turrim in medio ejus et torcular extruxit in ea : et expectavit ut faceret uvas, et fecit labruscas. 3. Nunc ergo habitatores Jerusalem, et vir Juda, judicate inter me et inter vineam meam. 4. Quid est quod debui ultra facere vineae meae, et non feci ei ? an quod expectavi ut faceret, uvas et fecit labruscas ? 5. Et nunc ostendam vobis quid ego faciam vineae meae : Auferam sepem ejus et erit in direptionem : diruam maceriam ejus et erit in conculcationem. 6. Et ponam eam desertam : non putabitur, et non fodietur : et ascendent vepres et spinae : et nubibus mandabo ne pluant super eam imbrem. 7. Vinea enim Domini exercituum, domus Israël est : et vir Juda, germen ejus delectabile : et expectavi ut faceret judicium, et ecce iniquitas ; et justitiam, et ecce clamor ».

Traduction de Port-Royal : « Je chanterai maintenant à mon bien-aimé le cantique de mon proche parent pour sa vigne. Mon bien-aimé avait une vigne sur un lieu élevé gras et fertile. 2. Il l’environna d’une haie, il en ôta les pierres, et la planta d’un plant rare et excellent ; il bâtit une tour au milieu, et il y fit un pressoir : il s’attendait qu’elle porterait de bons fruits, et elle n’en a porté que de sauvages. 3. Maintenant donc, vous habitants de Jérusalem, et vous hommes de Juda, soyez les juges entre moi et ma vigne. 4. Qu’ai-je dû faire de plus à ma vigne que je n’aie point fait ? Est-ce que je lui ai fait tort d’attendre qu’elle portât de bons raisins, au lieu qu’elle n’en a produit que de mauvais ? 5. Mais je vous montrerai maintenant ce que je m’en vais faire à ma vigne : J’en arracherai la haie, et elle sera exposée au pillage : je détruirai tous les murs qui la défendent, et elle sera foulée aux pieds. 6. Je la rendrai toute déserte, et elle ne sera ni taillée ni labourée : les ronces et les épines la couvriront, et je commanderai aux nuées de ne pleuvoir plus sur elle. 7. La maison d’Israël est la vigne du Seigneur des armées ; et les hommes de Juda étaient le plant auquel il prenait ses délices : j’ai attendu qu’ils fissent des actions justes, et je ne vois qu’iniquité ; et qu’ils portassent des fruits de justice, et je n’entends que les cris de ceux qui sont dans l’oppression. »

Commentaire de Port-Royal : « Le cantique dont le prophète parle ici est un chant lugubre, puisqu’il nous apprend à pleurer avec lui les maux de l’Église qui est le peuple de Dieu, qu’il compare ici à une vigne à l’imitation de David, et comme Jésus-Christ a fait depuis pour l’Évangile. Le prophète marque au long toutes les grâces que Dieu a faites à son peuple, pour faire paraître davantage la grandeur de son ingratitude et de la peine qu’il a méritée. Dieu est plein de miséricorde. Il use d’une longue patience envers ceux qui pèchent. Mais quand on abuse de sa bonté, et qu’au lieu de porter de bon fruit, on ne produit que des épines, c’est-à-dire, comme Jésus-Christ l’explique lui-même dans l’Évangile, lorsqu’on s’abandonne aux soins et aux plaisirs du siècle, et que l’on ne travaille point sérieusement à son salut, il change sa patience en fureur. Il abandonne une vigne qui lui avait été si chère, il fait sécher jusqu’à la racine un bois qui ne porterait que des feuilles ou de mauvais fruits, et ce qui est le comble des maux, il défend à ses nuées d’arroser davantage cette vigne ingrate ». Le commentaire renvoie ensuite à saint Paul, Hebr., VI, et à saint Jérôme, qui écrit qu’il est juste « que Dieu retire ses grâces de ceux qui s’en sont rendus indignes, afin que n’ayant pas voulu reconnaître sa bonté, ils éprouvent la rigueur de sa justice ».

 

Is., 5, 7. La vigne du Seigneur est la maison d’Israël. Et les hommes de Juda en sont le germe délectable. J’ai attendu qu’ils fissent des actions de justice, et ils ne produisent qu’iniquité.

 

Isaïe, V, 7 : « Vinea enim Domini exercituum, domus Israël est : et vir Juda, germen ejus delectabile : et expectavi ut faceret judicium, et ecce iniquitas ; et justitiam, et ecce clamor ». Traduction de Port-Royal : « La maison d’Israël est la vigne du Seigneur des armées ; et les hommes de Juda étaient le plant auquel il prenait ses délices : j’ai attendu qu’ils fissent des actions justes, et je ne vois qu’iniquité ; et qu’ils portassent des fruits de justice, et je n’entends que les cris de ceux qui sont dans l’oppression. »

 

Is., 8.

Sanctifiez le Seigneur avec crainte et tremblement. Ne redoutez que lui et il vous sera en sanctification. Mais il sera en pierre de scandale et en pierre d’achoppement aux deux maisons d’Israël.

Il sera en piège et en ruine aux peuples de Jérusalem et un grand nombre d’entre eux heurteront cette pierre, y tomberont, y seront brisés, et seront pris à ce piège et y périront.

Voilez mes paroles et couvrez ma loi pour mes disciples.

J’attendrai donc en patience le Seigneur qui se voile et se cache à la maison de Jacob.

 

Isaïe, VIII, 12-17. « Non dicatis, conjuratio : omnia enim quae loquitur populus iste conjuratio est : et timorem eijus ne timeatis, neque paveatis. 13. Dominum exercituum ipsum sanctificate : ipse pavor vester, et ipse terror vester, 14. et erit vobis in sanctificationem : in lapidem autem offensionis, et in petram scandali, duabus domibus Israël ; in laqueum et in ruinam habitantibus Jerusalem. 15. Et offendent ex eis plurimi, et cadent, et conterentur, et irretientur, et capientur. 16. Liga testimonium, signa legem in discipulis meis. 17. Et expectabo Dominum, qui abscondit faciem suam a domo Jacob, et praestolabor eum ».

Traduction de Port-Royal : « Ne dites point comme les autres : Faisons une conspiration tous ensemble ; car tout ce que dit ce peuple n’est qu’une conspiration contre moi ; ne craignez point leurs menaces, et ne vous épouvantez point. 13. Mais rendez gloire à la sainteté du Seigneur des armées : qu’il soit lui-même votre crainte et votre terreur ; 14. Et il deviendra votre sanctification [Une note indique que ce mot peut être compris au sens de sanctuaire, d’asile] : et il sera une pierre d’achoppement, une pierre de scandale pour les deux maisons d’Israël ; un piège et un sujet de ruine à ceux qui habitent dans Jérusalem. 15. Plusieurs d’entre eux se heurteront contre cette pierre ; ils tomberont et se briseront ; ils s’engageront dans le filet, et y seront pris. 16. Que ce que je vous déclare demeure secret ; tenez ma loi scellée parmi mes disciples. 17. J’attendrai donc le Seigneur qui cache son visage à la maison de Jacob, et je demeurerai dans cette attente. »

Deux maisons d’Israël : il faut entendre les deux royaumes qui partageaient le peuple juif, le royaume de Juda et le royaume d’Israël, dont la capitale était Samarie.

Heurteront : Pascal a d’abord écrit achopperont, qu’il a remplacé par heurteront, terme repris dans la traduction de la Bible de Port-Royal. La Bible de Louvain donne chopperont.

En piège : voir Méthodes chez Pascal, p. 521-522. Intervention de Thérèse Goyet sur la formule en piège.

 

Is., 29. Soyez confus et surpris, peuple d’Israël. Chancelez, trébuchez et soyez ivres, mais non pas d’une ivresse de vin. Trébuchez, mais non pas d’ivresse, car Dieu vous a préparé l’esprit d’assoupissement. Il vous voilera les yeux. Il obscurcira vos princes et vos prophètes qui ont les visions.

 

Isaïe, XXIX, 9-10. « Obstupescite et admiramini : fluctuate, et vacillate : inebriamini, et non a vino : movemini, et non ab ebrietate. Quoniam miscuit vobis Dominus spiritum soporis, claudet oculos vestros, prophetas et principes vestros, qui vident visiones, operiet ». Traduction de Port-Royal : « Soyez dans l’étonnement et dans la surprise : soyez dans l’agitation et le tremblement : soyez ivres, mais non pas de vin ; soyez chancelants, mais non comme ceux qui ont bu avec excès. Car le Seigneur va répandre sur vous un esprit d’assoupissement, il vous fermera les yeux, il couvrira d’un voile vos prophètes et vos princes qui voient des visions ».

 

Daniel, 12.

Les méchants ne l’entendront point, mais ceux qui seront bien instruits l’entendront.

 

Addition en marge de droite. La citation est appelée par celle d’Isaïe XXIX, où il est question de l’obscurcissement des princes et des prophètes.

Daniel, XII, 9-10. « Et ait : Vade, Daniel, quia clausi sunt signatique sermones, usque ad praefinitum tempus. 10. Eligentur et dealbabuntur, et quasi ignis probabuntur multi : et impie agent impii, neque intelligent omnes impii : porro docti intelligent ». Traduction de Port-Royal : « Et il me dit : Allez, Daniel ; car ces paroles sont fermées et sont scellées jusqu’au temps qui a été marqué. 10. Plusieurs seront élus, seront rendus blancs et purs, et seront éprouvés comme par le feu. Les impies agiront avec impiété, et tous les impies n’auront point l’intelligence : mais ceux qui seront instruits comprendront la vérité des choses. »

Le commentaire de la Bible de Port-Royal insiste d’abord sur le fait que « si un prophète aussi éclairé et aussi saint que Daniel entendit ces choses sans les comprendre », il y a nécessairement chez ceux qui « entreprennent d’expliquer ce qui est scellé » dans la prophétie de la présomption et de la curiosité (libido sciendi) malsaine : « il ne faut donc point s’élever au-dessus de soi-même, pour pénétrer des choses que Dieu veut nous tenir cachées. Cette ignorance où nous sommes de l’événement des prophéties nous oblige à une humble vigilance » ; « la négligence où nous sommes à l’égard d’un grand nombre de vérités claires et importantes pour notre salut, condamne de vanité ce désir que nous témoignons de connaître celles qui sont pour nous des énigmes ». Dans Israël, « les prophètes étaient les ministres et les organes de Dieu, dont il se servait pour transmettre aux hommes de tous les siècles ce qui regardait chaque siècle en particulier, outre le bien général que l’Église en retirait ». La remarque précédente s’appliquait aussi à eux, qui, comme Daniel, ne comprenaient pas nécessairement leurs propres prophéties : « Ce qu’ils n’entendaient pas pour eux, ils le laissaient à entendre à ceux qui devaient les suivre. Et quoique leur zèle leur fît prendre grande part à tous les divers événements qui regardaient la postérité, ils se bornaient humblement à l’intelligence qu’il plaisait à l’Esprit de Dieu de leur donner ».

Cette interprétation est-elle compatible avec ce que Pascal écrit dans la liasse Loi figurative, qui paraît supposer que les prophètes, même s’ils s’exprimaient en figures, avaient pourtant assez de raison pour être en mesure de comprendre assez ce qu’ils écrivaient pour en exclure toute contradiction ?

Loi figurative 13 (Laf. 257, Sel. 289). Pour entendre le sens d’un auteur il faut accorder tous les passages contraires. Ainsi pour entendre l’Ecriture il faut avoir un sens dans lequel tous les passages contraires s’accordent ; il ne suffit pas d’en avoir un qui convienne à plusieurs passages accordants, mais d’en avoir un qui accorde les passages même contraires. Tout auteur a un sens auquel tous les passages contraires s’accordent ou il n’a point de sens du tout. On ne peut pas dire cela de l’Écriture et des prophètes : ils avaient assurément trop de bon sens. Il faut donc en chercher un qui accorde toutes les contrariétés.

 

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Osée, dernier chapitre, dernier verset,

après bien des bénédictions temporelles, dit :

Où est le sage ? et il entendra ces choses, etc.

 

Texte inscrit en marge de droite, sous celui de Daniel. Il est appelé par le texte d’Isaïe XXIX, où il est question de l’obscurcissement qui frappera les princes et les sages.

Osée, XIV, 10. « Quis sapiens, et intelleget ista ? intellegens, et sciet haec ? quia rectae viae Domini, et justi ambulabunt in eis : praevaricatores vero corruent in eis ». Traduction de Port-Royal : « Qui est sage pour comprendre ces merveilles ? qui a l’intelligence pour les pénétrer ? car les voies du Seigneur sont droites, et les justes y marcheront sûrement ; mais les violateurs de la loi y périront. » La Bible de Port-Royal interprète ce passage comme suit : « qui comprendra ces merveilles de la miséricorde gratuite de Dieu, dont l’âme éprouve les effets favorables sans les comprendre ? »

Voir Prophéties V (Laf. 487-488, Sel. 734), qui évoque aussi ce passage : Osée. ult. 10. mais intelligibles à ceux qui sont bien instruits. L’abréviation ult signifie que c’est le dernier chapitre d’Osée.

Kolakowski Leszek, Dieu ne nous doit rien, Brève remarque sur la religion de Pascal et l’esprit du jansénisme, Paris, Albin Michel, 1997, p. 188-189.

 

Et les visions de tous les prophètes seront à votre égard comme un livre scellé, lequel si on donne à un homme savant et qui le puisse lire, il répondra : Je ne puis le lire car il est scellé. Et quand on le donnera à ceux qui ne savent pas lire, ils diront : Je ne connais pas les lettres.

Et le Seigneur m’a dit : Parce que ce peuple m’honore des lèvres, mais que son cœur est bien loin de moi, et qu’ils ne m’ont servi que par des voies humaines.

 

Isaïe, XXIX, 11-14. « Et erit vobis visio omnium sicut verba libri signati, quem cum dederint scienti litteras, dicent : Lege istum : et respondebit : Non possum, signatus est enim. 12. Et dabitur liber nescienti litteras, diceturque ei : Lege : et respondebit : Nescio litteras. 13. Et dixit Dominus : Eo quod appropinquat populus iste ore suo, et labiis suis glorificat me, cor autem ejus longe est a me, et timuerunt me mandato hominum et doctrinis. 14. Ideo ecce ego addam ut admirationem faciam populo huic miraculo grandi et stupendo : peribit enim sapientia a sapientibus ejus, et intellectus prudentium ejus abscondetur ».

Traduction de Port-Royal : « Et toutes les visions des vrais prophètes vous seront comme les paroles d’un livre fermé, qu’on donnera à un homme qui sait lire, en lui disant : Lisez ce livre ; et il répondra : Je ne le puis, parce qu’il est scellé. 12. Et on donnera le livre à un homme qui ne sait pas lire, et on lui dira : Lisez ; et il répondra : Je ne sais pas lire.13. C’est pourquoi le Seigneur a dit : Parce que ce peuple s’approche de moi de bouche, et me glorifie des lèvres ; mais que son cœur est éloigné de moi, et que le culte qu’il me rend ne vient que de maximes et d’ordonnances humaines : 14. Je ferai encore une merveille dans ce peuple, un prodige étrange qui surprendra tout le monde : car la sagesse des sages périra, et la prudence des hommes intelligents sera obscurcie. » Voir plus bas la suite du texte qu’interrompt le commentaire de Pascal.

Prophéties VII (Laf. 495, Sel. 736). C’est visiblement un peuple fait exprès pour servir de témoin au messie. Is. 43. 9. 44. 8. Il porte les livres et les aime et ne les entend point. Et tout cela est prédit ; que les jugements de Dieu leur sont confiés, mais comme un livre scellé.

 

En voilà la raison et la cause, car s’ils adoraient Dieu du cœur ils entendraient les prophéties.

 

Ce commentaire en marge de droite doit être rapproché de ce que Pascal écrit au début de L’art de persuader : voir De l’Esprit géométrique, 2, De l’art de persuader, § 3-4, OC III, éd. J. Mesnard, p. 413 sq.

« Je ne parle pas ici des vérités divines, que je n’aurais garde de faire tomber sous l’art de persuader, car elles sont infiniment au-dessus de la nature : Dieu seul peut les mettre dans l’âme, et par la manière qu’il lui plaît. Je sais qu’il a voulu qu’elles entrent du cœur dans l’esprit, et non pas de l’esprit dans le cœur, pour humilier cette superbe puissance du raisonnement, qui prétend devoir être juge des choses que la volonté choisit, et pour guérir cette volonté infirme, qui s’est toute corrompue par ses sales attachements. Et de là vient qu’au lieu qu’en parlant des choses humaines on dit qu’il les faut connaître avant que de les aimer, ce qui a passé en proverbe, les saints au contraire disent en parlant des choses divines qu’il les faut aimer pour les connaître, et qu’on n’entre dans la vérité que par la charité, dont ils ont fait une de leurs plus utiles sentences. En quoi il paraît que Dieu a établi cet ordre surnaturel, et tout contraire à l’ordre qui devait être naturel aux hommes dans les choses naturelles. Ils ont néanmoins corrompu cet ordre en faisant des choses profanes ce qu’ils devaient faire des choses saintes, parce qu’en effet nous ne croyons presque que ce qui nous plaît. Et de là vient l’éloignement où nous sommes de consentir aux vérités de la religion chrétienne, tout opposée à nos plaisirs. Dites nous des choses agréables et nous vous écouterons, disaient les Juifs à Moïse ; comme si l’agrément devait régler la créance ! Et c’est pour punir ce désordre par un ordre qui lui est conforme, que Dieu ne verse ses lumières dans les esprits qu’après avoir dompté la rébellion de la volonté par une douceur toute céleste qui le charme et qui l’entraîne. »

Gouhier Henri, B. Pascal. Conversion et apologétique, p. 30 sq. Ce n’est pas une connaissance de Dieu qui déclenche l’amour de Dieu, mais l’amour qui, en nous portant vers lui, rend possible la connaissance de Dieu.

Soumission 6 (Laf. 172, Sel. 203). La conduite de Dieu, qui dispose toutes choses avec douceur, est de mettre la religion dans l’esprit par les raisons et dans le cœur par la grâce, mais de la vouloir mettre dans l’esprit et dans le cœur par la force et par les menaces, ce n’est pas y mettre la religion mais la terreur.

 

C’est pour cette raison que j’ajouterai à tout le reste d’amener sur ce peuple une merveille étonnante et un prodige grand et terrible. C’est que la sagesse de ses sages périra et leur intelligence sera o[bscurcie].

 

La lecture des Copies, abscondetur, répond mal au contexte. Le texte d’Isaïe corrobore la restitution obscurcie.