Fragment Fausseté des autres religions n° 9 / 18 – Papier original : RO 465-7
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fausseté n° 269 p. 107 v° / C2 : p. 133
Éditions savantes : Faugère I, 225, CLIV / Havet XXIV.81 / Brunschvicg 453 / Tourneur p. 247-2 / Le Guern 197 / Lafuma 211 / Sellier 244
On a fondé et tiré de la concupiscence des règles admirables de police, de morale, et de justice. Mais dans le fond, ce vilain fond de l’homme, ce figmentum malum n’est que couvert. Il n’est pas ôté.
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Il est difficile à première vue de comprendre pourquoi ce fragment figure dans la liasse Fausseté. Toutefois il est directement lié au précédent, et touche comme lui le caractère essentiel à la nature de l’homme corrompu de la concupiscence et de l’amour propre, de ce que Pascal désigne par figmentum malum.
Les hommes sont parvenus, comme l’établit les liasses Raisons des effets et Grandeur, à construire un ordre social là où devrait ne régner que l’état de guerre de tous contre tous. Mais loin de céder à un enthousiasme facile, Pascal rappelle ici qu’à la base de cet ordre social se trouve non pas l’amour du prochain, mais l’amour de soi, qui ne fait leur part aux autres que pour pouvoir mieux s’épanouir lui-même. Ce thème répond au titre La nature est corrompue (voir l’introduction de la liasse Fausseté).
Fragments connexes
Raisons des effets 20 (Laf. 103, Sel. 135). Justice force.
Il est juste que ce qui est juste soit suivi. Il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi.
La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique.
La justice sans force est contredite parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste.
La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice, et a dit qu’elle était injuste, et a dit que c’était elle qui était juste.
Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste.
Grandeur 14 (Laf. 118, Sel. 150). Grandeur de l’homme dans sa concupiscence même, d’en avoir su tirer un règlement admirable et en avoir fait un tableau de la charité.
Fausseté 8 (Laf. 210, Sel. 243). Tous les hommes se haïssent naturellement l’un l’autre. On s’est servi comme on a pu de la concupiscence pour la faire servir au bien public. Mais ce n’est que feindre et une fausse image de la charité car au fond ce n’est que haine.
Rabbinage 2 (Laf. 278, Sel. 308). Du péché originel.
Tradition ample du péché originel selon les Juifs.
Sur le mot de la Genèse 28, la composition du cœur de l’homme est mauvaise dès son enfance.
Morale chrétienne 22 (Laf. 373, Sel. 405). Il faut n’aimer que Dieu et ne haïr que soi.
Pensées diverses (Laf. 597, Sel. 494). Le moi est haïssable. Vous Miton le couvrez, vous ne l’ôtez point pour cela. Vous êtes donc toujours haïssable.
Point, car en agissant comme nous faisons obligeamment pour tout le monde on n’a plus sujet de nous haïr. Cela est vrai, si on ne haïssait dans le moi que le déplaisir qui nous en revient.
Mais si je le hais parce qu’il est injuste qu’il se fait centre de tout, je le haïrai toujours.
En un mot le moi a deux qualités. Il est injuste en soi en ce qu’il se fait centre de tout. Il est incommode aux autres en ce qu’il les veut asservir, car chaque moi est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres. Vous en ôtez l’incommodité, mais non pas l’injustice.
Et ainsi vous ne le rendez pas aimable à ceux qui en haïssent l’injustice. Vous ne le rendez aimable qu’aux injustes qui n’y trouvent plus leur ennemi. Et ainsi vous demeurez injuste, et ne pouvez plaire qu’aux injustes.
Mots-clés : Admiration – Concupiscence – Couvrir – Fonder – Homme – Justice – Morale – Ôter – Police – Règle.