Fragment Grandeur n° 7 / 14 – Papier original : RO 222-2
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Grandeur n° 152 p. 39 / C2 : p. 60
Éditions de Port-Royal : Chap. XXIII - Grandeur de l’homme : 1669 et janv. 1670 p. 178 / 1678 n° 1 p. 174
Éditions savantes : Faugère II, 83, XI / Havet I.2 / Brunschvicg 339 / Tourneur p. 196-1 / Le Guern 102 / Lafuma 111 / Sellier 143
Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête, car ce n’est que l’expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds. Mais je ne puis concevoir l’homme sans pensée. Ce serait une pierre ou une brute.
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Le fragment montre, par une anatomie imaginaire, que la pensée, et non le corps, fait la nature de l’homme.
Le fragment ne porte pas proprement sur la dignité de l’homme, mais sur ce qui fait son être, c’est-à-dire sa nature. Toutefois, le fait que la pensée constitue la nature de l’homme attache celui-ci à l’ordre des esprits, dont il sera dit dans Preuves de Jésus-Christ 11 (Laf. 308, Sel. 339), qu’il est supérieur à l’ordre des corps. D’autre part, Pascal dit ailleurs que Pensée fait la grandeur de l’homme, (Laf. 759, Sel. 628).
Fragments connexes
Misère 14 (Laf. 65, Sel. 99). Diversité.
La théologie est une science, mais en même temps combien est-ce de sciences ? Un homme est un suppôt, mais si on l'anatomise sera-ce la tête, le cœur, l'estomac, les veines, chaque veine, chaque portion de veine, le sang, chaque humeur de sang ?
Une ville, une campagne, de loin c'est une ville et une campagne, mais à mesure qu'on s'approche, ce sont des maisons, des arbres, des tuiles, des feuilles, des herbes, des fourmis, des jambes de fourmis, à l'infini. Tout cela s'enveloppe sous le nom de campagne.
Grandeur 4 (Laf. 108, Sel. 140). Qu'est-ce qui sent du plaisir en nous ? Est-ce la main, est-ce le bras, est-ce la chair, est-ce le sang ?
Pensées diverses (Laf. 620, Sel. 513). L'homme est visiblement fait pour penser. C'est toute sa dignité et tout son mérite.
Pensées diverses (Laf. 688, Sel. 567). Qu’est-ce que le moi ? Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants ; si je passe par là, puis-je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus.
Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m’aime-t-on, moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’âme ? et comment aimer le corps ou l’âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont périssables ? car aimerait-on la substance de l’âme d’une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualités.
Pensées diverses (Laf. 759, Sel. 628). Pensée fait la grandeur de l’homme.