Fragment Raisons des effets n° 14 / 21 - Papier original : RO 232-4
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Raisons des effets n° 125 et 126 p. 35 / C2 : p. 52-53
Éditions savantes : Faugère I, 179, VI / Havet V.12 / Brunschvicg 316 / Tourneur p. 192 / Le Guern 88 / Lafuma 95 / Sellier 129
Opinions du peuple saines.
Être brave n’est pas trop vain, car c’est montrer qu’un grand nombre de gens travaillent pour soi. C’est montrer par ses cheveux qu’on a un valet de chambre, un parfumeur, etc. Par son rabat, le fil, le passement, etc. Or ce n’est pas une simple superficie ni un simple harnais d’avoir plusieurs bras. Plus on a de bras, plus on est fort. Être brave, c’est montrer sa force.
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Être brave signifie être élégant, vêtu avec magnificence, avec une certaine ostentation. Pascal aborde ici un phénomène qui semble pouvoir donner lieu à des développements satiriques sur la vanité des apparats des grands de la société de son temps. Paradoxalement, il procède au contraire à une justification de ces vanités apparentes, par la voie de la raison des effets : la splendeur des vêtements a un sens : elle rend visible de manière frappante et immédiatement évidente la force dont disposent les grands. Considérée sous cet angle, la mode vestimentaire trouve un fondement très solide, et apparaît beaucoup moins vaine que ne le croient quelques moralistes superficiels.
Fragments connexes
Vanité 7 (Laf. 19, Sel. 53). Il a quatre laquais. Voir aussi Divertissement 2 (Laf. 134, Sel. 166), qui donne le même texte.
Raisons des effets 8 (Laf. 89, Sel. 123). Raison des effets. Cela est admirable, on ne veut pas que j’honore un homme vêtu de brocatelle et suivi de sept ou huit laquais. Et quoi, il me fera donner les étrivières si je ne le salue. Cet habit c’est une force. C’est bien de même qu’un cheval bien enharnaché à l’égard d’un autre. Montaigne est plaisant de ne pas voir quelle différence il y a et d’admirer qu’on y en trouve et d’en demander la raison. De vrai, dit-il, d’où vient, etc.
Raisons des effets 12 (Laf. 93, Sel. 127). Raison des effets.
Renversement continuel du pour au contre.
Nous avons donc montré que l’homme est vain par l’estime qu’il fait des choses qui ne sont point essentielles. Et toutes ces opinions sont détruites.
Nous avons montré ensuite que toutes ces opinions sont très saines, et qu’ainsi toutes ces vanités étant très bien fondées, le peuple n’est pas si vain qu’on dit. Et ainsi nous avons détruit l’opinion qui détruisait celle du peuple.
Mais il faut détruire maintenant cette dernière proposition et montrer qu’il demeure toujours vrai que le peuple est vain, quoique ses opinions soient saines, parce qu’il n’en sent pas la vérité où elle est et que la mettant où elle n’est pas, ses opinions sont toujours très fausses et très malsaines.
Raisons des effets 13 (Laf. 94, Sel. 128). Opinions du peuple saines.
Le plus grand des maux est les guerres civiles.
Elles sont sûres si on veut récompenser les mérites, car tous diront qu’ils méritent. Le mal à craindre d’un sot qui succède par droit de naissance n’est ni si grand, ni si sûr.
Raisons des effets 19 (Laf. 101, Sel. 134). Le peuple a les opinions très saines. Par exemple.
1. D’avoir choisi le divertissement, et la chasse plutôt que la prise. Les demi-savants s’en moquent et triomphent à montrer là-dessus la folie du monde, mais par une raison qu’ils ne pénètrent pas, on a raison :
2. D’avoir distingué les hommes par le dehors, comme par la noblesse ou le bien. Le monde triomphe encore à montrer combien cela est déraisonnable. Mais cela est très raisonnable. Cannibales se rient d’un enfant roi.
3. De s’offenser pour avoir reçu un soufflet ou de tant désirer la gloire, mais cela est très souhaitable à cause des autres biens essentiels qui y sont joints. Et un homme qui a reçu un soufflet sans s’en ressentir est accablé d’injures et de nécessités.
Mots-clés : Brave – Force – Harnais – Opinion – Parfumeur – Peuple – Sain – Valet.