Preuves par les Juifs VI – Fragment n° 2 / 15 – Le papier original est perdu
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 54 p. 253 / C2 : p. 469-469 v°
Éditions de Port-Royal : Chapitre XX - On ne connoist Dieu utilement que par Jésus-Christ : 1669 et janv. 1670 p. 154-155 / 1678 n° 2 p. 152-153
Éditions savantes : Faugère II, 354, XIV / Havet XXII.4 / Brunschvicg 544 / Le Guern 428 / Lafuma 460 (série XI) / Sellier 699
Le Dieu des chrétiens est un Dieu qui fait sentir à l’âme qu’il est son unique bien, que tout son repos est en lui, qu’elle n’aura de joie qu’à l’aimer, et qui lui fait en même temps abhorrer les obstacles qui la retiennent et l’empêchent d’aimer Dieu de toutes ses forces. L’amour propre et la concupiscence qui l’arrêtent lui sont insupportables. Ce Dieu lui fait sentir qu’elle a ce fond d’amour propre qui la perd, et que lui seul la peut guérir.
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Ce fragment résume les traits qui, selon Pascal, caractérisent le Dieu des chrétiens par différence avec tous les autres. C’est un bref résumé de la doctrine de la concupiscence et de la grâce.
Fragments connexes
Ordre 9 (Laf. 11, Sel. 45). Ordre.
Après la lettre qu’on doit chercher Dieu, faire la lettre d’ôter les obstacles qui est le discours de la machine, de préparer la machine, de chercher par raison.
Grandeur 6 (Laf. 110, Sel 142). Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur. C’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part essaie de les combattre. [...] Et c’est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du cœur sont bien heureux et bien légitimement persuadés, mais ceux qui ne l’ont pas nous ne pouvons la donner que par raisonnement, en attendant que Dieu la leur donne par sentiment du cœur, sans quoi la foi n’est qu’humaine et inutile pour le salut.
Contrariétés 1 (Laf. 119, Sel. 151). Après avoir montré la bassesse et la grandeur de l’homme.
Que l’homme maintenant s’estime son prix. Qu’il s’aime, car il y a en lui une nature capable de bien ; mais qu’il n’aime pas pour cela les bassesses qui y sont. Qu’il se méprise, parce que cette capacité est vide ; mais qu’il ne méprise pas pour cela cette capacité naturelle. Qu’il se haïsse, qu’il s’aime : il a en lui la capacité de connaître la vérité et d’être heureux ; mais il n’a point de vérité, ou constante, ou satisfaisante. Je voudrais donc porter l’homme à désirer d’en trouver, à être prêt et dégagé de passions, pour la suivre où il la trouvera, sachant combien sa connaissance s’est obscurcie par les passions ; je voudrais bien qu’il haït en soi la concupiscence qui se détermine d’elle-même, afin qu’elle ne l’aveuglât point pour faire son choix et qu’elle ne l’arrêtât point quand il aura choisi.
Divertissement 4 (Laf. 136, Sel. 168). Ils ont un instinct secret qui les porte à chercher le divertissement et l’occupation au dehors, qui vient du ressentiment de leurs misères continuelles. Et ils ont un autre instinct secret qui reste de la grandeur de notre première nature, qui leur fait connaître que le bonheur n’est en effet que dans le repos et non pas dans le tumulte. Et de ces deux instincts contraires il se forme en eux un projet confus qui se cache à leur vue dans le fond de leur âme qui les porte à tendre au repos par l’agitation et à se figurer toujours que la satisfaction qu’ils n’ont point leur arrivera si en surmontant quelques difficultés qu’ils envisagent ils peuvent s’ouvrir par là la porte au repos. [...] Sans divertissement il n’y a point de joie ; avec le divertissement il n’y a point de tristesse. Et c’est aussi ce qui forme le bonheur des personnes.
Fondement 11 (Laf. 234, Sel. 266). Dieu veut plus disposer la volonté que l’esprit.
Loi figurative 15 (Laf. 260, Sel. 291). C’est ce qu’a fait Jésus-Christ et les apôtres. Ils ont levé le sceau. Il a rompu le voile et a découvert l’esprit. Ils nous ont appris pour cela que les ennemis de l’homme sont ses passions, que le rédempteur serait spirituel et son règne spirituel, qu’il y aurait deux avènements, l’un de misère pour abaisser l’homme superbe, l’autre de gloire pour élever l’homme humilié, que Jésus-Christ serait Dieu et homme.
Prophéties 7 (Laf. 328, Sel. 360). Prophétiser c’est parler de Dieu, non par preuves du dehors, mais par sentiment intérieur et immédiat.
Dossier de travail (Laf. 407, Sel. 26). Les stoïques disent : rentrez au dedans de vous même c’est là où vous trouverez votre repos. Et cela n’est pas vrai. Les autres disent : sortez dehors et cherchez le bonheur en un divertissement. Et cela n’est pas vrai, les maladies viennent. Le bonheur n’est ni hors de nous ni dans nous ; il est en Dieu et hors et dans nous.
Preuves par discours I (Laf. 423, Sel. 680). Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ; on le sait en mille choses. Je dis que le cœur aime l’être universel naturellement et soi-même naturellement, selon qu’il s’y adonne, et il se durcit contre l’un ou l’autre à son choix. Vous avez rejeté l’un et conservé l’autre ; est-ce par raison que vous vous aimez ?
Preuves par discours I (Laf. 424, Sel. 680). C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison.
Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). C’est donc assurément un grand mal que d’être dans ce doute ; mais c’est au moins un devoir indispensable de chercher, quand on est dans ce doute ; et ainsi celui qui doute et qui ne recherche pas est tout ensemble et bien malheureux et bien injuste. Que s’il est avec cela tranquille et satisfait, qu’il en fasse profession, et enfin qu’il en fasse vanité, et que ce soit de cet état même qu’il fasse le sujet de sa joie et de sa vanité, je n’ai point de termes pour qualifier une si extravagante créature. Où peut‑on prendre ces sentiments ? Quel sujet de joie trouve‑t‑on à n’attendre plus que des misères sans ressource ? Quel sujet de vanité de se voir dans des obscurités impénétrables, et comment se peut‑il faire que ce raisonnement se passe dans un homme raisonnable ?
Preuves par discours III (Laf. 449, Sel. 690). Le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, le Dieu des chrétiens, est un Dieu d’amour et de consolation ; c’est un Dieu qui remplit l’âme et le cœur de ceux qu’il possède ; c’est un Dieu qui leur fait sentir intérieurement leur misère, et sa miséricorde infinie ; qui s’unit au fond de leur âme ; qui la remplit d’humilité, de joie, de confiance, d’amour ; qui les rend incapables d’autre fin que de lui‑même [...].
Pensées diverses (Laf. 599, Sel. 496). Mais est-il probable que la probabilité assure ?
Différence entre repos et sûreté de conscience. Rien ne donne l’assurance que la vérité ; rien ne donne le repos que la recherche sincère de la vérité.
Mémorial (Laf. 913, Sel. 742). Joie, joie, joie, pleurs de joie.
Mots-clés : Âme – Amour – Amour propre – Bien – Chrétien – Concupiscence – Dieu – Guérir – Joie – Obstacle – Repos – Sentiment.