Pensées diverses II – Fragment n° 29 / 37 – Papier original : RO 47-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 113 p. 359-359 v°  / C2 : p. 315 v°

Éditions savantes : Faugère II, 95, XIV / Havet XXV.32 bis / Brunschvicg 462 / Tourneur p. 93-2 / Le Guern 533 / Lafuma 626 (série XXIV) / Sellier 519

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Bibliographie

 

 

FRIGO Alberto, L’évidence du Dieu caché. Introduction à la lecture des Pensées de Pascal, Presses Universitaires de Rouen et du Havre et CNED, 2015.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993.

THIROUIN Laurent, Pascal ou le défaut de la méthode. Lecture des Pensées selon leur ordre, Paris, Champion, 2015.

Voir les dossiers des liasses Philosophes, Souverain bien et Divertissement.

 

 

Éclaircissements

 

Recherche du vrai bien.

 

Voir la liasse Souverain bien, et le fragment Souverain bien 2 (Laf. 148, Sel. 181).

Le vrai bien doit s’entendre du bonheur.

Sur l’articulation entre les liasses Divertissement, Philosophes et Souverain bien, voir les synthèses de

Frigo Alberto, L’évidence du Dieu caché. Introduction à la lecture des Pensées de Pascal, p. 127 sq. Le problème du souverain bien est posé ici en termes pour ainsi dire topologiques : où faut-il placer le souverain bien, autrement dit où faut-il chercher le bonheur ?

Thirouin Laurent, Pascal ou le défaut de la méthode. Lecture des Pensées selon leur ordre, Paris, Champion, 2015, p. 127 sq.

Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 227 sq., sur la recherche du souverain bien.

 

Le commun des hommes met le bien dans la fortune et dans les biens du dehors, ou au moins dans le divertissement.

 

Voir la liasse Divertissement et ses fragments.

Biens de la fortune désigne selon Furetière les richesses, et par extension des honneurs, les dignités et autres choses inconstantes et périssables. Fortune signifie aussi l’établissement, le crédit, les biens qu’on a acquis par son mérite ou par le hasard.

Le commun des hommes s’oppose aux philosophes. Commun, comme substantif, signifie le général, la plus grande partie des hommes. Ce bourgeois s’est distingué du commun du peuple ; il faut pour bien raisonner élever son esprit au dessus du commun (Furetière). Richelet précise que le mot désigne aussi le vulgaire. On dit qu’une personne est du commun pour dire qu’elle n’a pas de grand mérite, ni de grand prix.

Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 227 sq. Dans la recherche du bonheur, le divertissement correspond à l’attitude la plus spontanée et la plus répandue. Selon J. Mesnard, p. 229-230, la philosophie épicurienne, qui préconise de se détourner de soi-même pour chercher le bonheur au-dehors, érige le divertissement en système et se trouve pratiquement identifiée à la conduite de l’homme du commun. Voir p. 230 sur le cas particulier du désespoir enjoué de Montaigne.

Ou au moins dans le divertissement : pourquoi la restriction au moins ? Pascal veut sans doute dire que si les plus grossiers peuvent se contenter de posséder des biens naturels comme la fortune ou les biens du dehors, ceux qui ne s’en contentent pas peuvent se réfugier dans le divertissement en se forgeant des biens imaginaires et fuyants.

Thirouin Laurent, Pascal ou le défaut de la méthode. Lecture des Pensées selon leur ordre, p. 127, interprète le au moins comme suit : « le divertissement est un appel plus essentiel, plus universel, [...] la formulation la plus abstraite et englobante de ce recours au dehors. C’est le degré ultime de généralisation théorique. Les biens du dehors ne se confondent pas absolument avec le divertissement, dans la mesure où celui-ci exploite tout ce qui vient du dehors, en incluant les maux. On le sait, les tracas et les misères mêmes de la vie quotidienne ont en commun avec la danse et les jeux, sous des apparences si dissemblables, cette faculté unique de divertir, de détourner de l’intérieur ».

Dans la recherche du souverain bien, le recours au divertissement répond aussi à une certaine déception à l’égard de l’idéal que proposent les philosophes stoïciens. Voir le fragment Ordre 8 (Laf. 10, Sel. 44). Les misères de la vie humaine ont frondé tout cela. Comme ils ont vu cela ils ont pris le divertissement.

Les misères ont amené les hommes à contester la prétention des philosophes à leur faire attendre le souverain bien. C’est pourquoi, remarque Philippe Sellier, Pascal avait prévu de faire suivre la Lettre de la folie de la science humaine et de la philosophie par le chapitre Divertissement (Dossier de travail - Laf. 408, Sel. 27).

Philosophes 5 (Laf. 143, Sel. 176). Philosophes. Nous sommes pleins de choses qui nous jettent au-dehors. Notre instinct nous fait sentir qu’il faut chercher notre bonheur hors de nous. Nos passions nous poussent au-dehors, quand même les objets ne s’offriraient pas pour les exciter. Les objets du dehors nous tentent d’eux-mêmes et nous appellent quand même nous n’y pensons pas. Et ainsi les philosophes ont beau dire : rentrez-vous en vous-mêmes, vous y trouverez votre bien ; on ne les croit pas et ceux qui les croient sont les plus vides et les plus sots.

 

Les philosophes ont montré la vanité de tout cela,

 

Il s’agit des stoïciens. Voir Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 227. Les philosophes se dressent contre la vanité du peuple et contre le divertissement. Voir la liasse Philosophes et l’Entretien avec M. de Sacy.

Frigo Alberto, L’évidence du Dieu caché. Introduction à la lecture des Pensées de Pascal, p. 130-131.

 

et l’ont mis où ils ont pu.

 

Formule ironique qui marque l’embarras des stoïciens et la vanité de leur effort pour proposer aux hommes une morale à la fois praticable et exempte de contradictions.

Dossier de travail (Laf. 407, Sel. 26). Les stoïques disent : « Rentrez au-dedans de vous-même, c’est là où vous trouverez votre repos. » Et cela n’est pas vrai. Les autres disent : « Sortez dehors et cherchez le bonheur en un divertissement. » Et cela n’est pas vrai, les maladies viennent.

L’effort des philosophes pour trouver où situer le souverain bien aboutit à une diversité foisonnante de doctrines toutes différentes les unes des autres : voir Preuves par les Juifs VI (Laf. 479, Sel. 714). Pour les philosophes, deux cent quatre-vingts souverains biens.

Pascal répond à cette alternative en termes paradoxaux dans le fragment Dossier de travail (Laf. 407, Sel. 26). Le bonheur n’est ni hors de nous ni dans nous. Il est en Dieu et hors et dans nous. Sortez dehors répond au divertissement. Rentrez au dedans de vous-même est le précepte fondamental des stoïciens. Voir Frigo Alberto, L’évidence du Dieu caché. Introduction à la lecture des Pensées de Pascal, p. 132, sur le lieu paradoxal, ni dehors, ni dedans, mais à la fois dehors et dedans, indiqué par le fragment Laf. 616, Sel. 509 : La concupiscence nous est devenue naturelle et a fait notre seconde nature. Ainsi il y a deux natures en nous, l’une bonne, l’autre mauvaise. Où est Dieu ? où vous n’êtes pas et le royaume de Dieu est dans vous. Sur cette réponse, voir les commentaires sur les fragments en question.