Fragment Contrariétés n° 11 / 14 – Papier original : RO 273-3
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Contrariétés n° 175 p. 47 / C2 : p. 68
Éditions savantes : Faugère I, 226, CLVIII / Havet I.10 bis / Brunschvicg 396 / Tourneur p. 198-5 / Le Guern 119 / Lafuma 128 / Sellier 161
Deux choses instruisent l’homme de toute sa nature : l’instinct et l’expérience.
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Fragment problématique, en raison de sa brièveté et de l’absence de définitions nettes des termes.
L’instinct est la source d’une connaissance par un sentiment intérieur ; l’expérience, elle, vient du dehors. Par conséquent il y a une dualité de sources dans la connaissance que l’homme a de lui-même. Ces deux sources sont hétérogènes l’une par rapport à l’autre. Elles contribuent toutes deux à donner à l’homme la connaissance de sa nature. Toute la difficulté est de savoir dans quelles conditions.
Fragments connexes
Grandeur 1 (Laf. 105, Sel. 137). Si un animal faisait par esprit ce qu’il fait par instinct, et s’il parlait par esprit ce qu’il parle par instinct pour la chasse et pour avertir ses camarades que la proie est trouvée ou perdue, il parlerait bien aussi pour des choses où il a plus d’affection, comme pour dire : rongez cette corde qui me blesse et où je ne puis atteindre.
Grandeur 6 (Laf. 110, Sel. 142). Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur, c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part, essaie de les combattre. […] Et c’est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du cœur sont bien heureux et bien légitimement persuadés, mais ceux qui ne l’ont pas, nous ne pouvons la donner que par raisonnement en attendant que Dieu la leur donne par sentiment de cœur, sans quoi la foi n’est qu’humaine et inutile pour le salut.
Grandeur 7 (Laf. 111, Sel. 143). Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête, car ce n’est que l’expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds. Mais je ne puis concevoir l’homme sans pensée. Ce serait une pierre ou une brute.
Grandeur 8 (Laf. 112, Sel. 144). Instinct et raison, marques de deux natures.
Contrariétés 8 (Laf. 125, Sel. 158). Qu’est‑ce que nos principes naturels sinon nos principes accoutumés. Et dans les enfants ceux qu’ils ont reçus de la coutume de leurs pères comme la chasse dans les animaux.
Une différente coutume en donnera d’autres principes naturels. Cela se voit par expérience.
Divertissement 4 (Laf. 136, Sel 168). Ils ont un instinct secret qui les porte à chercher le divertissement et l’occupation au dehors, qui vient du ressentiment de leurs misères continuelles. Et ils ont un autre instinct secret qui reste de la grandeur de notre première nature, qui leur fait connaître que le bonheur n’est en effet que dans le repos et non pas dans le tumulte. Et de ces deux instincts contraires il se forme en eux un projet confus qui se cache à leur vue dans le fond de leur âme qui les porte à tendre au repos par l’agitation et à se figurer toujours que la satisfaction qu’ils n’ont point leur arrivera si en surmontant quelques difficultés qu’ils envisagent ils peuvent s’ouvrir par là la porte au repos.
Philosophes 5 (Laf. 143, Sel. 176). Philosophes.
Nous sommes pleins de choses qui nous jettent au-dehors.
Notre instinct nous fait sentir qu’il faut chercher notre bonheur hors de nous. Nos passions nous poussent au dehors, quand même les objets ne s’offriraient pas pour les exciter. Les objets du dehors nous tentent d’eux‑mêmes et nous appellent quand même nous n’y pensons pas. Et ainsi les philosophes ont beau dire : Rentrez‑vous en vous‑mêmes, vous y trouverez votre bien ; on ne les croit pas et ceux qui les croient sont les plus vides et les plus sots.
A P. R. 1 (Laf. 149, Sel. 182). Voilà l’état où les hommes sont aujourd’hui. Il leur reste quelque instinct impuissant du bonheur de leur première nature, et ils sont plongés dans les misères de leur aveuglement et de leur concupiscence qui est devenue leur seconde nature.
Commencement 5 (Laf. 155, Sel. 187). Cœur
Instinct
Principes.
Morale chrétienne 15 (Laf. 365, Sel. 397). L’expérience nous fait voir une différence énorme entre la dévotion et la bonté.
Dossier de travail (Laf. 406, Sel. 25). Instinct, raison.
Nous avons une impuissance de prouver, invincible à tout le dogmatisme.
Nous avons une idée de la vérité invincible à tout le pyrrhonisme.
Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Il faut qu’il y ait un étrange renversement dans la nature de l’homme pour faire gloire d’être dans cet état, dans lequel il semble incroyable qu’une seule personne puisse être. Cependant l’expérience m’en fait voir un si grand nombre, que cela serait surprenant, si nous ne savions que la plupart de ceux qui s’en mêlent se contrefont et ne sont pas tels en effet.
Pensées diverses (Laf. 617, Sel. 510). Qui ne hait en soi son amour‑propre et cet instinct qui le porte à se faire Dieu, est bien aveuglé. Qui ne voit que rien n’est si opposé à la justice et à la vérité. Car il est faux que nous méritions cela, et il est injuste et impossible d’y arriver, puisque tous demandent la même chose. C’est donc une manifeste injustice où nous sommes nés, dont nous ne pouvons nous défaire et dont il faut nous défaire.
Pensées diverses (Laf. 633, Sel. 526). Malgré la vue de toutes nos misères qui nous touchent, qui nous tiennent à la gorge, nous avons un instinct que nous ne pouvons réprimer qui nous élève.
Pensées diverses (Laf. 634, Sel. 527). Car des pays sont tout de maçons, d’autres tout de soldats etc. Sans doute que la nature n’est pas si uniforme ; c’est la coutume qui fait donc cela, car elle contraint la nature, et quelquefois la nature la surmonte et retient l’homme dans son instinct malgré toute coutume bonne ou mauvaise.
Mots-clés : Expérience – Homme – Instinct – Nature.