Fragment Loi figurative n° 14 / 31 – Papier original : RO 253-2
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Loi figurative n° 301 p. 127 v°-129 / C2 : p. 155-156
Éditions de Port-Royal : Chap. XIII - Que la loy estoit figurative : 1669 et janvier 1670 p. 102 et 96-97 / 1678 n° 13 et 14 p. 102 et n° 2 et 4 p. 96-97
Éditions savantes : Faugère II, 256, XXI / Havet XVI.11 et 6 / Brunschvicg 728 et 685 / Tourneur p. 259-1 / Le Guern 242 / Lafuma 258 et 259 / Sellier 290
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Bibliographie ✍
CAZELLES Henri, Introduction critique à la Bible, I, Introduction critique à l’ancien Testament, Paris, Desclée, 1973. Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, article Osée, Paris, Cerf, 1993. FORCE Pierre, Le problème herméneutique chez Pascal, Paris, Vrin, 1989. GROTIUS Hugo, De veritate religionis christianae, V, § VIII. LHERMET Joseph, Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931. MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993. MICHON Hélène, L’ordre du cœur. Philosophie, théologie et mystique dans les Pensées de Pascal, Paris, Champion, 2007. PASCAL, Pensées, éd. Havet, II, Paris, Delagrave, 1866. PÉROUSE Marie, L’invention des Pensées de Pascal. Les éditions de Port-Royal (1670-1678), Paris, Champion, 2009. |
✧ Éclaircissements
Il n’était point permis de sacrifier hors de Jérusalem, qui était le lieu que le Seigneur avait choisi, ni même de manger ailleurs les décimes. Deut. 12. 5, etc. Deut. 14. 23, etc. 15. 20 ; 16. 2, 7, 11, 15.
Décimes : dîme, impôt d’un dixième. Voir le Lévitique, XXVII, 30 et 33. « Toutes les dîmes de la terre, soit des grains, soit des fruits des arbres, appartiennent au Seigneur, et lui sont consacrées. [...] Tous les dixièmes des bœufs, des brebis et des chèvres, et de tout ce qui passe sous la verge du pasteur seront offerts au Seigneur ». Commentaire de Sacy : « On voit par ces paroles que la loi de donner le dixième à Dieu était très ancienne. Dieu se plaint dans son Écriture que les Juifs se portaient aisément à la violer ». Sacy commente sur ce point le passage du Deutéronome, XIV, 23, cité ci-après : « Cette dîme, selon la remarque d’un ancien Père [Theod. In Deuter. quaest. 13], et de la plupart des interprètes, était toute différente ce celle qui se payait aux lévites, et qui faisait leur partage. Car celle qui appartenait aux lévites se payait toujours en essence, et il n’en revenait rien aux peuples qui la payaient. Mais celle dont il est parlé en ce lieu, tournait en partie au profit des peuples, et souvent elle ne se payait point en essence. Car lorsqu’ils étaient trop éloignés du lieu où était le tabernacle, ils pouvaient la vendre, ainsi qu’il le marque dans la suite, et en apporter l’argent pour en acheter tout ce qu’ils voulaient, soit des bœufs, ou des brebis, etc., et en manger avec les lévites. »
qui était le lieu que le Seigneur avait choisi : Pensées, éd. Havet, II, Delagrave, 1866, p. 7-8. Dans toutes les références données dans le premier paragraphe, on trouve la formule in loco quem elegerit Dominus.
Deutéronome XII, 5, « Sed ad locum quem elegerit Dominus Deus vester de cunctis tribubus vestris ut ponat nomen suum ibi et habitet in eo venietis ; 6 et offeretis in illo loco holocausta et victimas vestras... » ; « Mais vous viendrez au lieu que le Seigneur votre Dieu aura choisi d’entre toutes vos tribus pour y établir son nom, et pour y habiter » (tr. Sacy).
Deutéronome, XIV, 22-23, « Decimam partem separabis de cunctis fructibus tuis qui nascuntur in terra per annos singulos ; Et comedes in conspectu Domini Dei tui in loco quem elegerit ut in eo nomen illius invocetur decimam frumenti tui et vini et olei et primogenita de armentis et ovibus tuis ut discas timere Dominum Deum tuum omni tempore » ; « Vous mettrez à part chaque année le dixième de tous vos fruits qui naissent de la terre ; Et vous mangerez en la présence du Seigneur votre Dieu, au lieu qu’il aura choisi, afin que son nom y soit invoqué, la dixième partie de votre froment, de votre vin et de votre huile et les premiers-nés de vos bœufs et de vos brebis, afin que vous appreniez à craindre le Seigneur votre Dieu en tout temps » (tr. Sacy).
Deutéronome, XV, 20, « In conspectu Domini Dei tui comedes ea per annos singulos in loco quem elegerit Dominus tu et domus tua » ; « Mais vous les mangerez chaque année, vous et votre maison en la présence du Seigneur votre Dieu, au lieu que le Seigneur aura choisi » (tr. Sacy). Commentaire de Sacy : « Quelques-uns prétendent que Moïse adresse ici son discours non au peuple, mais aux prêtres à qui tous ces premiers nés [de bétails] appartenaient. Et d’autres disent que rien n’empêche qu’on ne l’entende du peuple même à qui les prêtres pouvaient bien donner quelque partie de ces oblations à manger ».
Deutéronome, XVI, 2, « Immolabisque phase Domino Deo tuo de ovibus et de bobus in loco quem elegerit Dominus Deus tuus ut habitet nomen eius ibi » ; « Vous immolerez la Pâque au Seigneur votre Dieu, en lui sacrifiant des brebis et des bœufs dans le lieu que le Seigneur votre Dieu aura choisi pour y établir la gloire de son nom » (tr. Sacy).
Deutéronome, XVI, 7, « Et coques et comedes in loco quem elegerit Dominus Deus tuus maneque consurgens vades in tabernacula tua » ; « Vous ferez cuire l’hostie, et vous la mangerez au lieu que le Seigneur votre Dieu aura choisi ; et, vous levant le matin, vous retournerez dans vos maisons » (tr. Sacy).
Deutéronome XVI, 11, « Et epulaberis coram Domino Deo tuo tu et filius tuus et filia tua et servus tuus et ancilla et Levites qui est intra portas tuas et advena ac pupillus et vidua qui morantur vobiscum in loco quem elegerit Dominus Deus tuus ut habitet nomen ejus ibi » ; « Et vous ferez devant le Seigneur votre Dieu vos festins de réjouissance, vous, votre fils et votre fille, votre serviteur et votre servante, le Lévite qui est dans l’enceinte de vos murailles, l’étranger, l’orphelin et la veuve qui demeurent avec vous, dans le lieu que le Seigneur votre Dieu aura choisi pour y établir son nom » (tr. Sacy).
Deutéronome XVI, 15, « Septem diebus Domino Deo tuo festa celebrabis in loco quem elegerit Dominus benedicetque tibi Dominus Deus tuus in cunctis frugibus tuis et in omni opere manuum tuarum erisque in laetitia » ; « Vous célébrerez cette fête pendant sept jours en l’honneur du Seigneur votre Dieu, dans le lieu que le Seigneur aura choisi, et le Seigneur votre Dieu vous bénira dans tous les fruits de vos champs, et dans tout le travail de vos mains, et vous serez dans la joie ».
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Osée a prédit qu’il serait sans roi, sans prince, sans sacrifice, etc., sans idole. Ce qui est accompli aujourd’hui, ne pouvant faire sacrifice légitime hors de Jérusalem.
Sur le prophète Osée : voir Cazelles Henri, Introduction critique à la Bible, I, Introduction critique à l’ancien Testament, p. 368 sq. Le début du livre d’Osée présente la vie conjugale du prophète, qui a épousé une femme dont il était épris, mais qui l’a quitté ; il l’a reprise, mais après une mise à l’épreuve qui s’est achevée heureusement. Cette histoire est prise comme symbole du drame de la relation entre Dieu et Israël : dans une critique globale du peuple juif, il condamne l’abandon de la foi yahviste, qui résulte du goût matérialiste de l’abondance qui conduit à l’autosatisfaction vaniteuse et à l’oubli de Dieu.
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, article Osée, Paris, Cerf, 1993, p. 836-838.
Osée, III. Le prophète reprend sa femme. « 1. Le Seigneur me dit : Allez, et aimez encore une femme adultère, qui est aimée d’un autre que de son mari, comme le Seigneur aime les enfants d’Israël, pendant qu’ils mettent leur confiance en des dieux étrangers, et qu’ils aiment le marc du vin, au lieu du vin même. 2. Je donnai donc à cette femme quinze pièces d’argent, et une mesure et demie d’orge. 3. Alors je lui dis : Vous m’attendrez pendant plusieurs jours ; vous ne vous abandonnerez cependant à personne ; vous n’épouserez point un autre mari ; et je vous attendrai aussi moi-même ; 4. C’est l’état où les enfants d’Israël seront pendant un long temps, sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel, sans éphod, et sans théraphins ; 5. Et après cela les enfants d’Israël reviendront, et ils chercheront le Seigneur leur Dieu, et David, leur roi ; et dans les derniers jours ils recevront avec une frayeur respectueuse le Seigneur, et les grâces qu’il doit leur faire » (tr. Sacy).
Commentaire : « Le Seigneur me dit : Allez, et aimez encore une femme adultère, qui est aimée d’un autre que de son mari, et qui présentement est libre [ou parce que son mari est mort, ou parce qu’il l’a répudiée], afin que l’amitié que vous aurez pour une personne qui en est si indigne, soit la figure de celle que j’ai pour la Synagogue, après même qu’au lieu de m’être fidèle comme à son époux, elle s’est prostituée aux idoles par un adultère spirituel ; et qu’elle a aimé le marc du vin, au lieu du vin même, ayant préféré les idoles qui ne sont rien à moi qui suis la source de tous les biens. [...]
Le prophète ayant reçu ordre de Dieu, épousa à certaines conditions une femme adultère ; et il lui dit ensuite : Vous m’attendrez longtemps avant que je vive avec vous, je vous attendrai aussi, etc. Il explique ensuite ce que figure ce mariage, et la conduite que devait tenir cette femme à son égard, qui représente la manière dont la Synagogue se devait conduire à l’égard de Dieu. [...]
Les nouveaux interprètes croient que le mot de théraphins signifie des idoles en cet endroit aussi bien que dans tous les autres. Et ce sens semble avoir plus de rapport avec ce qui précède, où le prophète dit à la femme que Dieu lui avait ordonné d’épouser pour être la figure de la Synagogue, qu’il ne vivrait point avec elle pendant un longtemps, et qu’elle aussi ne s’abandonnerait point à un autre. Car c’est l’état où sont aujourd’hui les Juifs, et où ils demeureront jusques à la fin du monde, étant en effet sans autel et sans sacrifice, depuis la destruction de Jérusalem, qui est le seul lieu où ils pourraient sacrifier selon la loi, et en même temps sans théraphins, c’est-à-dire sans idoles, puisqu’ils ne conservent toujours une grande aversion de l’idolâtrie.
[...] Le prophète dit qu’après cela les enfants d’Israël reviendront à Dieu de tout leur cœur, et le rechercheront, selon quelques-uns, sous la conduite de Zorobabel appelé David, parce qu’il était de sa race. Mais ces paroles s’entendent visiblement de la conversion des Juifs ». Le commentaire de la note sur le sens spirituel de ce passage insiste sur le fait que la prophétie d’Osée, selon saint Augustin, « marque expressément la conversion des Juifs, qui doit arriver à la fin du monde ».
Pascal ne donne pas le mot theraphin, mais dans Preuve par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693), le mot idoles.
Figure.
Si la loi et les sacrifices sont la vérité, il faut qu’elle plaise à Dieu et qu’elle ne lui déplaise point. S’ils sont figures, il faut qu’ils plaisent et déplaisent.
Or dans toute l’Écriture ils plaisent et déplaisent.
Port-Royal achève l’argument en rétablissant la conclusion implicite du syllogisme, alors que Pascal s’est contenté des prémisses : « Si la loi et les sacrifices sont la vérité il faut qu'ils plaisent à Dieu et qu’ils ne lui déplaisent point. S'ils sont figures, il faut qu'ils plaisent, et déplaisent. Or dans toute l'Écriture ils plaisent et déplaisent. Donc ils sont figures » ; voir Pérouse Marie, L’invention des Pensées de Pascal, p. 169.
Pensées, éd. Havet, II, Delagrave, 1866, p. 3, donne : Si la loi et les sacrifices sont la vérité il faut qu'ils plaisent à Dieu et qu'ils ne lui déplaisent point. C'est visiblement par attraction avec la phrase suivante.
Plusieurs fragments de la liasse Loi figurative touchent le problème de l’absence et de la présence enfermées dans la représentation que constituent le portrait et la figure. Sur l’ensemble du problème, voir le fragment Loi figurative 15 (Laf. 260, Sel. 291), Un portrait porte absence et présence, plaisir et déplaisir. La réalité exclut absence et déplaisir.
Brunschvicg, GEF XIV, p. 123 (n° 685), associe apparemment ce passage au fragment Loi figurative 15 (Laf. 260, Sel. 291), cité ci-dessus. Cependant, il faut remarquer que, curieusement, l’édition Brunschvicg renvoie en note au « fragment précédent », alors que le fragment sur l’absence et la présence dans le portrait y porte le n° 678, et que le fragment Br. 684 ne contient aucune allusion à ce sujet.
Loi figurative 20 (Laf. 265, Sel. 296). Figure porte absence et présence, plaisir et déplaisir.
Michon Hélène, L’ordre du cœur. Philosophie, théologie et mystique dans les Pensées de Pascal, p. 165 sq. Figure et réalité chez Pascal.
Pascal présente ensuite des listes d’énoncés qui se contredisent, en séparant ceux qui sont univoques de ceux qui sont équivoques, comme il l’a fait dans la Lettre sur la possibilité des commandements. La première liste qui suit est un condensé de citations réunies dans Preuve par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693).
Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, § VIII, p. 75. « Sacrificia, quae nunquam per se Deo placuerunt » propose un recueil de textes prouvant que « sacrificia non esse earum rerum in numero quas Deo per se aut primario velit ».
Pensées, éd. Havet, II, art. XVI, n° 6. Selon Havet, la contradiction que note Pascal n'existe pas. Les passages qui témoignent pour la Loi sont les seuls qui aient bien le sens qu'il leur prête. Voir Genèse XVIII, 13, sq. ; XLIX, 10 ; Jérémie, XXXIII ; Baruch, IV, 1. Mais on ne trouve pas ailleurs de désaveu du Judaïsme : voir Isaïe, I, 13 ; Jérémie, XXXI, 31 ; Ezéchiel, XX, 25 ; Osée, III, 4 et VI, 6 ; Daniel, IX, 27. Sur le passage d'Ezéchiel à quoi se rapporte la formule que les préceptes qu'ils ont reçus ne sont pas bons : voir ibid., p. 31 et IV Rois, XXIII, 10. Dieu n'y dit pas que la loi des Juifs n'est pas bonne, mais au contraire qu'il a livré les Juifs, pour les punir, à des écarts et à des coutumes étrangères qui les perdront, jusqu'au jour du repentir. Le premier texte d'Osée n'est qu'une allusion à la captivité de Babylone. Celui de Daniel se rapporte à la profanation du Temple par Antiochus. Celui d'Isaïe et du second Osée disent seulement que Dieu ne se soucie pas du culte que lui rendent les méchants ; celui de Jérémie signifie que Dieu reviendra à son peuple quand son peuple reviendra à lui. Il n’y a donc pas de contradictions.
Il est dit que la loi sera changée, que le sacrifice sera changé, qu’ils seront sans roi, sans princes et sans sacrifices, qu’il sera fait une nouvelle alliance, que la loi sera renouvelée, que les préceptes qu’ils ont reçus ne sont pas bons, que leurs sacrifices sont abominables, que Dieu n’en a point demandé.
Preuve par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693). Pour montrer que les vrais juifs et les vrais chrétiens n'ont qu'une même religion.
La religion des juifs - semblait - consistait essentiellement en la paternité d'Abraham, en la circoncision, aux sacrifices, aux cérémonies, en l'arche, au temple, en Jérusalem, et enfin en la loi et en l'alliance de Moïse.
Je dis qu'elle ne consistait en aucune de ces choses, mais seulement en l'amour de Dieu et que Dieu réprouvait, toutes les autres choses.
[...] Deut. 10. 17. Dieu dit : je n'accepte point les personnes ni les sacrifices.
[...] Que les sacrifices des Juifs déplaisent à Dieu.
Is. 66.
[...] Qu'il ne les a établis que pour leur dureté. Michée admirablement 6.
1 R. 15. 22.
Osée 6. 6.
Que les sacrifices des païens seront reçus de Dieu. Et que Dieu retirera sa volonté des sacrifices des Juifs.
Malachie. 1. 11.
Que Dieu fera une nouvelle alliance par le Messie et que l'ancienne sera rejetée.
Jer. 31. 31.
Mandata non bona. Ezechiel.
Qu'on ne se souviendra plus de l'arche.
Jer. 3. 15. 16.
Que le temple serait rejeté.
Jer. 7. 12. 13. 14.
Que les sacrifices seraient rejetés et d'autres sacrifices purs établis.
Mal 1. 11.
Que l'ordre de la sacrificature d'Aaron serait réprouvé et celle de Melchisédech introduite par le Messie.
[...]
Sans rois, sans princes, sans sacrifices, sans idoles. »
Psaume L (LI). « 17 Parce que, si vous aviez souhaité un sacrifice, je n'aurais pas manqué à vous en offrir ; mais vous n'auriez pas les holocaustes pour agréables.
18 Un esprit brisé de douleur est un sacrifice digne de Dieu ; vous ne mépriserez pas, ô mon Dieu! un cœur contrit et humilié. »
Psaume XXXIX (XL). « 8 Lorsque j'ai voulu les annoncer et en parler, leur multitude m'a paru innombrable.
9 Vous n'avez voulu ni sacrifice ni oblation ; mais vous m'avez donné des oreilles parfaites.
10 Vous n'avez point demandé d'holocauste ni de sacrifice pour le péché ; et j'ai dit alors : Me voici, je viens.
11 Il est écrit de moi dans tout le livre que je dois faire votre volonté. C'est aussi, mon Dieu, ce que j'ai voulu, et je ne désire que votre loi au fond de mon cœur.
12 J'ai publié votre justice dans une grande assemblée, et j'ai résolu de ne point fermer mes lèvres ; Seigneur vous le connaissez.
13 Je n'ai point caché votre justice au fond de mon cœur ; j'ai déclaré votre vérité et votre miséricorde salutaire.
14 Je n'ai point caché votre miséricorde et votre vérité à une grande multitude de peuple ».
Jérémie, VIII.
Osée. VI.
Qu'ils seront sans roi, sans princes et sans sacrifices : voir plus haut, Osée, III, 4. « Quia dies multos sedebunt filii Israhel sine rege et sine principe et sine sacrificio et sine altari et sine ephod et sine therafin » ; « C’est l’état où les enfants d’Israël seront pendant un long temps, sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel, sans éphod, et sans théraphins ».
Loi figurative 18 (Laf. 263, Sel. 294). Contrariétés.
Le sceptre jusqu’au Messie sans roi ni prince.
Loi éternelle, changée.
Alliance éternelle, alliance nouvelle.
Loi bonne, préceptes mauvais. Eze. 20.
Le premier exil n’est que l’annonce du second.
Preuves de Jésus-Christ 16 (Laf. 314, Sel. 345). Quand Nabuchodonosor emmena le peuple de peur qu’on ne crût que le sceptre fût ôté de Juda il leur [fut] dit auparavant qu’ils y seraient peu, et qu’ils y seraient, et qu’ils seraient rétablis.
Ils furent toujours consolés par les prophètes ; leurs rois continuèrent.
Mais la seconde destruction est sans promesse de rétablissement, sans prophètes, sans roi, sans consolation, sans espérance parce que le sceptre est ôté pour jamais.
Jérémie, XXV, 8-13. « 8. C'est pourquoi voici ce que dit le Seigneur des armées : Parce que vous n'avez point écouté mes paroles,
9. Je prendrai tous les peuples de l'aquilon, dit le Seigneur, je les enverrai avec Nabuchodonosor, roi de Babylone, mon serviteur, et je les ferai venir contre cette terre, contre ses habitants, et contre toutes les nations qui l'environnent ; je les ferai passer au fil de l'épée, je rendrai l'étonnement et la fable des hommes, et les réduirai à d'éternelles solitudes.
10. Je ferai cesser parmi eux les cris de joie et les chants de réjouissance, les cantiques de l'époux et les chants de l'épouse, le bruit de la meule et la lumière de la lampe.
11. Et toute cette terre deviendra un désert affreux, qui épouvantera ceux qui le verront ; et toutes ces nations seront assujetties au roi de Babylone pendant soixante-dix années.
12. Et lorsque les soixante-dix ans seront accomplis, je visiterai dans ma colère le roi de Babylone et son peuple, dit le Seigneur, je jugerai leur iniquité, et la terre des Chaldéens, et je la réduirai en une éternelle solitude.
13. Je vérifierai mes paroles, je ferai fondre sur cette terre tous les maux que j'ai prédits contre elle, tout ce qui est écrit dans ce livre, et tout ce que Jérémie a prophétisé contre toutes les nations. »
Pensées, éd. Havet, II, art. XVI, n° 6, note p. 13. Ce passage d’Osée est une allusion à la captivité à Babylone.
Qu'il sera fait une nouvelle alliance : voir Loi figurative 18 (Laf. 263, Sel. 294) : Contrariétés. [...] Alliance éternelle, alliance nouvelle.
Preuves par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693). Que Dieu fera une nouvelle alliance par le Messie et que l'ancienne sera rejetée.
Jer. 31. 31.
Jérémie, XXXI, 31-33. « Ecce dies venient, dicit Dominus, et feriam domui Israël et domui Juda fœdus novum : 32. Non secundum pactum, quod pepigi cum patribus eorum, in die qua apprehendi manum eorum, ut educerem eos de terra Ægipti ; pactum, quod irritum fecerunt, et ego dominatus sum eorum, dicit Dominus. 33. Sed hoc erit pactum, quod feriam cum domo Israël post dies illos, dicit Dominus : Dabo legem meam in visceribus eorum, et in corde eorum scribam eam : et ero eis in Deum, et ipsi erunt mihi in populum » ; « Le temps vient, dit le Seigneur, où je ferai une nouvelle alliance avec la maison d'Israël et la maison de Juda, 32. Non selon l'alliance que je fis avec leurs pères au jour où je les pris par la main pour les faire sortir de l'Égypte, parce qu'ils ont violé cette alliance ; c'est pourquoi je leur ai fait sentir mon pouvoir, dit le Seigneur. 33. Mais voici l'alliance que je ferai avec la maison d'Israël après que ce temps-là sera venu, dit le Seigneur : J'imprimerai ma loi dans leurs entrailles, et je l'écrirai dans leur cœur, et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. » Commentaire de Sacy : « Tout ce qu’il dit [...] touchant cette nouvelle alliance, que Dieu promettait de faire avec Israël et avec Juda, très différente de celle qu’il avait faite avec leurs pères, montre qu’il parle ici principalement du temps de la loi nouvelle, auquel il a, comme il dit, imprimé les lois divines, non plus sur la pierre, mais dans nos entrailles et dans le fond de nos cœurs. Car c’est là le grand privilège des chrétiens, à qui le Seigneur a cessé de commander avec empire comme aux Juifs, parce qu’il les a aimés comme ses amis, comme ses disciples, et comme ses membres, et a répandu en eux par le ministère de son Saint-Esprit, l’amour de la justice de la loi, comme dit saint Augustin, et la charité qui est le vrai caractère de l’Église établie par Jésus-Christ. Saint Paul emploie lui-même ce passage de Jérémie, non seulement pour prouver l’établissement de l’Église, mais encore pour faire voir l’abolition de l’ancienne loi ».
Que la loi sera renouvelée : voir Loi figurative 18 (Laf. 263, Sel. 294) : Contrariétés. [...] Loi éternelle, changée.
Que les préceptes qu'ils ont reçus ne sont pas bons : voir Preuves par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693) : Mandata non bona. Ezechiel.
Ezéchiel, XX, 25. « Ergo et ego dedi eis praecepta non bona, et judicia in quibus non vivent » ; « C'est pourquoi je leur ai donné des préceptes imparfaits, et des ordonnances où ils ne trouveront point la vie. » Le texte d’Ezéchiel dans la Vulgate est « praecepta » et non « mandata ». Commentaire de Sacy : Dieu, au lieu de rejeter entièrement les Juifs « comme ils l’avaient mérité, il se contenta de les traiter selon la dureté de leur cœur, en leur donnant des préceptes qui n’étaient pas bons, ou qui étaient imparfaits, et des ordonnances dans lesquelles ils ne trouveraient point la vie. Il ne dit pas que ces préceptes étaient mauvais, mais seulement qu’ils n’étaient point bons, parce qu’ils n’étaient que l’ombre de ceux qui sont vraiment bons, et qui appartiennent à la loi nouvelle de l’Évangile. »
Loi figurative 18 (Laf. 263, Sel. 294). Contrariétés. [...] Loi bonne, préceptes mauvais. Eze. 20.
Pensées, éd. Havet, II, art. XVI, n° 6, note p. 12 sq. Sur le passage d'Ezéchiel à quoi se rapporte la formule que les préceptes qu'ils ont reçus ne sont pas bons : voir ibid., 31 et IV Rois, XXIII, 10. Dieu ne dit pas que la loi des Juifs n'est pas bonne, mais au contraire qu'il a livré les Juifs, pour les punir, à des écarts et à des coutumes étrangères qui les perdront, jusqu'au jour du repentir.
Que leurs sacrifices sont abominables, que Dieu n'en a point demandé : voir Preuves par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693). Que les sacrifices des Juifs déplaisent à Dieu.
Is. 66.
[...] Jer. 6. 20.
Isaïe, LXVI. « 1. Haec dicit Dominus : Cœlum sedes mea, terra autem scabellum pedum meorum : quae est ista domus, quam aedificabitis mihi ? et quis est iste locus quietis meae ? 2. Omnia haec manus mea fecit, et facta sunt universa ista, dicit Dominus : ad quem autem respiciam, nisi ad pauperculum, et contritum spiritu, et trementem sermones meos ? 3. Qui immolabat bovem, quasi qui interficiat virum : qui mactat pecus, quasi qui excerebret canem : qui offert oblationem, quasi qui sanguinem suillum offerat : qui recordatur thuris, quasi qui benedicat idolo. Haec omnia elegerunt in viis suis, et in abominationibus suis anima eorum delectata est » ;
« 1. Voici ce que dit le Seigneur : Le ciel est mon trône, et la terre mon marchepied. Quelle maison me bâtirez-vous ? et où me donnerez-vous un lieu de repos ? 2. C'est ma main qui a créé toutes ces choses, et elles sont toutes parce que je les ai faites, dit le Seigneur ; et sur qui jetterai-je les yeux, sinon sur le pauvre, qui a le cœur brisé et humilié, et qui écoute mes paroles avec tremblement ? 3. Celui qui immole un bœuf parmi vous est comme celui qui tuerait un homme ; celui qui sacrifie un agneau ou un chevreau est comme celui qui assommerait un chien ; celui qui fait à Dieu une offrande est comme celui qui lui offrirait le sang d'un pourceau ; et celui qui se souvient de brûler de l'encens est comme celui qui révèrerait une idole. Ils ont pris plaisir et se sont accoutumés à toutes ces choses, et leur âme a fait ses délices de ses abominations. » Commentaire de Sacy sur le verset 3 : « Le sacrifice est le grand acte de l’adoration qui est due à Dieu. Mais plus il est grand, plus il doit être offert d’une manière digne de lui. C’est là le reproche que Dieu fait aux Juifs : Vous immolez un bœuf sur mon autel comme si vous égorgiez un homme devant moi pour me le sacrifier ainsi qu’à l’idole de Moloch. Vous me sacrifiez un agneau comme si vous assommiez un chien dans mon temple, ou comme si vous m’offriez le sang d’un pourceau, qui sont des animaux que j’ai en horreur. Vos sacrifices sont des meurtres ; ce sont des actes d’impiété par la disposition criminelle avec laquelle ils me sont offerts, plutôt que des marques du culte sincère que vous me rendez. » Sacy remarque ensuite que le reproche ne tombe pas seulement sur les Juifs, « qui n’ont offert à Dieu que des bêtes mortes », il frappe aussi les chrétiens qui abusent du sacrement de l’Eucharistie.
Jérémie VI, 20. « Ut quid mihi thus de Saba afferti, et calamum suave olentem de terra longinqua : holocautomata vestra non sunt accepta, et victimae vestrae non placuerunt mihi » ; « Pourquoi m'offrez-vous de l'encens de Saba, et pourquoi me faites-vous venir des parfums des terres les plus éloignées ? Vos holocaustes ne me sont point agréables, vos victimes ne me plaisent point. » Commentaire de Sacy : « Dans cette foule d’Israélites qui s’abandonnaient à l’idolâtrie, il y en avait plusieurs qui ne laissaient pas de reconnaître le Seigneur pour leur Dieu ; quoique cette adoration ne fût pas, comme il l’a marqué auparavant, accompagnée de sincérité. Et même un grand nombre mêlait ensemble par une alliance monstrueuse le culte de Dieu avec celui des idoles. Ainsi c’était justement que Dieu rejetait l’encens venu de Saba, et les parfums les plus excellents, qu’ils lui offraient avec un esprit et un cœur impur, puisque ni les holocaustes, ni les victimes ne peuvent lui plaire, qu’autant que le cœur de ceux qui les offrent lui est agréable. Vous tous donc, leur dit le Seigneur, qui n’observez point ma loi, et qui n’accomplissez point ma volonté, ne vous trompez pas, en vous flattant de le fléchir par vos offrandes, puisque ma justice ne se peut corrompre, et que la seule pureté du cœur est capable de la désarmer ».
Prophéties VII (Laf. 493, Sel. 736). Malach. I. 11. Le sacrifice des juifs réprouvé et le sacrifice des païens (même hors de Jérusalem) et en tous les lieux.
Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, § VIII, p. 75. « Sacrificia, quae nunquam per se Deo placuerunt » propose un recueil de textes prouvant que « sacrificia non esse earum rerum in numero quas Deo per se aut primario velit ».
Il est dit au contraire que la loi durera éternellement, que cette alliance sera éternelle, que le sacrifice sera éternel, que le sceptre ne sortira jamais d’avec eux, puisqu’il n’en doit point sortir que le roi éternel n’arrive.
Le fragment Preuves par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693) semble ne pas contenir ces propositions, qui sont apparemment contraires aux précédentes.
Sur Jacob et sa prophétie, voir Cazelles Henri, Introduction critique à la Bible, I, Introduction critique à l’ancien Testament, p. 185 sq.
Genèse XLIX, 1-10. (tr. Sacy) « 1. Or Jacob appela ses enfants, et leur dit : Assemblez-vous tous, afin que je vous annonce ce qui doit vous arriver dans les derniers temps.
2. Venez tous ensemble, et écoutez, enfants de Jacob, écoutez Israël votre père.
3. Ruben, mon fils aîné, vous étiez toute ma force, et vous êtes devenu la principale cause de ma douleur ; vous deviez être le plus favorisé dans les dons, et le plus grand en autorité.
4. Mais vous vous êtes répandu comme l’eau. Vous ne croîtrez point, parce que vous avez monté sur le lit de votre père, et que vous avez souillé sa couche.
5. Siméon et Lévi, frères dans le crime, instruments d’un carnage plein d’injustice ;
6. À Dieu ne plaise que mon âme ait aucune part à leurs conseils, et que ma gloire soit ternie en me liant avec eux, parce qu’ils ont signalé leur fureur en tuant des hommes, et leur volonté criminelle en renversant une ville !
7. Que leur fureur soit maudite, parce qu’elle est opiniâtre ; et que leur colère soit en exécration ; parce qu’elle est dure et inflexible ! Je les diviserai dans Jacob, et je les disperserai dans Israël.
8. Juda, vos frères vous loueront ; votre main mettra sous le joug vos ennemis ; les enfants de votre père vous adoreront.
9. Juda est un jeune lion. Vous vous êtes levé, mon fils, pour ravir la proie. En vous reposant vous vous êtes couché comme un lion et une lionne ; qui osera le réveiller ?
10. Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé soit venu ; et c’est lui qui sera l’attente des nations ».
Pensées, éd. Havet, II, Delagrave, 1866, p. 13. Havet note que le texte de la prophétie de Jacob se concilie avec celui d’Osée de deux manières également satisfaisantes. Premièrement, si on le suppose antérieur à la captivité de Babylone, tandis que celui d’Osée serait postérieur. Secondement, si l’on entend simplement par ces paroles, comme c’est l’interprétation la plus naturelle, que la tribu de Juda restera toujours la première en Israël, et que Jérusalem demeurera jusqu’à la fin capitale des Juifs.
Prophéties II (Laf. 484, Sel. 719). Prédiction des choses particulières.
La loi durera éternellement : voir Isaïe XL, 8 : « L’herbe se sèche et la fleur tombe : mais la parole du Seigneur demeure éternellement ».
Psaume CXVI, 2. « Sa miséricorde a été puissamment affermie sur nous, et [...] la vérité du Seigneur demeure éternellement ».
Que cette alliance sera éternelle : voir Laf. 799, Sel. 651. Gen. 17. Statuam pactum meum inter me et te foedere sempiterno ut sim Deus tuus. Et tu ergo custodies pactum meum.
Genèse, XVII, 7 « Et statuam pactum meum inter me et te, et inter semen tuum post te in generationibus suis, foedere sempiterno ; ut sim Deus tuus, et seminis tui post te » ; « J’affermirai mon alliance avec vous, et après vous avec votre race, dans la suite de leurs générations, par un pacte éternel, afin que je sois votre Dieu, et le Dieu de votre postérité après vous ».
Genèse XVII, 9. « Dixit iterum Deus ad Abraham : Et tu ergo custodies pactum meum, et semen tuum post te in generationibus suis » ; « Dieu dit encore à Abraham : Vous gardez donc aussi mon alliance, et votre postérité la gardera après vous de race en race ».
Que le sceptre ne sortira jamais d'avec eux, puisqu'il n'en doit point sortir que le roi éternel n'arrive : voir Loi figurative 21 (Laf. 266, Sel. 297). On pourrait peut-être penser que quand les prophètes ont prédit que le sceptre ne sortirait point de Juda jusqu’au roi éternel ils auraient parlé pour flatter le peuple et que leur prophétie se serait trouvée fausse à Hérode. Mais pour montrer que ce n’est pas leur sens, et qu’ils savaient bien au contraire que ce royaume temporel devait cesser, ils disent qu’ils seront sans roi et sans prince. Et longtemps durant. Osée.
Prophéties I (Laf. 483, Sel. 718). Gen., XLIX : « Vous, Juda, vous serez loué de vos frères, et vainqueur de vos ennemis ; les enfants de votre père vous adoreront. Juda, faon de lion, vous êtes monté à la proie, ô mon fils ! et vous êtes couché comme un lion, et comme une lionnesse qui s’éveillera.
Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le législateur d’entre ses pieds, jusqu’à ce que Silo vienne ; et les nations s’assembleront à lui, pour lui obéir. »
Tous ces passages marquent-ils que ce soit réalité ? Non. Marquent-ils aussi que ce soit figure ? Non, mais que c’est réalité ou figure. Mais les premiers excluant la réalité marquent que ce n’est que figure.
Tous ces passages ensemble ne peuvent être dits de la réalité. Tous peuvent être dits de la figure. Donc Ils ne sont pas dits de la réalité mais de la figure.
Lhermet Joseph, Pascal et la Bible, p. 396. Règle de Pascal pour résoudre les antilogies prophétiques.
Mesnard Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., p. 266, remarque que si du point de vue de l’interprète des Écritures, la question se pose de savoir si le sens des discours prophétiques est littéral ou figuré, on peut aussi, comme le fait Pascal dans ce fragment, envisager la question du point de vue de Dieu.
Il faut remarquer que, comme Pascal se situe ici du point de vue de Dieu, et non du point de vue de l’interprète des Écritures, il ne recourt pas à la distinction de deux sens, le sens littéral et le sens figuré, dont il use ailleurs. Il leur substitue un nouveau couple d’idées, qui répond à la manière dont Dieu considère les choses, et qui définit par conséquent un rapport aux choses, celui de réalité et de figure.
Cette distinction est clairement explicitée dans le fragment Loi figurative 15 (Laf. 260, Sel. 291) : Pour savoir si la loi et les sacrifices sont réalité ou figure il faut voir si les prophètes en parlant de ces choses y arrêtaient leur vue et leur pensée, en sorte qu’ils n’y vissent que cette ancienne alliance, ou s’ils y voient quelque autre chose dont elle fût la peinture.
En d’autres termes, la distinction sous-jacente à ce fragment est celle que la Logique de Port-Royal (La logique ou l’art de penser, éd. 1683, I, ch. IV, Des idées de choses et des idées de signes, éd. D. Descotes, p. 648 sq.) établit entre idée de chose et idée de signe : « Quand on considère un objet en lui-même et dans son propre être, sans porter la vue de l’esprit à ce qu’il peut représenter, l’idée qu’on en a est une idée de choses, comme l’idée de la terre, du soleil. Mais quand on ne regarde un certain objet que comme en représentant un autre, l’idée qu’on en a est une idée de signe, et ce premier objet s’appelle signe ».
En d’autres termes, la question est de savoir si, dans les Écritures, Dieu voit dans la Loi de Moïse une réalité substantielle, ou s’il n’y voit qu’une figure qui n’est que le signe de la Loi évangélique, qui seule est réalité.
La question est résolue à l’aide de la combinaison de deux notions corrélatives, plaire et déplaire (plaisir et déplaisir) à l’aide d’un principe formulé dans le présent fragment : Si la loi et les sacrifices sont la vérité, il faut qu'elle plaise à Dieu et qu'elle ne lui déplaise point. S'ils sont figures il faut qu'ils plaisent et déplaisent.
La réalité plaît et ne déplaît pas, parce qu’elle apporte l’entière satisfaction de la présence et de la jouissance de l’objet, sans qu’il y manque rien.
La figure plaît, parce qu’elle représente l’objet, mais elle déplaît parce que l’absence de la chose empêche que l’on n’en jouisse.
Or la Loi et les sacrifices plaisent et déplaisent à Dieu.
Un premier groupe de propositions montre que Dieu rejette la loi et les sacrifices :
Il est dit que la loi sera changée, que le sacrifice sera changé, qu'ils seront sans roi, sans princes et sans sacrifices, qu'il sera fait une nouvelle alliance, que la loi sera renouvelée, que les préceptes qu'ils ont reçus ne sont pas bons, que leurs sacrifices sont abominables, que Dieu n'en a point demandé.
Un second groupe montre que Dieu approuve la loi et les sacrifices, et qu’il leur promet l’éternité :
Il est dit au contraire que la loi durera éternellement, que cette alliance sera éternelle, que le sacrifice sera éternel, que le sceptre ne sortira jamais d'avec eux, puisqu'il n'en doit point sortir que le roi éternel n'arrive.
Par conséquent, puisque la loi plaît et déplaît à la fois, il faut conclure que les Écritures doivent s’entendre au sens figuratif.
La suite apporte une confirmation rigoureuse.
Il faut bien voir que le raisonnement est ici strictement limité. Il ne s’agit pas de savoir si la loi juive est ou n’est pas figure de la loi évangélique, mais seulement si, lorsqu’il a dicté les Écritures aux prophètes, avait une idée de chose (réalité) ou une idée de signe (figure).
La question est la suivante : lorsque Dieu, par la bouche des prophètes, parle de la Loi, des sacrifices ou des préceptes, doit-on entendre ces termes au sens de réalité ou au sens de figure ?
Pascal reprend ici un procédé qu’il a mis en œuvre dans les Écrits sur la grâce, dans la Lettre sur la possibilité des commandements, qui consiste à déterminer le sens des propositions équivoques à l’aide des propositions univoques. Voir OC III, éd. J. Mesnard, p. 616 sq.
La structure du raisonnement y est cependant légèrement modifié, à cause du caractère particulier de la perspective de Loi figurative 14, qui n’est pas celle de l’interprète du texte.
L’argument est construit comme suit. Pascal envisage l’ensemble des passages qu’il a extraits de l’Ancien Testament.
Considérant d’abord les passages collectivement, il constate que leur énoncé n’enferme aucun indice qui permette de savoir s’ils répondent à une idée de signe ou avec une idée de chose :
Tous ces passages marquent-ils que ce soit réalité ? Non, de sorte que l’on ne peut pas dire à coup sûr qu’ils expriment tous la réalité, c’est-à-dire les choses auxquelles Dieu arrêtait sa pensée.
Marquent-ils aussi que ce soit figure ? Non, de sorte que l’on ne peut pas dire à coup sûr qu’ils sont tous figuratifs d’une idée spirituelle.
Cependant, si l’examen des propositions prises toutes ensemble ne permet de les classer ni parmi les discours à prendre au sens de réalité, ni au sens figuré, en revanche il est certain que,
1. comme un auteur ne peut avoir qu’un seul sens,
2. comme il n’y a pas de milieu entre réalité ou figure,
3. comme il est impossible qu’un énoncé exprime à la fois une idée de chose (qu’il vise la réalité) ou une idée de signe, ces propositions doivent nécessairement être l’un ou l’autre : c'est réalité ou figure.
Cette conclusion n’est au fond qu’une application de la règle selon laquelle il faut accorder toutes les contrariétés.
Pascal considère ensuite l’ensemble des passages de l’Écriture qu’il a mentionnés, en regroupant d’une part ceux qui touchent l’annonce de la ruine de la loi juive, d’autre part ceux qui affirment qu’elle sera éternelle.
Tous ces passages ensemble ne peuvent être dits de la réalité : en effet, si l’on part du principe que si la loi et les sacrifices sont la vérité, il faut qu'elle plaise à Dieu et qu'elle ne lui déplaise point, le premier groupe d’énoncés, qui déclare que Dieu ne se plaît pas aux sacrifices, ne peut pas répondre à la réalité. Il y a donc des passages qui ne peuvent être dits de la réalité. On pourrait du reste remarquer que comme, considérés tous ensemble, ils se contredisent, alors que la réalité ne supporte pas d’être contradictoire et incohérente.
Ce sont les premiers énoncés qui marquent que la Loi et les sacrifices déplaisent à Dieu : les premiers exclu[e]nt la réalité ; ils ne laissent donc qu’une possibilité, savoir que ce n'est que figure.
Encore faut-il que la même exclusion ne se trouve pas du côté de la figure. Heureusement, ce n’est pas le cas : tous les énoncés, ceux du second groupe comme ceux du premier, peuvent être dits de la figure. Il suffit en effet que les énoncés du premier groupe concernent une Loi considérée comme signe, et l’autre comme la Loi signifiée.
Conclusion : Donc ils ne sont pas dits de la réalité, mais de la figure.
Les dernières lignes, qui sont de la main de Pascal, apportent une conclusion plus dense et lapidaire que les lignes qui précèdent.
À strictement parler, cette démonstration n’établit que le fait que Dieu s’exprime dans les Écritures par figures. D’autres arguments sont nécessaires pour parvenir à montrer que la loi de Moïse est figure de celle du Christ.
Agnus occisus est ab origine mundi.
Apocalypse, XIII, 8. « Et adorabunt eum omnes qui inhabitant terram quorum non sunt scripta nomina in libro vitae agni qui occisus est ab origine mundi » ; « Et elle sera adorée par tous ceux qui habitent sur la terre, dont les noms ne sont pas écrits dans le livre de vie de l’agneau, qui a été immolé dès la création du monde » (tr. Sacy).
Pensées, éd. Havet, II, Delagrave, 1866, p. 3, note, indique : ces paroles prises de l'Apocalypse répondent à la pensée de Pascal, que le sacrifice des Juifs n'était que la figure passagère du sacrifice éternel, qui est celui de Jésus-Christ.
Pensée n° 6F (Le Mystère de Jésus - Laf . 919, Sel. 749). Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde. Il ne faut pas dormir pendant ce temps-là.
Juge sacrificium.
Daniel, VIII, 11. « Et usque ad principem fortitudinis magnificatum est : et ab eo tulit juge sacrificium, et dejecit locum sanctificationis ejus » ; « Il s’éleva même jusqu’au prince des forts, il lui ravit son sacrifice perpétuel, et il déshonora le lieu de son sanctuaire » (tr. Sacy).
Daniel, XI, 31. « Et brachia ex eo stabunt, et polluent sanctuarium fortitudinis, et auferent juge sacrificium : et dabunt abominationem in desolationem » ; « Des hommes puissants soutiendront son parti, et ils violeront le sanctuaire du Dieu fort. Ils feront cesser le sacrifice perpétuel, et ils mettront dans le temps l’abomination de la désolation » (tr. Sacy).
Daniel, XII, 11. « Et a tempore cum ablatum fuerit juge sanctuarium, et posita fuerit abominatio in desolationem, dies mille ducenti nonaginta » ; « Depuis le temps que le sacrifice perpétuel aura été aboli, et que l’abomination de la désolation aura été établie, il se passera mille deux cent quatre-vingt-dix jours » (tr. Sacy).