Fragment Loi figurative n° 23 / 31 – Papier original : RO 29-3
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Loi figurative n° 309 p. 131 v°-133 / C2 : p. 159-160
Éditions de Port-Royal : Chap. XIII - Que la Loy estoit figurative : 1669 et janvier 1670 p. 99-100 /
1678 n° 9 p. 100
Éditions savantes : Faugère II, 246, V / Havet XVI.8 bis / Brunschvicg 683 / Tourneur p. 262-2 / Le Guern 251 / Lafuma 268 / Sellier 299
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Bibliographie ✍
BOCHET Isabelle, « Le firmament de l’Écriture ». L’herméneutique augustinienne, Paris, Institut d’études augustiniennes, 2004. DE NADAÏ, Jean-Christophe, Jésus selon Pascal, Paris, Mame-Desclée, 2008. Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, art. Circoncision, Paris, Cerf, 1993, p. 248-249. DESCOTES Dominique, L’argumentation chez Pascal, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 243. FORCE Pierre, Le problème herméneutique chez Pascal, Paris, Vrin, 1989. GROTIUS Hugo, De veritate religionis christianae, I, et V, § XI. LHERMET Joseph, Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931. MESNARD Jean, “La théorie des figuratifs dans les Pensées de Pascal”, La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992. SELLIER Philippe, “Jésus-Christ chez Pascal”, in Port-Royal et la littérature, II, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 485-510. SELLIER Philippe, Pascal et la liturgie, Paris, Presses Universitaires de France, 1966, p. 75-76. |
✧ Éclaircissements
Figures.
Voilà le chiffre que saint Paul nous donne.
Sur le chiffre, voir Loi figurative 31 (Laf. 276, Sel. 307). Le vieux testament est un chiffre.
Loi figurative 15 (Laf. 260, Sel. 291). Les prophètes ont dit clairement qu’Israël serait toujours aimé de Dieu et que la loi serait éternelle et ils ont dit que l’on n’entendrait point leur sens et qu’il était voilé. Et d’autant plus qu’on y trouve des contrariétés manifestes dans le sens littéral. Combien doit-on donc estimer ceux qui nous découvrent le chiffre et nous apprennent à connaître le sens caché, et principalement quand les principes qu’ils en prennent sont tout à fait naturels et clairs ? C’est ce qu’a fait J.-C. et les apôtres. Ils ont levé le sceau. Il a rompu le voile et a découvert l’esprit.
Loi figurative 9 (Laf. 253, Sel. 285). Figures.
J.-C. leur ouvrit l’esprit pour entendre les Écritures. Deux grandes ouvertures sont celles-là. 1. Toutes choses leur arrivaient en figures - Vere Israelita, Vere liberi, Vrai pain du ciel.
2. - Un Dieu humilié jusqu’à la croix. Il a fallu que le Christ ait souffert pour entrer en sa gloire, qu’il vaincrait la mort par sa mort - deux avènements.
La lettre tue.
Saint Paul, II Corinthiens, III, 6. « Et c’est lui aussi qui nous a rendus capables d’être les ministres de la nouvelle alliance, non pas de la lettre, mais de l’esprit : car la lettre tue, et l’esprit donne la vie. »
Bochet Isabelle, « Le firmament de l’Écriture ». L’herméneutique augustinienne, Paris, Institut d’études augustiniennes, 2004, p. 54 sq. Importance de ce verset dans l’évolution de saint Augustin. Il le comprend d’abord comme un principe herméneutique, une clé pour comprendre l’histoire du salut : voir par exemple le De utilitate credendi, 3, 9, Bibliothèque augustinienne, VIII, p. 226-229. La lettre est le plus souvent assimilée à la « doctrine qui enseigne comment l’homme doit vivre », en donnant des ordres et des interdictions : p. 67-68. L’esprit au contraire est associé au don de l’amour, ou de la délectation. Pour Augustin, la lettre attise la cupiditas, alors que l’esprit se répand dans la caritas : p. 86.
Tout arrivait en figures.
Saint Paul, Épître aux Corinthiens, X, 11. « Or toutes ces choses qui leur arrivaient étaient des figures ; et elles ont été écrites pour nous servir d’instruction à nous autres, qui nous trouvons à la fin des temps » (tr. Sacy).
Loi figurative 9 (Laf. 253, Sel. 285). Figures.
J.-C. leur ouvrit l’esprit pour entendre les Écritures. Deux grandes ouvertures sont celles-là. 1. Toutes choses leur arrivaient en figures.
Il fallait que le Christ souffrît.
Actes des apôtres, XVII, 1-3. « Ils passèrent de là par Amphipolis et par Apollonie, et vinrent à Thessalonique, où les Juifs avaient une synagogue. Paul y entra, selon sa coutume ; et il les entretint des Écritures durant trois jours de sabbat, leur découvrant et leur faisant voir, qu’il avait fallu que le Christ souffrît, et qu’il ressuscitât d’entre les morts : et ce Christ, leur disait-il est Jésus que je vous annonce. »
Luc, XXIV, 26 : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît et qu’il entrât ainsi dans sa gloire ? »
Loi figurative 9 (Laf. 253, Sel. 285). Figures.
J.-C. leur ouvrit l’esprit pour entendre les Écritures.
Deux grandes ouvertures sont celles-là : [...] 2. - Un Dieu humilié jusqu’à la croix. Il a fallu que le Christ ait souffert pour entrer en sa gloire, qu’il vaincrait la mort par sa mort - deux avènements.
Sellier Philippe, Pascal et la liturgie, p. 75-76. Textes tirés de la liturgie de Carême.
Un Dieu humilié.
Saint Paul, Ép. Phil. II, 8 : « Il s’est rabaissé lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de la croix ».
Luc, XXIV, 26 : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît et qu’il entrât ainsi dans sa gloire ? »
Loi figurative 9 (Laf. 253, Sel. 285). Figures.
J.-C. leur ouvrit l’esprit pour entendre les Écritures.
Deux grandes ouvertures sont celles-là : [...] 2. - Un Dieu humilié jusqu’à la croix. Il a fallu que le Christ ait souffert pour entrer en sa gloire, qu’il vaincrait la mort par sa mort - deux avènements.
Fondement 18 (Laf. 241, Sel. 273). Un Dieu humilié, et jusqu’à la mort de la croix. Deux natures en Jésus-Christ. Deux avènements. Deux états de la nature de l’homme. Un Messie triomphant de la mort par sa mort.
Fausseté 18 (Laf. 220, Sel. 253). Nulle autre religion n’a proposé de se haïr, nulle autre religion ne peut donc plaire à ceux qui se haïssent et qui cherchent un être véritablement aimable. Et ceux-là s’ils n’avaient jamais ouï parler de la religion d’un Dieu humilié l’embrasseraient incontinent.
Sellier Philippe, “Jésus-Christ chez Pascal”, in Port-Royal et la littérature, II, Pascal, 2e éd., p. 485-510. Sur Jésus-Christ Dieu humilié, l’anéantissement et la kénose du Christ, qui constituent l’une des « grandes ouvertures » que le Christ incarné est venu révéler au monde.
Sellier Philippe, Pascal et la liturgie, p. 75-76. Textes tirés de la liturgie de Carême.
De Nadaï Jean-Christophe, Jésus selon Pascal, p. 40 sq. L’Incarnation comme anéantissement, dans l’héritage bérullien. Exinanition de la personne divine du Verbe en la nature créée : p. 41.
La contrepartie de ce thème de la kénose du Christ se trouve dans le fragment Preuves de Jésus-Christ 11 (Laf. 308, Sel. 339), sur la grandeur cachée du Christ dans son humiliation même.
Sur le triomphe du Christ sur la mort, voir Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 34.
Laf. 818, Sel. 660. La victoire sur la mort.
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Circoncision du cœur,
Sur la circoncision en général, et sur la circoncision du cœur, voir le dossier de Perpétuité 1 (Laf. 279, Sel. 311). Un mot de David ou de Moïse, comme que Dieu circoncira leur cœur fait juger de leur esprit. Que tous leurs autres discours soient équivoques et douteux d’être philosophes ou chrétiens, enfin un mot de cette nature détermine tous les autres comme un mot d’Épictète détermine tout le reste au contraire. Jusque là l’ambiguïté dure et non pas après.
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, art. Circoncision, p. 248-249.
Lods Adolphe, Israël, p. 196 sq. Cérémonie d’initiation ayant pour but de faire du jeune garçon un mâle apte au mariage. Le mot pour fiancé signifie proprement circoncis. Interprétée comme un acte d’affiliation au groupe : p. 197. D’après une des formes de la tradition israélite, c’est lors de l’entrée du peuple en Canaan que Yahvé ordonna à Josué de circoncire les Israélites, afin qu’ils ne fussent plus, par leur incirconcision, objet du mépris des Égyptiens, voir Josué, V, 2-3, 8-9. Selon la version yahviste, c’est sur les confins de l’Égypte, peu avant l’Exode, Exode, IV, 24-26, que la circoncision fut pratiquée pour la première fois sur un hébreu : p. 198. Aucune tradition ne le rapporte à Moïse, qui était et resta incirconcis (Exode, IV, 24-26). D’après Josué V, c’est une coutume de respect humain ; l’incirconcis, le Philistin, est, pour les Hébreux, un barbare, un sauvage. Sens figuratif dans le langage : p. 199. Être incirconcis de lèvres, c’est ne pas être éloquent (Exode, VI, 12, 30) ; avoir l’oreille incirconcise, c’est être incapable d’attention (Jér. VI, 10). Sens : ce qui met l’organe en état de fonctionner. C’est à l’époque de l’exil, quand les Juifs entrent en contact avec des peuples incirconcis (Perses, Assyro-babyloniens) que cette pratique prit le caractère d’une marque distinctive nationale et religieuse. Signe de l’alliance de Yahvé avec son peuple, (Genèse, XVII, 11).
Sellier Philippe, Pascal et la liturgie, p. 75-76. Textes tirés de la liturgie de Carême.
Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Figures.
Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.
Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles. J.-C. est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figure, que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l’esprit, que les ennemis des hommes n’étaient pas les Babyloniens, mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main, mais en un cœur pur et humilié, que la circoncision du corps était inutile, mais qu’il fallait celle du cœur, que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc.
La prescription de la circoncision a une valeur symbolique. Voir Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, I, p. 23. Ancienneté du précepte de circoncision. Voir V, § XI. Circumcisionem aeternam. “In praecepto circumcisionis contineri mysticam quemdam et excellentiorem significationem”.
Voir Saint Augustin, Cité de Dieu, XVI, c. 26-27, Bibliothèque augustinienne. La circoncision est figure du baptême ; elle est figure de l’alliance de Dieu avec l’Église : p. 16. Voir p. 277 sq. La circoncision signifie la rénovation de la nature par le dépouillement de la vieillesse. Signe de la régénération : p. 281.
Deutéronome X, 16. « Circumcidete igitur praeputium cordis vestri, et cervicem vestram ne induratis amplius » ; « Ayez donc soin de circoncire la chair de votre cœur, et ne rendez pas davantage votre tête dure et inflexible ».
Deutéronome, tr. Sacy, Paris, Desprez, 1694, p. 125. Chapitre X, Verset 16, p. 133-135. Circoncision du cœur :« cette chair du cœur de l’homme en marque la sensualité, et non pas la flexibilité. Dieu avait créé ce cœur parfait. L’homme en péchant l’a rendu charnel au lieu de spirituel qu’il était. Et la loi nouvelle a été établie par Jésus-Christ pour le rétablir dans l’état où il fut créé ». Moïse parle ici non « en législateur de la loi ancienne, mais un docteur de la vérité, et en directeur des âmes ». Sur la figure de la circoncision du cœur ordonnée par Jésus-Christ : Moïse recommandait déjà la circoncision parfaite et spirituelle. Saint Ambroise note qu’il recommandait les deux circoncisions, intérieure et extérieure, la vraie et la figure : le corps et l’âme ont besoin d’être circoncis par le retranchement de la sensualité. La circoncision extérieure de la chair tend à abattre la révolte de la chair ; celle du cœur tend à abattre la révolte de l’esprit.
Deutéronome, XXX, 6. « Circumcidet Dominus Deus tuus cor tuum, et cor seminis tui ; ut diligas Dominum Deum tuum in toto corde tuo, et in tota anima tua, ut possis vivere » ; « Le Seigneur votre Dieu circoncira votre cœur, et le cœur de vos enfants ; afin que vous aimiez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur et de toute votre âme, et que vous puissiez vivre ».
Commentaire de Sacy : « Les Juifs, comme tous les hérétiques, ne prenant dans l’Écriture que ce qu’ils croient leur pouvoir être favorable, s’appuient vainement sur ce passage, pour se persuader que le Messie qu’ils attendent ne doit venir que lorsqu’ils auront été dispersés jusques aux extrémités du monde, afin de les rassembler [2 Esdr., I, 9] ; puisque Néhémias lui-même au commencement de son livre reconnaît que cette prédiction de Moïse fut accomplie, lorsque son peuple retourne de la captivité de Babylone [ann. mund. 3550], en disant à Dieu : Souvenez-vous de la parole que vous avez donnée à Moïse votre serviteur, lorsque vous lui avez dit : Si vous violez mes ordonnances, je vous disperserai parmi les peuples. Que si vous revenez ensuite à moi, et si vous gardez fidèlement mes préceptes, quand on vous aurait enlevé jusques aux extrémités du monde, je vous ramènerai dans le lieu que j’ai choisi, etc. S. Augustin dit que cette promesse que Dieu leur faisait, de circoncire leur cœur et le cœur de leurs enfants, devait être regardée comme une promesse toute claire de sa grâce. Et S. Cyprien témoigne que cette circoncision du cœur que Moïse leur prédit devait être l’ouvrage de l’incarnation de Jésus-Christ » [August. in Deut. quaest. 53. Cypr. cont. Jud. lib. I cap. 8] ».
Jansénius, Pentateuchus, Deutéronome, XXX, 6, p. 372. C’est selon saint Augustin une promesse évidente de la grâce. Mais saint Cyprien pense plutôt à la circoncision du cœur apportée par le Christ. « Circumcidet Dominus cor tuum, purgando a vitiis tuis, unde LXX circumpurgabit cor tuum, et clarius Chaldaeus, auferet insipientiam cordis tui. Omnia enim vitia sunt quaedam cordis insipientia, sicut e contrario in omni virtute sapientia. Monet autem August. quaest. 53 in verbis cotineri evidentem pollicitationem gratiae. Promittit enim Deus se facturum esse, quod jubere solet ut fiat. Cyprianus tamen lib. I contra Judaeos, putat hoc loco praedici circumcisionem cordis per Christum afferendam, et ut Lactant. libr. 4 cap. 17 per eundem, circumcisionem carnalem esse tollendam. »
Jérémie IV, 4. « Soyez circoncis de la circoncision du Seigneur, retranchez de vos cœurs ce qu’il y a de charnel, habitants de Juda et de Jérusalem, de peur que mon indignation n’éclate tout à coup et ne s’embrase comme le feu, à cause de la malignité de vos pensées, et que personne ne la puisse éteindre. » Pascal ne semble pas avoir relevé ce passage dans le fragment Preuves par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693).
Commentaire de Sacy sur la circoncision dans Genèse, XVII, 10-13 : « Ce signe n’était pas seulement la marque de l’alliance que Dieu avait faite avec Abraham et toute sa postérité, par lequel les Juifs étaient distingués d’avec tous les autres peuples, mais il était encore, selon saint Paul, la marque et le sceau de la foi d’Abraham » ; suit un renvoi à la rubrique sur le Sens spirituel, qui donne les remarques suivantes : « Le sexe que Dieu a soumis à la circoncision, et la manière en laquelle il a commandé qu’elle se fît, nous marque assez l’origine et ensuite la punition du péché des hommes. Car Adam s’étant révolté contre Dieu, et tous les hommes qui étaient enfermés en lui en leur racine, ayant péché dans lui, selon saint Paul, la révolte de son esprit contre Dieu a été punie par celle de son corps contre son esprit ; son péché avec la punition qui en est inséparable, a passé ensuite dans tous les hommes. Donc Dieu a voulu que la circoncision fût une marque sensible d’une vérité si importante ». La circoncision est considérée comme la figure du baptême qui remédie au péché originel. Voir le commentaire du chapitre XVII : Les incirconcis sont dignes de la mort éternelle. Il y a toujours eu quelque sacrement institué par Dieu pour effacer le péché originel et rendre les hommes enfants de Dieu.
Plus bas, Sacy vient à la circoncision du cœur : « La circoncision du cœur, qui est marquée par saint Étienne, lorsqu’il reproche aux Juifs qu’ils étaient incirconcis de cœur [Act. 7. 51] : incircumcisis cordibus, nous apprend à retrancher les désirs secrets et violents de l’amour-propre. Car cet amour, si nous n’avons soin de la combattre, se fait une idole de lui-même. Il aime sa propre excellence, selon l’expression de saint Augustin, en quoi consiste proprement l’orgueil : Superbia amor propria excellentiæ. Et à moins que les personnes qui sont vraiment à Dieu, ne veillent sur elles-mêmes avec un extrême soin, cet amour les porte d’une manière imperceptible à s’attribuer les dons de Dieu ; ce qui fait qu’elles négligent ou de les demander à tout moment par une foi humble dans l’extrême besoin qu’elles en ont, ou de les reconnaître avec une continuelle action de grâces, lorsqu’il a plu à Dieu de les leur donner.
La circoncision de l’esprit dont parle saint Paul, fait qu’après avoir tâché de purifier devant Dieu les mouvements de notre cœur, nous nous efforçons de régler les égarements de notre esprit, lorsque nous demandons à Dieu qu’il purifie nos pensées, qu’il arrête nos imaginations, qu’il modère nos craintes, qu’il retienne la légèreté et la témérité de nos soupçons ; qu’il nous empêche de nous attacher à notre propre sens ; et qu’il nous porte à avoir pour suspectes nos propres pensées, et à favoriser celles des autres, au lieu que le poids de la nature corrompue nous inspire tout le contraire. » Sacy mentionne ensuite d’autres circoncisions figuratives : la circoncision de l’esprit, de l’oreille et des lèvres.
Prophéties VIII (Laf. 503, Sel. 738). Il nous a donc appris enfin que toutes ces choses n’étaient que figures et ce que c’est que vraiment libre, vrai Israélite, vraie circoncision, vrai pain du ciel, etc.
La circoncision du cœur, qui est d’ordre spirituel, s’est donc substituée à la circoncision purement charnelle qu’ordonnait la loi. Elle n’est plus désormais qu’une cérémonie vide de sens spirituel.
Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Figures.
Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.
Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles. J.-C. est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figure, que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l’esprit, que les ennemis des hommes n’étaient pas les Babyloniens, mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main, mais en un cœur pur et humilié, que la circoncision du corps était inutile, mais qu’il fallait celle du cœur, que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc.
Perpétuité 1 (Laf. 279, Sel. 311). Un mot de David ou de Moïse, comme que Dieu circoncira leur cœur fait juger de leur esprit. Que tous leurs autres discours soient équivoques et douteux d’être philosophes ou chrétiens, enfin un mot de cette nature détermine tous les autres comme un mot d’Épictète détermine tout le reste au contraire. Jusque là l’ambiguïté dure et non pas après.
Perpétuité 10 (Laf. 288, Sel. 320). Moïse, Deut. 30. promet que Dieu circoncira leur cœur pour les rendre capables de l’aimer.
Preuves par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693). Pour montrer que les vrais juifs et les vrais chrétiens n’ont qu’une même religion.
La religion des juifs semblait consister essentiellement en la paternité d’Abraham, en la circoncision, aux sacrifices, aux cérémonies, en l’arche, au temple, en Jérusalem, et enfin en la loi et en l’alliance de Moïse.
Je dis qu’elle ne consistait en aucune de ces choses, mais seulement en l’amour de Dieu et que Dieu réprouvait, toutes les autres choses.
[...] La circoncision n’était qu’un signe. Gen. 17. 11.
Et de là vient qu’étant dans le désert ils ne furent point circoncis parce qu’ils ne pouvaient se confondre avec les autres peuples. Et qu’après que J.-C. est venu elle n’est plus nécessaire.
Que la circoncision du cœur est ordonnée.
Deut. 10. 17. Jer. 4. [4]. Soyez circoncis de cœur, retranchez les superfluités de votre cœur, et ne vous endurcissez plus car votre Dieu est un Dieu grand puissant et terrible, qui n’accepte point les personnes.
Que Dieu dit qu’il le ferait un jour.
Deut. 30. 6. Dieu te circoncira le cœur et à tes enfants afin que tu l’aimes de tout ton cœur.
Que les incirconcis de cœur seront jugés.
Jér. 9. 26. CarDieu jugera les peuples incirconcis et tout le peuple d’Israël parce qu’il est incirconcis de cœur.
vrai jeûne, vrai sacrifice, vrai temple :
Loi figurative 5 (Laf. 249, Sel. 281). Figuratives. Clef du chiffre. Veri adoratores.
Les expressions semblables à Vrais adorateurs, dont Pascal a établi une liste, ont une structure complexe : voir ci-dessous.
les prophètes ont indiqué qu’il fallait que tout cela fût spirituel.
L’accent n’est pas sur la deuxième partie de la phrase, mais sur la première : ce sont les prophètes eux-mêmes, qui ont révélé dans l’Ancien Testament que leurs discours étaient figuratifs et devaient être entendus au sens spirituel.
Non la viande qui périt, mais celle qui ne périt point.
Viande : Furetière donne pour premier sens chair des animaux terrestres et des oiseaux. Mais le mot se prend par extension de plusieurs autres nourritures de l’homme. C’est le sens ici.
Jean, VI, 27. Sacy traduit : « Travaillez pour avoir non la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle, et que le Fils de l’homme vous donnera ; parce que c’est en lui que Dieu le Père a imprimé son sceau et son caractère. » Le mot viande vient de la Bible de Louvain : « Ouvrez non point pour la viande qui périt, mais qui est permanente en vie éternelle, laquelle le fils de l’homme vous donnera, car le Père, qui est Dieu, l’a signé ».
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Vous seriez vraiment libres ; donc l’autre liberté n’est qu’une figure de liberté.
Vous serez vraiment libres : Jean, VIII, 36. « Si donc le Fils vous met en liberté, vous serez véritablement libres » (tr. Sacy).
Laf. 807, Sel. 654. Joh. 8. [...] Dicebat ergo Jesus, si manseritis vere mei discipuli eritis et veritas liberabit vos.
Responderunt semen Abrahae sumus et nemini servivimus unquam.
Loi figurative 9 (Laf. 253, Sel. 285). Figures.
J.-C. leur ouvrit l’esprit pour entendre les Écritures. Deux grandes ouvertures sont celles-là. 1. Toutes choses leur arrivaient en figures - Vere Israelita, Vere liberi, Vrai pain du ciel.
Prophéties VIII (Laf. 503, Sel. 738). Il nous a donc appris enfin que toutes ces choses n’étaient que figures et ce que c’est que vraiment libre, vrai Israélite, vraie circoncision, vrai pain du ciel, etc.
Laf. 818, Sel. 660. [...] Moïse ne vous a point tirés de captivité et ne vous a pas rendus véritablement libres.
Les expressions semblables à Vrais adorateurs, dont Pascal a établi une liste, ont une structure complexe : l’adjectif vrai sert à mettre en cause le sens du mot qu’il accompagne, dans la mesure où il implique que le sens auquel on l’entend ordinairement n’est pas le bon, comme l’indique l’autre liberté, la liberté politique, n’est qu’une figure de liberté.
Descotes Dominique, L’argumentation chez Pascal, Paris, P. U. F., 1993, p. 243.
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Je suis le vrai pain du ciel.
L’expression le pain du ciel fait allusion à l’épisode de la manne accordée par Dieu aux Juifs dans le désert, Exode, XVI, 4 : « Le Seigneur dit à Moïse : Je vais vous faire pleuvoir des pains du ciel : que le peuple aille en amasser ce qui lui suffira pour chaque jour, afin que j’éprouve s’il marche ou non dans ma loi » ; v. 8 : « Moïse ajouta : Le Seigneur [...] au matin [...] vous rassasiera de pains » ; et v. 14-15 : « La surface de la terre en étant couverte, on vit paraître dans le désert quelque chose de menu et comme pilé au mortier, qui ressemblait à ces petits grains de gelée blanche qui pendant l’hiver tombent sur la terre. Ce que les enfants d’Israël ayant vu, ils se dirent l’un à l’autre : Manhu ? c’est-à-dire : Qu’est-ce que cela ? Car ils ne savaient ce que c’était. Moïse leur dit : C’est là le pain que le Seigneur vous donne à manger ».
Le commentaire de Sacy sur le sens spirituel de cet épisode comporte une comparaison entre la manne et l’eucharistie.
L’expression vrai pain du ciel est tirée de Jean VI, 32-35 : « Jésus leur répondit : En vérité, en vérité je vous le dis : Moïse ne vous a point donné le pain du ciel ; mais c’est mon Père qui vous donne le véritable pain du ciel. 33. Car le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel, et qui donne la vie au monde. 34. Ils lui dirent donc : Seigneur, donnez-nous toujours ce pain. 35. Jésus leur répondit : Je suis le pain de vie ; celui qui vient à moi, n’aura point faim ; et celui qui croit en moi, n’aura jamais soif. » Voir aussi Jean VI, 51-56. « Je suis le pain vivant qui suis descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement et le pain que je donnerai, c’est ma chair que je dois donner pour la vie du monde. 52. Les Juifs disputaient donc entre eux, en disant : Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger ? 53. Et Jésus leur dit : En vérité, en vérité je vous le dis : si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et ne buvez son sang, vous n’aurez point la vie en vous. 54. Celui qui mange ma chair, et boit mon sang, a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour : 55. car ma chair est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage. 56. Celui qui mange ma chair, et qui boit mon sang, demeure en moi, et je demeure en lui. »
Loi figurative 9 (Laf. 253, Sel. 285). Figures.
J.-C. leur ouvrit l’esprit pour entendre les Écritures. Deux grandes ouvertures sont celles-là. 1. Toutes choses leur arrivaient en figures - Vere Israelita, Vere liberi, Vrai pain du ciel.
Prophéties VIII (Laf. 503, Sel. 738). Il nous a donc appris enfin que toutes ces choses n’étaient que figures et ce que c’est que vraiment libre, vrai Israélite, vraie circoncision, vrai pain du ciel, etc.