Fragment Perpétuité n° 1 / 11  – Papier original : RO 247-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Perpétuité n° 320 p. 145 / C2 : p. 175

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées Chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 261-262 / 1678

n° 46 p. 254

Éditions savantes : Faugère II, 205, XXIX / Havet XXIV.26 bis / Brunschvicg 690 / Tourneur p. 270-1 / Le Guern 262 / Lafuma 279 / Sellier 311

 

 

 

Un mot de David ou de Moïse, comme que Dieu circoncira leur cœur, fait juger de leur esprit. Que tous leurs autres discours soient équivoques et douteux d’être philosophes ou chrétiens, enfin un mot de cette nature détermine tous les autres, comme un mot d’Épictète détermine tout le reste au contraire. Jusque-là l’ambiguïté dure, et non pas après.

 

 

Pascal pose ici, à propos de la circoncision du cœur dont parlent les Écritures, un problème qui relève de la méthode d’interprétation. Il existe, chez tous les auteurs, des expressions qui permettent de juger de ce qu’ils ont dans le cœur et dans l’esprit, et qui permettent de savoir s’ils sont ou non inspirés par l’Esprit saint.

Ordinairement, on considère que la démarche de l’interprétation va en sens directement inverse : on détermine le sens d’un mot à l’aide du contexte. C’est du reste ce que Pascal lui-même fait lorsqu’il entreprend d’interpréter saint Augustin dans les Écrits sur la grâce, ou les prophètes dans les Pensées.

Mais il envisage ici le chemin inverse : c’est un mot, ou une expression, qui détermine le sens général du texte.

Pourquoi ce fragment figure-t-il dans la liasse Perpétuité ? L’expression circoncire le cœur est de celles qui permettent d’établir un lien direct entre l’Ancien et le Nouveau Testament, qui montre que la foi dans le Messie spirituel a toujours été. Le fait que l’on puisse rencontrer sous la plume de Moïse une expression comme circoncision du cœur, qui a visiblement une signification spirituelle, montre qu’il existe une perpétuité de la religion chrétienne.

Il est naturel que Pascal réfléchisse sur la nature de ces expressions qui rendent visible la perpétuité.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Raisons des effets 18 (Laf. 100, Sel. 133). Raison des effets.

Epictète. Ceux qui disent : vous avez mal à la tête, ce n’est pas de même. On est assuré de la santé, et non pas de la justice, et en effet la sienne était une niaiserie.

Et cependant il la croyait démontrer en disant ou en notre puissance ou non.

Loi figurative 23 (Laf. 268, Sel. 299). Circoncision du cœur, vrai jeûne, vrai sacrifice, vrai temple, les prophètes ont indiqué qu'il fallait que tout cela fût spirituel.

Non la viande qui périt, mais celle qui ne périt point.

Vous seriez vraiment libre ; donc l'autre liberté n'est qu'une figure de liberté.

Je suis le vrai pain du ciel.

Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu'ils s'y mêlassent, que quand ils languissaient dans l'Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu'il les nourrit de la manne dans le désert, qu'il les mena dans une terre bien grasse, qu'il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l'effusion de leur sang qu'ils seraient purifiés, et qu'il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.

Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles, J.-C. est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l'éclat attendu, et ainsi ils n'ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figures, que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l'esprit, que les ennemis des hommes n'étaient pas les Babyloniens, mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main, mais en un cœur pur et humilié, que la circoncision du corps était inutile, mais qu'il fallait celle du cœur, que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc.

Mais Dieu n'ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple qui en était indigne et ayant voulu néanmoins les produire afin qu'elles fussent crues, il en a prédit le temps clairement et les a quelquefois exprimées clairement mais abondamment en figures afin que ceux qui aimaient les choses figurantes s'y arrêtassent et que ceux qui aimaient les figurées les y vissent.

Perpétuité 10 (Laf. 288, Sel. 320). Moïse, Deut. 30. promet que Dieu circoncira leur cœur pour les rendre capables de l'aimer.

Preuves par discours II (Laf. 430, Sel. 683). Nul autre n’a connu que l’homme est la plus excellente créature. Les uns, qui ont bien connu la réalité de son excellence, ont pris pour lâcheté et pour ingratitude les sentiments bas que les hommes ont naturellement d’eux-mêmes ; et les autres, qui ont bien connu combien cette bassesse est effective ont traité d’une superbe ridicule ces sentiments de grandeur, qui sont aussi naturels à l’homme.

Levez vos yeux vers Dieu, disent les uns ; voyez celui auquel vous ressemblez, et qui vous a faits pour l’adorer. Vous pouvez vous rendre semblable à lui ; la sagesse vous y égalera, si vous voulez le suivre. Haussez la tête, hommes libres, dit Épictète. Et les autres lui disent : Baissez les yeux vers la terre, chétif ver que vous êtes, et regardez les bêtes dont vous êtes le compagnon.

Que deviendra donc l’homme ? Sera-t-il égal à Dieu ou aux bêtes ? Quelle effroyable distance ! Que serons-nous donc ? Qui ne voit par tout cela que l’homme est égaré, qu’il est tombé de sa place, qu’il la cherche avec inquiétude, qu’il ne la peut plus retrouver Et qui l’y adressera donc ? Les plus grands hommes ne l’ont pu.

Preuves par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693). Pour montrer que les vrais juifs et les vrais chrétiens n’ont qu’une même religion.

La religion des juifs semblait consister essentiellement en la paternité d’Abraham, en la circoncision, aux sacrifices, aux cérémonies, en l’arche, au temple, en Jérusalem, et enfin en la loi et en l’alliance de Moïse.

Je dis qu’elle ne consistait en aucune de ces choses, mais seulement en l’amour de Dieu et que Dieu réprouvait, toutes les autres choses.

[...] La circoncision n’était qu’un signe. Gen. 17. 11.

Et de là vient qu’étant dans le désert ils ne furent point circoncis parce qu’ils ne pouvaient se confondre avec les autres peuples. Et qu’après que J.-C. est venu elle n’est plus nécessaire.

Que la circoncision du cœur est ordonnée.

Deut. 10. 17. Jer. 4. [4]. Soyez circoncis de cœur, retranchez les superfluités de votre cœur, et ne vous endurcissez plus car votre Dieu est un Dieu grand puissant et terrible, qui n’accepte point les personnes.

Que Dieu dit qu’il le ferait un jour.

Deut. 30. 6. Dieu te circoncira le cœur et à tes enfants afin que tu l’aimes de tout ton cœur.

Que les incirconcis de cœur seront jugés.

Jer. 9. 26. CarDieu jugera les peuples incirconcis et tout le peuple d’Israël parce qu’il est incirconcis de cœur.

Que l’extérieur ne sert à rien sans l’intérieur.

Joel. 2. 13. scindite corda vestra,etc.

Is.58. 3-4.Etc.

Prophéties VIII (Laf. 503, Sel. 738). Il nous a donc appris enfin que toutes ces choses n'étaient que figures et ce que c'est que vraiment libre, vrai Israélite, vraie circoncision, vrai pain du ciel, etc.

 

Mots-clés : AmbiguïtéChrétienCirconcisionCœur – David – Dieu – Discours – ÉpictèteÉquivoqueEspritMoïseMot.