Fragment Soumission et usage de la raison n° 6 / 23 – Papier original : RO 409-4
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Soumission n° 229 p. 81 / C2 : p. 107-108
Éditions savantes : Faugère II, 178, IV / Havet XXIV.3 / Brunschvicg 185 / Tourneur p. 229-2 / Le Guern 161 / Lafuma 172 / Sellier 203
La conduite de Dieu, qui dispose toutes choses avec douceur, est de mettre la religion dans l’esprit par les raisons et dans le cœur par la grâce. Mais de la vouloir mettre dans l’esprit et dans le cœur par la force et par les menaces, ce n’est pas y mettre la religion mais la terreur. Terrorem potius quam religionem.
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Dans la liasse Soumission et usage de la raison, ce fragment esquisse un plaidoyer contre l’usage de la force en matière de religion. Bien avant les Philosophes des Lumières, Pascal a compris qu’user de violence pour extorquer aux hérétiques une profession de foi ne peut que les faire tomber dans la terreur et l’hypocrisie. La soumission de la raison ne peut être que volontaire ; la conversion du cœur ne peut être que l’effet de la délectation dans le bien que Dieu suscite en l’âme. Non seulement la force ne saurait susciter une adhésion véritable, mais elle transforme celui qui prétend en user en tyran. Ce texte fait écho à la célèbre péroraison de la douzième Provinciale sur la guerre entre la violence et la vérité. S’il avait vécu, Pascal aurait été hostile à la révocation de l’édit de Nantes prononcée par Louis XIV.
Fragments connexes
Misère 6 (Laf. 58, Sel. 91). Tyrannie. La tyrannie est de vouloir avoir par une voie ce qu’on ne peut avoir que par une autre.
Grandeur 6 (Laf. 110, Sel. 142). Et c’est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du cœur sont bien heureux et bien légitimement persuadés, mais ceux qui ne l’ont pas, nous ne pouvons la donner que par raisonnement en attendant que Dieu la leur donne par sentiment de cœur, sans quoi la foi n’est qu’humaine et inutile pour le salut.
Preuves par discours I (Laf. 424, Sel. 680). C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison.
Pensées diverses (Laf. 591, Sel. 490). Ne si terrerentur et non docerentur improba quasi dominatio videretur. Aug. ep. 48 ou 49. 4. To. Contra mendacium, ad Consentium.
Textes connexes
De l’Esprit géométrique, 2, De l’art de persuader, § 3-5, OC III, éd. J. Mesnard, p. 413-414.
Écrits sur la grâce, Traité de la prédestination, III, § 13, OC III, éd. J. Mesnard, p. 795.
Provinciale XII, § 21 : « C'est une étrange et longue guerre que celle où la violence essaie d'opprimer la vérité. »
Mots-clés : Cœur – Dieu – Douceur – Esprit – Force – Grâce – Menace – Religion – Terreur.