Pensées diverses II – Fragment n° 6 / 37 – Papier original : RO 12-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 105 p. 351-351 v°  / C2 : p. 305 v°

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 260-261 /

1678 n° 44 p. 253

Éditions savantes : Faugère I, 328, XXI / Havet XXIV.25 / Michaut 26 / Brunschvicg 868 / Tourneur p. 84-2 / Le Guern 510 / Lafuma 598 (série XXIV) / Sellier 495

 

 

 

Ce qui nous gâte pour comparer ce qui s’est passé autrefois dans l’Église à ce qui s’y voit maintenant est qu’ordinairement on regarde saint Athanase, sainte Thérèse et les autres, comme couronnés de gloire et [...], à présent que le temps a éclairci les choses, cela paraît ainsi, mais au temps où on le persécutait, ce grand saint était un homme qui s’appelait Athanase et sainte Thérèse une fille. Elie était un homme comme nous et sujet aux mêmes passions que nous, dit saint Pierre pour désabuser les chrétiens de cette fausse idée, qui nous fait rejeter l’exemple des saints comme disproportionné à notre état. C’étaient des saints, disons‑nous, ce n’est pas comme nous. Que se passait‑il donc alors ? Saint Athanase était un homme appelé Athanase, accusé de plusieurs crimes, condamné en tel et tel concile pour tel et tel crime. Tous les évêques y consentent et le pape enfin. Que dit‑on à ceux qui y résistent ? Qu’ils troublent la paix, qu’ils font schisme, etc.

Quatre sortes de personnes, zèle sans + science, science sans zèle, ni science ni zèle, et zèle et science.

Zèle + lumière.

Les trois premiers le condamnent, les derniers l’absolvent et sont excommuniés de l’Église, et sauvent néanmoins l’Église.

 

 

Pascal compare la situation de Port-Royal dans l’Église à celle que connurent saint Athanase dans l’Église primitive, et sainte Thérèse d’Avila au XVIe siècle.                                                                                                                                                                                                                                    

 

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Fragments connexes

 

Raisons des effets 9 (Laf. 90, Sel. 124). Raison des effets.

Gradation. Le peuple honore les personnes de grande naissance, les demi-habiles les méprisent disant que la naissance n’est pas un avantage de la personne mais du hasard. Les habiles les honorent, non par la pensée du peuple mais par la pensée de derrière. Les dévots qui ont plus de zèle que de science les méprisent malgré cette considération qui les fait honorer par les habiles, parce qu’ils en jugent par une nouvelle lumière que la piété leur donne, mais les chrétiens parfaits les honorent par une autre lumière supérieure.

Ainsi se vont les opinions succédant du pour au contre selon qu’on a de lumière.

Grandeur 13 (Laf. 117, Sel. 149). Qui se trouve malheureux de n’être pas roi sinon un roi dépossédé ? Trouvait-on Paul Emile malheureux de n’être pas consul ? Au contraire tout le monde trouvait qu’il était heureux de l’avoir été, parce que sa condition n’était pas de l’être toujours. Mais on trouvait Persée si malheureux de n’être plus roi, parce que sa condition était de l’être toujours qu’on trouvait étrange de ce qu’il supportait la vie. Qui se trouve malheureux de n’avoir qu’une bouche et qui ne se trouverait malheureux de n’avoir qu’un œil ? On ne s’est peut-être jamais avisé de s’affliger de n’avoir pas trois yeux, mais on est inconsolable de n’en point avoir.

Morale chrétienne 9 (Laf. 359, Sel. 391). Les exemples des morts généreuses des Lacédémoniens et autres, ne nous touchent guère, car qu’est-ce que cela nous apporte ?

Mais l’exemple de la mort des martyrs nous touche car ce sont nos membres. Nous avons un lien commun avec eux. Leur résolution peut former la nôtre, non seulement par l’exemple, mais parce qu’elle a peut-être mérité la nôtre.

Il n’est rien de cela aux exemples des païens. Nous n’avons point de liaison à eux. Comme on ne devient pas riche pour voir un étranger qui l’est, mais bien pour voir son père ou son mari qui le soient.

Pensées diverses (Laf. 770, Sel. 635). L’exemple de la chasteté d’Alexandre n’a pas tant fait de continents que celui de son ivrognerie a fait d’intempérants. Il n’est pas honteux de n’être pas aussi vertueux que lui, et il semble excusable de n’être pas plus vicieux que lui. On croit n’être pas tout à fait dans les vices du commun des hommes quand on se voit dans les vices de ces grands hommes. Et cependant on ne prend pas garde qu’ils sont en cela du commun des hommes. On tient à eux par le bout par où ils tiennent au peuple. Car quelque élevés qu’ils soient si sont-ils unis aux moindres des hommes par quelque endroit. Ils ne sont pas suspendus en l’air t abstraits de notre société. Non, non s’ils sont plus grands que nous c’est qu’ils ont la tête plus élevée, mais ils ont les pieds aussi bas que les nôtres. Ils sont tous à même niveau et s’appuient sur la même terre, et par cette extrémité ils sont aussi abaissés que nous que les plus petits, que les enfants, que les bêtes.

Miracles III (Laf. 902, Sel. 449). Ces filles étonnées de ce qu’on dit qu’elles sont dans la voie de perdition, que leurs confesseurs les mènent à Genève, qu’ils leur inspirent que Jésus-Christ n’est point en l’Eucharistie, ni en la droite du Père. Elles savent que tout cela est faux, elles s’offrent donc à Dieu en cet état : Vide si via iniquitatis in me est. Qu’arrive-t-il là-dessus ? Ce lieu qu’on dit être le temple du diable Dieu en fait son temple. On dit qu’il en faut ôter les enfants, Dieu les y guérit. On dit que c’est l’arsenal de l’enfer, Dieu en fait le sanctuaire de ses grâces. Enfin on les menace de toutes les fureurs et de toutes les vengeances du ciel, et Dieu les comble de ses faveurs. Il faudrait avoir perdu le sens pour en conclure qu’elles sont donc en la voie de perdition.

On a sans doute les mêmes marques que saint Athanase.

 

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