Miracles II  – Fragment n° 9 / 15 – Papier original : RO 455-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 192 p. 449 / C2 : p. 247

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janv. 1670 p. 266 / 1678 n° 57 p. 258-259

Éditions savantes : Faugère II, 223, XIV ; II, 382, XLVI / Havet XXV.148, XXIV.35 / Brunschvicg 893, 806, 665 / Tourneur p. 148 / Le Guern 688 / Lafuma 847 à 849 (série XXXIII, notée XXXII par erreur) / Sellier 430

 

 

 

En montrant la vérité, on la fait croire, mais en montrant l’injustice des ministres, on ne la corrige pas. On assure la conscience en montrant la fausseté, on n’assure pas la bourse en montrant l’injustice.

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Les miracles et la vérité sont nécessaires à cause qu’il faut convaincre l’homme entier, en corps et en âme.

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La charité n’est pas un précepte figuratif. Dire que Jésus‑Christ, qui est venu ôter les figures pour mettre la vérité, ne soit venu que mettre la figure de la charité pour ôter la réalité qui était auparavant, cela est horrible.

Si la lumière est ténèbres, que seront les ténèbres ?

 

 

Ce texte établit un pont entre la théorie des miracles et les réalités de l’art de persuader.

La dernière partie du texte présente un principe de l’herméneutique des figuratifs auquel on n’a pas toujours prêté l’attention nécessaire.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Loi figurative 10 (Laf. 254, Sel. 286). Parler contre les trop grands figuratifs.

Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Figures.

Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.

Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles. Jésus-Christ est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort, saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figure, que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair mais en l’esprit, que les ennemis des hommes n’étaient pas les Babyloniens mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main mais en un cœur pur et humilié, que la circoncision du corps était inutile mais qu’il fallait celle du cœur, que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc.

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Mais Dieu n’ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple qui en était indigne et ayant voulu néanmoins les produire afin qu’elles fussent crues, il en a prédit le temps clairement et les a quelquefois exprimées clairement, mais abondamment en figures, afin que ceux qui aimaient les choses figurantes s’y arrêtassent (je ne dis pas bien) et que ceux qui aimaient les figurées les y vissent.

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Tout ce qui ne va point à la charité est figure.

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L’unique objet de l’Écriture est la charité.

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Tout ce qui ne va point à l’unique bien en est la figure. Car puisqu’il n’y a qu’un but tout ce qui n’y va point en mots propres est figure.

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Dieu diversifie ainsi cet unique précepte de charité pour satisfaire notre curiosité qui recherche la diversité, par cette diversité qui nous mène toujours à notre unique nécessaire. Car une seule chose est nécessaire et nous aimons la diversité, et Dieu satisfait à l’un et à l’autre par ces diversités qui mènent à ce seul nécessaire.

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Les Juifs ont tant aimé les choses figurantes et les ont si bien attendues qu’ils ont méconnu la réalité quand elle est venue dans le temps et en la manière prédite.

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Les rabbins prennent pour figure les mamelles de l’épouse et tout ce qui n’exprime pas l’unique but qu’ils ont des biens temporels.

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Et les chrétiens prennent même l’Eucharistie pour figure de la gloire où ils tendent.

 

Pensée n° 12M (Laf. 926, Sel. 755). Je puis bien aimer l’obscurité totale, mais si Dieu m’engage dans un état à demi obscur, ce peu d’obscurité qui y est me déplaît, et parce que je n’y vois pas le mérite d’une entière obscurité il ne me plaît pas. C’est un défaut et une marque que je me fais une idole de l’obscurité séparée de l’ordre de Dieu. Or il ne faut adorer qu’en son ordre.

Pensée n° 19T verso (Laf. 936, Sel. 751). Les pénitences extérieures disposent à l’intérieure, comme les humiliations à l’humilité, ainsi les...

Pensée n° 24Aa (Laf. 944, Sel. 767). Il faut que l’extérieur soit joint à l’intérieur pour obtenir de Dieu ; c’est-à-dire que l’on se mette à genoux, prie des lèvres, etc. afin que l’homme orgueilleux qui n’a voulu se soumettre à Dieu soit maintenant soumis à la créature. Attendre de cet extérieur le secours est être superstitieux ; ne vouloir pas le joindre à l’intérieur est être superbe.

 

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