Fragment Fausseté des autres religions n° 12 / 18  – Papier original : RO 455-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fausseté n° 271 p. 107 v°-109 / C2 : p. 134

Éditions de Port-Royal : Chap. II - Marques de la véritable religion : 1669 et janvier 1670 p. 19 / 1678 n° 1 p. 17-18

Éditions savantes : Faugère II, 144, VIII / Havet XI.1 / Brunschvicg 491 / Tourneur p. 247-5 / Le Guern 200 / Lafuma 214 / Sellier 247

 

 

 

La vraie religion doit avoir pour marque d’obliger à aimer son Dieu. Cela est bien juste et cependant aucune ne l’a ordonné, la nôtre l’a fait.

Elle doit encore avoir connu la concupiscence et l’impuissance, la nôtre l’a fait.

Elle doit y avoir apporté les remèdes, l’un est la prière. Nulle religion n’a demandé à Dieu de l’aimer et de le suivre.

 

 

Nouvel écho des conditions posées dans A P. R. 1 et A P. R. 2. Pascal mène ici de front la preuve positive de la vérité de la religion chrétienne et l’exclusion des fausses religions. Le fragment fait écho au défi lancé dans A P. R. 1 (Laf. 149, Sel. 182) : sachant quelles sont les marques qui doivent appartenir à la véritable religion, qu’on examine sur cela toutes les religions du monde, et qu’on voie s’il y en a une autre que la chrétienne qui y satisfasse. La réponse apportée est qu’il n’y en a pas d’autre que la chrétienne. Pascal en conclura dans Preuves par les Juifs IV (Laf. 454, Sel. 694) : Je vois donc des faiseurs de religions en plusieurs endroits du monde et dans tous les temps, mais ils n’ont ni la morale qui peut me plaire, ni les preuves qui peuvent m’arrêter, et qu’ainsi j’aurais refusé également, et la religion de Mahomet et celle de la Chine et celle des anciens Romains et celle des Égyptiens par cette seule raison que l’une n’ayant point plus de marques de vérité que l’autre, ni rien qui me déterminât nécessairement. La raison ne peut pencher plutôt vers l’une que vers l’autre.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

A P. R. 1 (Laf. 149, Sel. 182). Les grandeurs et les misères de l'homme sont tellement visibles qu'il faut nécessairement que la véritable religion nous enseigne et qu'il y a quelque grand principe de grandeur en l'homme et qu'il y a un grand principe de misère.

Il faut encore qu'elle nous rende raison de ces étonnantes contrariétés.

Il faut que pour rendre l'homme heureux elle lui montre qu'il y a un Dieu, qu'on est obligé de l'aimer, que notre vraie félicité est d'être en lui, et notre unique mal d'être séparé de lui, qu'elle reconnaisse que nous sommes pleins de ténèbres qui nous empêchent de le connaître et de l'aimer, et qu'ainsi nos devoirs nous obligeant d'aimer Dieu et nos concupiscences nous en détournant nous sommes pleins d'injustice. Il faut qu'elle nous rende raison de ces oppositions que nous avons à Dieu et à notre propre bien. Il faut qu'elle nous enseigne les remèdes à ces impuissances et les moyens d'obtenir ces remèdes. Qu'on examine sur cela toutes les religions du monde et qu'on voie s'il y en a une autre que la chrétienne qui y satisfasse.

Transition 3 (Laf. 198, Sel. 229). En voyant l’aveuglement et la misère de l’homme, en regardant tout l’univers muet et l’homme sans lumière abandonné à lui-même, et comme égaré dans ce recoin de l’univers sans savoir qui l’y a mis, ce qu’il y est venu faire, ce qu’il deviendra en mourant, incapable de toute connaissance, j’entre en effroi comme un homme qu’on aurait porté endormi dans une île déserte et effroyable, et qui s’éveillerait sans connaître et sans moyen d’en sortir. Et sur cela j’admire comment on n’entre point en désespoir d’un si misérable état. Je vois d’autres personnes auprès de moi d’une semblable nature. Je leur demande s’ils sont mieux instruits que moi. Ils me disent que non et sur cela ces misérables égarés, ayant regardé autour d’eux et ayant vu quelques objets plaisants s’y sont donnés et s’y sont attachés. Pour moi je n’ai pu y prendre d’attache et considérant combien il y a plus d’apparence qu’il y a autre chose que ce que je vois j’ai recherché si ce Dieu n’aurait point laissé quelque marque de soi.

Fausseté 13 (Laf. 215, Sel. 248). Après avoir entendu toute la nature de l'homme il faut pour faire qu'une religion soit vraie qu'elle ait connu notre nature. Elle doit avoir connu la grandeur et la petitesse et la raison de l'une et de l'autre. Qui l'a connue que la chrétienne ?

Fausseté 14 (Laf. 216, Sel. 249). La vraie religion enseigne nos devoirs, nos impuissances, orgueil et concupiscence, et les remèdes, humilité, mortification.

Fausseté 18 (Laf. 220, Sel. 253). Nulle autre religion n'a proposé de se haïr, nulle autre religion ne peut donc plaire à ceux qui se haïssent et qui cherchent un être véritablement aimable. Et ceux-là s'ils n'avaient jamais ouï parler de la religion d'un Dieu humilié l'embrasseraient incontinent.

Preuves de Jésus-Christ 4 (Laf. 301, Sel. 332). Sainteté. Effundam spiritum meum. Tous les peuples étaient dans l’infidélité et dans la concupiscence, toute la terre fut ardente de charité : les princes quittent leurs grandeurs, les filles souffrent le martyre. D’où vient cette force ? C’est que le Messie est arrivé. Voilà l’effet et les marques de sa venue.

Prophéties 17 (Laf. 338, Sel. 370). Les filles consacrent à Dieu leur virginité et leur vie, les hommes renoncent à tous plaisirs. Ce que Platon n’a pu persuader à quelque peu d’hommes choisis et si instruits une force secrète le persuade à cent milliers d’hommes ignorants, par la vertu de peu de paroles. Les riches quittent leurs biens, les enfants quittent la maison délicate de leurs pères pour aller dans l’austérité d’un désert, etc. Voyez Philon juif.

Preuves par discours I (Laf. 421, Sel. 680). Nulle religion que la nôtre n'a enseigné que l'homme naît en péché, nulle secte de philosophes ne l'a dit, nulle n'a donc dit vrai.

Preuves par les Juifs IV (Laf. 454, Sel. 694). Je vois donc des faiseurs de religions en plusieurs endroits du monde et dans tous les temps, mais ils n’ont ni la morale qui peut me plaire, ni les preuves qui peuvent m’arrêter, et qu’ainsi j’aurais refusé également, et la religion de Mahomet et celle de la Chine et celle des anciens Romains et celle des Égyptiens par cette seule raison que l’une n’ayant point plus de marques de vérité que l’autre, ni rien qui me déterminât nécessairement. La raison ne peut pencher plutôt vers l’une que vers l’autre.

 

Mots-clés : AmourConcupiscenceConnaissanceDieuImpuissanceJusticeMarquePrièreReligion – Remède – Suivre – Vérité.