Fragment Ordre n° 5 / 10 - Papier original : RO 25-3
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Ordre n° 9 p. 1 v° / C2 : p. 14-15
Éditions savantes : Faugère II, 391, Ordre / Havet X.11 / Brunschvicg 248 / Tourneur p. 168-3 / Le Guern 5 / Maeda I p. 35 / Lafuma 7 / Sellier 41
Lettre qui marque l’utilité des preuves, par la machine.
La foi est différente de la preuve. L’une est humaine, l’autre est un don de Dieu. Justus ex fide vivit. C’est de cette foi que Dieu lui‑même met dans le cœur dont la preuve est souvent l’instrument. Fides ex auditu. Mais cette foi est dans le cœur et fait dire non Scio mais Credo.
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Ce fragment paradoxal relatif à l’ordre distingue d’une part la foi du cœur que Dieu donne à l’homme et d’autre part la persuasion que produisent les preuves, qui peuvent être l’instrument pour acquérir la première, par les habitudes qu’engendre la machine.
Les premières lignes annoncent une Lettre qui marque l’utilité des preuves, par la Machine.
C’est d’autant plus surprenant au premier abord que dans le titre la mention finale « par la machine » semble bien être une addition. Pascal semble avoir d’abord écrit lettre suivi de qui marque l’utilité des preuves. La mention par la machine vient ensuite. Ce titre est susceptible de deux interprétations, selon qu’on place un point avant par la machine comme sur le manuscrit, ou que l’on fait une seule formule de tout le titre, comme dans les Copies C1 et C2, ce qui impose l’idée que preuves par la machine est une expression qui forme un tout. Mais l’expression preuve par la machine n’a pas de sens.
En fait, le titre a une signification ironique : il signifie que les preuves sont utiles, mais non pas, comme on le croit ordinairement, pour engendrer la croyance par leur propre force. Elles n’ont pas une utilité métaphysique et rationnelle. Elles ne peuvent surtout pas donner la seule foi qui vaille, la foi divine. Cependant ces preuves ont malgré tout une utilité : elles peuvent servir d’instrument qui ouvre la voie par laquelle Dieu plantera cette foi dans le cœur. Mais cette efficacité adjuvante n’est possible que parce qu’elle engendre une habitude intellectuelle : la machine, c’est-à-dire l’accoutumance, finit par disposer l’esprit à croire. Le paradoxe, c’est donc que l’utilité des preuves ne vient pas de leur propre force, mais de la machine, c’est-à-dire de la partie « automate » de l’homme.
Fragments connexes
Grandeur 6 (Laf. 110, Sel. 142). Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur, c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes.
Excellence 2 (Laf. 190, Sel. 222). Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes...
Conclusion 4 (Laf. 380, Sel. 412). Ne vous étonnez pas de voir des personnes simples croire sans raisonnement...
Conclusion 5 (Laf. 381, Sel. 413). Ceux qui croient sans avoir lu les testaments c’est parce qu’ils ont une disposition intérieure toute sainte et que ce qu’ils entendent dire de notre religion y est conforme. Ils sentent qu’un Dieu les a faits...
Conclusion 6 (Laf. 382, Sel. 414). Ceux que nous voyons chrétiens sans la connaissance des prophéties et des preuves ne laissent pas d’en juger aussi bien que ceux qui ont cette connaissance...
Pensées diverses (Laf. 821, Sel. 313). Car il ne faut pas se méconnaître, nous sommes automate autant qu’esprit. Et de là vient que l’instrument par lequel la persuasion se fait n’est pas la seule démonstration...
Mots-clés : Cœur – Dieu – Foi – Homme – Lettre – Machine – Preuve.