Preuves par discours II - Fragment n° 4 / 7  – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 35 p. 221 / C2 : p. 433-433 v°

Éditions de Port-Royal :

    Chap. XXIV - Vanité de l’homme : 1669 et janvier 1670 p. 188  / 1678 n° 13 p. 184

    Chap. XXXI - Pensées diverses : 1669 et janvier 1670 p. 336 [n° 29] (doublon)

    Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 238  / 1678 n° 1 p. 230

Éditions savantes : Faugère II, 22 / Havet III.6 / Michaut 445 / Brunschvicg 194 bis et ter, 195 bis / Le Guern 403 / Lafuma 432 (série IV) / Sellier 684

 

Avertissement : nous conservons, comme dans la plupart des éditions, les textes barrés verticalement par Pascal. Ces textes sont signalés ci-dessous sur un fond bleuté plus foncé.

 

Amour propre, et parce que c’est une chose qui nous intéresse assez pour nous en émouvoir, d’être assurés qu’après tous les maux de la vie une mort inévitable qui nous menace à chaque instant doit infailliblement, dans peu d’années... dans l’horrible nécessité...

 

Les trois conditions.

 

Il ne faut pas dire de cela que c’est une marque de raison.

 

C’est tout ce que pourrait faire un homme qui serait assuré de la fausseté de cette nouvelle ; encore ne devrait‑il pas en être dans la joie mais dans l’abattement.

 

Rien n’est important que cela, et on ne néglige que cela.

 

Notre imagination nous grossit si fort le temps présent à force d’y faire des réflexions continuelles, et amoindrit tellement l’éternité, manque d’y faire réflexion, que nous faisons de l’éternité un néant, et du néant une éternité, et tout cela a ses racines si vives en nous que toute notre raison ne nous en peut défendre et que...

 

Je leur demanderais s’il n’est pas vrai qu’ils vérifient par eux‑mêmes ce fondement de la foi qu’ils combattent, qui est que la nature des hommes est dans la corruption.

 

 

Ce recueil de notes n’est connu que par les Copies. Il a servi à Pascal pour la rédaction du grand texte contre l’indifférence des incrédules à leur destinée (Preuves par discours II - Laf. 427, Sel. 681). Il doit être lu en référence aux développements que Pascal y a composés.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Vanité 33 (Laf. 47, Sel. 80). Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours, ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt, si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que le présent d’ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu’il nous afflige, et s’il nous est agréable nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver.

Contrariétés 5 (Laf. 122, Sel. 155). A P. R. Grandeur et misère.

La misère se concluant de la grandeur et la grandeur de la misère, les uns ont conclu la misère d’autant plus qu’ils en ont pris pour preuve la grandeur, et les autres concluant la grandeur avec d’autant plus de force qu’ils l’ont conclue de la misère même. Tout ce que les uns ont pu dire pour montrer la grandeur n’a servi que d’un argument aux autres pour conclure la misère, puisque c’est être d’autant plus misérable qu’on est tombé de plus haut, et les autres au contraire. Ils se sont portés les uns sur les autres, par un cercle sans fin, étant certain qu’à mesure que les hommes ont de lumière ils trouvent et grandeur et misère en l’homme.

En un mot l’homme connaît qu’il est misérable. Il est donc misérable puisqu’il l’est, mais il est bien grand puisqu’il le connaît.

Commencement 10 (Laf. 160, Sel. 192). Il y a trois sortes de personnes : les uns qui servent Dieu l’ayant trouvé, les autres qui s’emploient à le chercher ne l’ayant pas trouvé, les autres qui vivent sans le chercher ni l’avoir trouvé. Les premiers sont raisonnables et heureux, les derniers sont fous et malheureux. Ceux du milieu sont malheureux et raisonnables.

Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681)Pour ceux qui passent leur vie sans penser à cette dernière fin de la vie et qui, par cette seule raison qu’ils ne trouvent pas en euxmêmes les lumières qui les en persuadent, négligent de les chercher ailleurs et d’examiner à fond si cette opinion est de celles que le peuple reçoit par une simplicité crédule, ou de celles qui, quoique obscures d’ellesmêmes, ont néanmoins un fondement très solide et inébranlable, je les considère d’une manière toute différente. Cette négligence en une affaire où il s’agit d’eux-mêmes, de leur éternité, de leur tout, m’irrite plus qu’elle ne m’attendrit, elle m’étonne et m’épouvante, c’est un monstre pour moi. Je ne dis pas ceci par le zèle pieux d’une dévotion spirituelle. J’entends au contraire qu’on doit avoir ce sentiment par un principe d’intérêt humain et par un intérêt d’amour-propre. Il ne faut pour cela que voir ce que voient les personnes les moins éclairées. Il ne faut pas avoir l’âme fort élevée pour comprendre qu’il n’y a point ici de satisfaction véritable et solide, que tous nos plaisirs ne sont que vanité, que nos maux sont infinis, et qu’enfin la mort qui nous menace à chaque instant doit infailliblement nous mettre dans peu d’années dans l’horrible nécessité d’être éternellement ou anéantis ou malheureux.

Preuves par discours II (Laf. 428, Sel. 682). De tous leurs égarements, c’est sans doute celui qui les convainc le plus de folie et d’aveuglement, et dans lequel il est le plus facile de les confondre par les premières vues du sens commun et par les sentiments de la nature. Car il est indubitable que le temps de cette vie n’est qu’un instant, que l’état de la mort est éternel, de quelque nature qu’il puisse être, et qu’ainsi toutes nos actions et nos pensées doivent prendre des routes si différentes selon l’état de cette éternité, qu’il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement qu’en la réglant par la vue de ce point qui doit être notre dernier objet. Il n’y a rien de plus visible que cela et qu’ainsi, selon les principes de la raison, la conduite des hommes est tout à fait déraisonnable, s’ils ne prennent une autre voie. Que l’on juge donc là-dessus de ceux qui vivent sans songer à cette dernière fin de la vie, qui, se laissant conduire à leurs inclinations et à leurs plaisirs sans réflexion et sans inquiétude, et comme s’ils pouvaient anéantir l’éternité en en détournant leur pensée, ne pensent à se rendre heureux que dans cet instant seulement.

Preuves par discours II (Laf. 431, Sel. 683). Ainsi, les deux preuves de la corruption et de la Rédemption se tirent des impies, qui vivent dans l’indifférence de la religion, et des Juifs, qui en sont les ennemis irréconciliables.

Pensées diverses (Laf. 432 série XXX, Sel. 662).

Pensées diverses (Laf. 632, Sel. 525). La sensibilité de l’homme aux petites choses et l’insensibilité aux plus grandes choses, marque d’un étrange renversement.

 

Mots-clés : Abattement – Amour propreCondition – Continuel – Corruption – Émouvoir – Éternité – Fausseté – FoiFondementHommeHorribleImaginationInfaillibleInstantIntéresserJoieMarque – Maux – MenaceMort (voir Mourir)NéantNécessitéNégligerPrésentRacineRaisonRéflexionTempsVie.