Preuves par discours III - Fragment n° 6 / 10 – Le papier original est perdu
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 43 p. 225 v° à 227 / C2 : p. 439 à 439 v°
Éditions de Port-Royal : Chap. XVIII - Dessein de Dieu de se cacher aux uns, et de se découvrir aux autres : 1669 et janvier 1670 p. 139-140 / 1678 n° 6 et 7 p. 138
Éditions savantes : Faugère II, 154, XVIII ; II, 155, XX / Havet XX.4, 3 bis / Brunschvicg 557, 558, 586 / Le Guern 414 à 416 / Lafuma 444 à 446 (série V) / Sellier 690
Il est donc vrai que tout instruit l’homme de sa condition, mais il le faut bien entendre, car il n’est pas vrai que tout découvre Dieu, et il n’est pas vrai que tout cache Dieu, mais il est vrai tout ensemble qu’il se cache à ceux qui le tentent, et qu’il se découvre à ceux qui le cherchent, parce que les hommes sont tout ensemble indignes de Dieu et capables de Dieu, indignes par leur corruption, capables par leur première nature.
Que conclurons‑nous donc de toutes nos obscurités, sinon notre indignité ?
S’il n’y avait point d’obscurité, l’homme ne sentirait pas sa corruption. S’il n’y avait point de lumière, l’homme n’espérerait point de remède. Ainsi il est non seulement juste, mais utile pour nous que Dieu soit caché en partie et découvert en partie, puisqu’il est également dangereux à l’homme de connaître Dieu sans connaître sa misère et de connaître sa misère sans connaître Dieu.
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Ces notes complètent certains points que Pascal aborde dans les fragments voisins. Elles ont en commun d’aborder le mystère du Dieu qui se cache, et montrent que paradoxalement, c’est pour le bien et l’utilité de l’homme que l’obscurité dans laquelle il se tient lui permet d’échapper aux cœurs mauvais.
Fragments connexes
Ordre 2 (Laf. 3, Sel. 38). Et quoi ne dites-vous pas vous-même que le ciel et les oiseaux prouvent Dieu ? Non. Et votre religion ne le dit-elle pas ? Non. Car encore que cela est vrai en un sens pour quelques âmes à qui Dieu donna cette lumière, néanmoins cela est faux à l’égard de la plupart.
Dossier de travail (Laf. 394, Sel. 13). Au lieu de vous plaindre de ce que Dieu s’est caché vous lui rendrez grâces de ce qu’il s’est tant découvert et vous lui rendrez grâces encore de ce qu’il ne s’est pas découvert aux sages superbes indignes de connaître un Dieu si saint.
Preuves par discours III (Laf. 442, Sel. 690). Ainsi tout l’univers apprend à l’homme ou qu’il est corrompu, ou qu’il est racheté, tout lui apprend sa grandeur ou sa misère, l’abandon de Dieu paraît dans les païens, la protection de Dieu paraît dans les Juifs.
Preuves par discours III (Laf. 443, Sel. 690). Tous errent d’autant plus dangereusement qu’ils suivent chacun une vérité, leur faute n’est pas de suivre une fausseté mais de ne pas suivre une autre vérité.
Preuves par discours III (Laf. 448, Sel. 690). S’il n’avait jamais rien paru de Dieu, cette privation éternelle serait équivoque, et pourrait aussi bien se rapporter à l’absence de toute divinité, ou à l’indignité où seraient les hommes de le connaître ; mais de ce qu’il paraît quelquefois, et non pas toujours, cela ôte l’équivoque. S’il paraît une fois, il est toujours ; et ainsi on n’en peut conclure, sinon qu’il y a un Dieu, et que les hommes en sont indignes.
Pensée n° 8H-19T (Laf. 919, Sel. 751). C’est me tenter plus que t’éprouver, que de penser si tu ferais bien, telle et telle chose absente. Je la ferai en toi si elle arrive.
Mots-clés : Cacher – Capacité – Conclusion – Condition – Corruption – Danger – Découvrir – Dieu – Dignité – Espérer – Homme – Instruire – Lumière – Misère – Obscurité – Tenter – Vérité.