Preuves par les Juifs VI  – Fragment n° 15 / 15 – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 66 p. 258 / C2 : p. 473 v°-475

Le texte a été ajouté dans l’édition de Port-Royal de 1678 : Chapitre II - Marques de la véritable religion : 1678 n° 16 p. 28-33

Éditions savantes : Faugère II, 364, XXIII / Havet XI.12 / Brunschvicg 289 / Le Guern 447 / Lafuma 482 (série XI) / Sellier 717

 

 

 

Preuve.

 

1. La religion chrétienne, par son établissement, par elle‑même établie si fortement, si doucement, étant si contraire à la nature.

2. La sainteté, la hauteur et l’humilité d’une âme chrétienne.

3. Les merveilles de l’Écriture sainte.

4. Jésus‑Christ en particulier.

5. Les apôtres en particulier.

6. Moïse et les prophètes en particulier.

7. Le peuple juif.

8. Les prophéties.

9. La perpétuité. Nulle religion n’a la perpétuité.

10. La doctrine, qui rend raison de tout.

11. La sainteté de cette loi.

12. Par la conduite du monde.

Il est indubitable qu’après cela on ne doit pas refuser, en considérant ce que c’est que la vie et que cette religion, de suivre l’inclination de la suivre, si elle nous vient dans le cœur. Et il est certain qu’il n’y a nul lieu de se moquer de ceux qui la suivent.

 

 

Pascal présente ici une liste de faits qui, par leur caractère disproportionné par rapport à l’ordre naturel et ordinaire des choses, donnent à la religion chrétienne un caractère propre à étonner le lecteur et à le persuader de son caractère extraordinaire. Elle porte principalement sur la partie théologique de l’argumentation. Il ne semble pas que ces preuves soient présentées dans un ordre progressif. On trouvera dans les fragments connexes quelques catalogues de preuves analogues, avec lesquelles la comparaison peut être suggestive.

Ce fragment présente une intéressante transformation d’un catalogue d’arguments en un texte entièrement rédigé par les éditeurs, qui reprennent les expressions de Pascal et les développent abondamment : c’est le cas par exemple lorsqu’à partir de la remarque sur les qualités de l’âme chrétienne, ils développent la doctrine de l’absence de vraie vertu des païens ; c’est le cas aussi sur les autres points de la liste : Jésus-Christ, les apôtres, les prophètes, le peuple juif. La lecture de l’original trouve dans l’édition de 1670 un commentaire qu’il ne faut pas négliger.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

A P. R. 2 (Laf. 149, Sel. 182). Je n’entends point que vous soumettiez votre créance à moi sans raison, et ne prétends point vous assujettir avec tyrannie. Je ne prétends point aussi vous rendre raison de toutes choses. Et pour accorder ces contrariétés, j’entends vous faire voir clairement par des preuves convaincantes des marques divines en moi qui vous convainquent de ce que je suis, et m’attirer autorité par des merveilles et des preuves que vous ne puissiez refuser, et qu’ensuite vous croyiez les choses que je vous enseigne, quand vous n’y trouverez autre sujet de les refuser sinon que vous ne pouvez par vous-mêmes connaître si elles sont ou non. [...] Mais vous n’êtes plus maintenant en l’état où je vous ai formés. J’ai créé l’homme saint, innocent, parfait ; je l’ai rempli de lumière et d’intelligence, je lui ai communiqué ma gloire et mes merveilles. L’œil de l’homme voyait alors la majesté de Dieu. Il n’était pas alors dans les ténèbres qui l’aveuglent, ni dans la mortalité et dans les misères qui l’affligent. [...] Je n’entends pas que vous soumettiez votre créance à moi sans raison, et ne prétends point vous assujettir avec tyrannie. Je ne prétends point aussi vous rendre raison de toutes choses. Et pour accorder ces contrariétés j’entends vous faire voir clairement par des preuves convaincantes des marques divines en moi qui vous convainquent de ce que je suis et m’attirer autorité par des merveilles et des preuves que vous ne puissiez refuser et qu’ensuite vous croyiez les choses que je vous enseigne quand vous n’y trouverez autre sujet de les refuser, sinon que vous ne pouvez par vous-même connaître si elles sont ou non.

Commencement 3 (Laf. 152, Sel. 185). Entre nous et l’enfer ou le ciel il n’y a que la vie entre-deux qui est la chose du monde la plus fragile.

Commencement 4 (Laf. 153, Sel. 186). Que me promettez-vous enfin ? car dix ans est le parti, sinon dix ans d’amour propre, à bien essayer de plaire sans y réussir, outre les peines certaines ?

Commencement 5 (Laf. 154, Sel. 187). S’il est sûr qu’on n’y sera pas longtemps, et incertain si on y sera une heure.

Commencement 9 (Laf. 159, Sel. 191). Si on doit donner huit jours de la vie on doit donner cent ans.

Commencement 14 (Laf. 164, Sel. 196). Commencement.

Cachot.

Je trouve bon qu’on n’approfondisse pas l’opinion de Copernic. Mais ceci.

Il importe à toute la vie de savoir si l’âme est mortelle ou immortelle.

Fausseté 3 (Laf. 205, Sel. 237). S’il y a un seul principe de tout, une seule fin de tout, - tout par lui, tout pour lui. Il faut donc que la vraie religion nous enseigne à n’adorer que lui et à n’aimer que lui. Mais comme nous nous trouvons dans l’impuissance d’adorer ce que nous ne connaissons pas et d’aimer autre chose que nous il faut que la religion qui instruit de ces devoirs nous instruise aussi de ces impuissances et qu’elle nous apprenne aussi les remèdes. Elle nous apprend que par un homme tout a été perdu et la liaison rompue entre Dieu et nous, et que par un homme la liaison est réparée.

Nous naissons si contraires à cet amour de Dieu et il est si nécessaire qu’il faut que nous naissions coupables, ou Dieu serait injuste.

Fausseté 7 (Laf. 209, Sel. 241-242). Différence entre Jésus-Christ et Mahomet.

Mahomet non prédit, Jésus-Christ prédit.

Mahomet en tuant, Jésus-Christ en faisant tuer les siens.

Mahomet en défendant de lire, les apôtres en ordonnant de lire.

Enfin cela est si contraire que si Mahomet a pris la voie de réussir humainement, Jésus-Christ a pris celle de périr humainement et qu’au lieu de conclure que puisque Mahomet a réussi, Jésus-Christ a bien pu réussir, il faut dire que puisque Mahomet a réussi, Jésus-Christ devait périr.

Loi figurative 15 (Laf. 260, Sel. 291). Les prophètes ont dit clairement qu’Israël serait toujours aimé de Dieu et que la loi serait éternelle et ils ont dit que l’on n’entendrait point leur sens et qu’il était voilé.

Et d’autant plus qu’on y trouve des contrariétés manifestes dans le sens littéral. Combien doit-on donc estimer ceux qui nous découvrent le chiffre et nous apprennent à connaître le sens caché, et principalement quand les principes qu’ils en prennent sont tout à fait naturels et clairs ? C’est ce qu’a fait Jésus-Christ et les apôtres. Ils ont levé le sceau. Il a rompu le voile et a découvert l’esprit. Ils nous ont appris pour cela que les ennemis de l’homme sont ses passions, que le rédempteur serait spirituel et son règne spirituel, qu’il y aurait deux avènements, l’un de misère pour abaisser l’homme superbe, l’autre de gloire pour élever l’homme humilié, que Jésus-Christ serait Dieu et homme.

Loi figurative 29 (Laf. 274, Sel. 305). Preuve des deux Testaments à la fois.

Pour prouver d’un coup tous les deux il ne faut que voir si les prophéties de l’un sont accomplies en l’autre.

Pour examiner les prophéties il faut les entendre.

Car si on croit qu’elles n’ont qu’un sens il est sûr que le Messie ne sera point venu, mais si elles ont deux sens il est sûr qu’il sera venu en Jésus-Christ.

Toute la question est donc de savoir si elles ont deux sens.

Que l’Écriture a deux sens.

Que Jésus-Christ et les apôtres ont données dont voici les preuves.

1. Preuve par l’Ecriture même.

2. Preuves par les Rabbins. Moïse Mammon dit qu’elle a deux faces prouvées et que les prophètes n’ont prophétisé que de Jésus-Christ.

3. Preuves par la Cabale.

4. Preuves par l’interprétation mystique que les Rabbins mêmes donnent à l’Ecriture.

5. Preuves par les principes des Rabbins qu’il y a deux sens.

Qu’il y a deux avènements du Messie, glorieux ou abject selon leur mérite.

Que les prophètes n’ont prophétisé que du Messie. La loi n’est pas éternelle, mais doit changer au Messie.

Qu’alors on ne se souviendra plus de la mer Rouge.

Que les Juifs et les gentils seront mêlés.

Perpétuité 4 (Laf. 282, Sel. 314). Perpétuité.

Le Messie a toujours été cru. La tradition d’Adam était encore nouvelle en Noé et en Moïse. Les prophètes l’ont prédit depuis en prédisant toujours d’autres choses dont les événements qui arrivaient de temps en temps à la vue des hommes marquaient la vérité de leur mission et par conséquent celle de leurs promesses touchant le Messie. Jésus-Christ a fait des miracles et les apôtres aussi qui ont converti tous les païens et par là toutes les prophéties étant accomplies le Messie est prouvé pour jamais.

Perpétuité 6 (Laf. 284, Sel. 316). La seule religion contre la nature, contre le sens commun, contre nos plaisirs est la seule qui ait toujours été.

Preuves de Jésus-Christ 13 (Laf. 310, Sel. 341). Preuv. de Jésus-Christ.

L’hypothèse des apôtres fourbes est bien absurde. Qu’on la suive tout au long, qu’on s’imagine ces douze hommes assemblés après la mort de Jésus-Christ, faisant le complot de dire qu’il est ressuscité. Ils attaquent par là toutes les puissances. Le cœur des hommes est étrangement penchant à la légèreté, au changement, aux promesses, aux biens, si peu que l’un de ceux-là se fût démenti par tous ces attraits, et qui plus est par les prisons, par les tortures et par la mort, ils étaient perdus. Qu’on suive cela.

Preuves de Jésus-Christ 24 (Laf. 322, Sel. 353). Les apôtres ont été trompés ou trompeurs. L’un et l’autre est difficile. Car il n’est pas possible de prendre un homme pour être ressuscité.

Tandis que Jésus-Christ était avec eux, il les pouvait soutenir, mais après cela, s’il ne leur est apparu, qui les a fait agir ?

Conclusion 4 (Laf. 380, Sel. 412). Ne vous étonnez pas de voir des personnes simples croire sans raisonnement. Dieu leur donne l’amour de soi et la haine d’eux-mêmes. Il incline leur cœur à croire. On ne croira jamais, d’une créance utile et de foi si Dieu n’incline le cœur et on croira dès qu’il l’inclinera.

Et c’est ce que David connaissait bien. Inclina cor meum Deus in.

Conclusion 6 (Laf. 382, Sel. 414). Ceux que nous voyons chrétiens sans la connaissance des prophéties et des preuves ne laissent pas d’en juger aussi bien que ceux qui ont cette connaissance. Ils en jugent par le cœur comme les autres en jugent par l’esprit. C’est Dieu lui-même qui les incline à croire et ainsi ils sont très efficacement persuadés.

Dossier de travail (Laf. 402, Sel. 21). Preuves de la religion.

Morale / Doctrine / Miracles / Prophéties / Figures.

Preuves par discours I (Laf. 425, Sel. 680). La seule science qui est contre le sens commun et la nature des hommes est la seule qui ait toujours subsisté parmi les hommes.

Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Il faut qu’il y ait un étrange renversement dans la nature de l’homme pour faire gloire d’être dans cet état, dans lequel il semble incroyable qu’une seule personne puisse être. Cependant l’expérience m’en fait voir un si grand nombre, que cela serait surprenant, si nous ne savions que la plupart de ceux qui s’en mêlent se contrefont et ne sont pas tels en effet. Ce sont des gens qui ont ouï dire que les belles manières du monde consistent à faire ainsi l’emporté. C’est ce qu’ils appellent avoir secoué le joug, et qu’ils essayent d’imiter. Mais il ne serait pas difficile de leur faire entendre combien ils s’abusent en cherchant par là de l’estime.

Preuves par les Juifs V (Laf. 457, Sel. 696). Hypothèse des apôtres fourbes.

Prophéties VI (Laf. 489, Sel. 735). C’est pour cette raison que j’ajouterai à tout le reste d’amener sur ce peuple une merveille étonnante et un prodige grand et terrible. C’est que la sagesse de ses sages périra et leur intelligence sera obscurcie. [...] J’ai fait moi seul ces merveilles à vos yeux ; vous êtes mes témoins de ma divinité, dit le Seigneur.

Pensées diverses (Laf. 658, Sel. 542). Conversation.

Grands mots à la religion : je la nie.

Pensées diverses (Laf. 781, Sel. 644). Préface de la seconde partie.

Parler de ceux qui ont traité de cette matière.

J’admire avec quelle hardiesse ces personnes entreprennent de parler de Dieu.

En adressant leurs discours aux impies leur premier chapitre est de prouver la divinité par les ouvrages de la nature. Je ne m’étonnerais pas de leur entreprise s’ils adressaient leurs discours aux fidèles, car il est certain [que ceux] qui ont la foi vive dedans le cœur voient incontinent que tout ce qui est n’est autre chose que l’ouvrage du Dieu qu’ils adorent, mais pour ceux en qui cette lumière est éteinte et dans lesquels on a dessein de la faire revivre, ces personnes destituées de foi et de grâce, qui recherchant de toute leur lumière tout ce qu’ils voient dans la nature qui les peut mener à cette connaissance ne trouvent qu’obscurité et ténèbres, dire à ceux-là qu’ils n’ont qu’à voir la moindre des choses qui les environnent et qu’ils y verront Dieu à découvert et leur donner pour toute preuve de ce grand et important sujet le cours de la lune et des planètes et prétendre avoir achevé sa preuve avec un tel discours c’est leur donner sujet de croire que les preuves de notre religion sont bien faibles et je vois par raison et par expérience que rien n’est plus propre à leur en faire naître le mépris. Ce n’est pas de cette sorte que l’Ecriture qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu en parle. Elle dit au contraire que Dieu est un Dieu caché et que depuis la corruption de la nature il les a laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par Jésus-Christ hors duquel toute communication avec Dieu est ôtée.

 

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