La liasse MORALE CHRÉTIENNE (suite)
Morale chrétienne et l’édition de Port-Royal
Le chapitre III, Véritable religion prouvée par les contrariétés qui sont dans l’homme, et par le péché originel, est composé de textes issus des liasses Contrariétés (n° 14), Souverain bien (2), A P. R. (1 et 2), Fausseté des autres religions (3 et 6), Morale chrétienne (1, 2, 3, 4, 7 et 8), du dossier de travail (Laf. 398, Sel. 17 ; Laf. 404, Sel. 23), des Preuves par discours II (Laf. 430-431, Sel. 683) et de Pensées diverses (Laf. 629, Sel. 522 ; Laf. 695, Sel. 574).
Morale 6, Morale 12, Morale 14, Morale 17 et Morale 25 ont été retenus dans le chapitre XXVIII, Pensées chrétiennes.
Une partie du texte de Morale 21, ainsi que Morale 23, ont été utilisés dans le chapitre XXIX, Pensées morales.
Plusieurs fragments ont été ajoutés dans l’édition de 1678 :
Morale 9 (chap. XXVIII, Pensées chrétiennes),
Morale 10 (chap. XXIX, Pensées morales),
Morale 18 (chap. XXIX, Pensées morales),
Morale 19 (chap. XXIX, Pensées morales),
une partie du texte de Morale 21 (chap. XXIX, Pensées morales).
Les fragments Morale 5, Morale 11, Morale 13, Morale 15, Morale 16, Morale 20, Morale 22 et Morale 24, n’ont pas été retenus par le Comité. Tous ces fragments ont ensuite été recopiés par Louis Périer dont une copie a été conservée, sauf Morale 16 (renvoi à Perpétuité), Morale 20 et Morale 24. Il faut attendre le Rapport de V. Cousin (1842) ou l’édition Faugère (1844) pour qu’ils soient publiés.
Aspects stratigraphiques des fragments de Morale chrétienne
Le papier RO 265-1 (Morale 3) porte une partie d’un filigrane Armes de France et Navarre / P ♥ H. Le papier est issu d’une feuille de type Cadran d’horloge & Armes de France et Navarre / P ♥ H. Pol Ernst a reconstitué en grande partie le feuillet originel dans l’Album p. 162.
Le papier RO 419-3 (Morale 5) est marqué d’une partie de filigrane Cadran. Le papier est issu d’une feuille de de type Cadran & B ♥ C. Pol Ernst a reconstitué en grande partie le feuillet originel dans l’Album p. 138.
Le papier RO 149-2 (Morale 10) porte un filigrane quasi complet Deux écus de France et Navarre / I ♥ C.
Le papier RO 167-5 (Morale 20), qui porte l’écriture du secrétaire de Pascal, est marqué d’un minuscule fragment d’un filigrane Armes de France et Navarre / P ♥ H. Le papier est issu d’une feuille de type Cadran d’horloge & Armes de France et Navarre / P ♥ H. Pol Ernst a retrouvé le texte qui était écrit à sa suite dans le feuillet originel (voir l’Album p. 166).
Le papier RO 149-1 (Morale 21) porte un filigrane Écusson fleurette RC/DV.
Les autres papiers ne portent pas de filigrane.
Selon Pol Ernst, Les Pensées de Pascal, Géologie et stratigraphie, p. 314-316,
les papiers RO 412-2 (Morale 1) et RO 393-2 (Morale 2) pourraient être issus d’une feuille de type Écu 3 annelets doubles / PF & pot / B RODIER ;
les papiers RO 146-3 (Morale 6), RO 411-4 (Morale 7), RO 202-3 (Morale 8), RO 161-5 (Morale 9) et RO 267-2 (Morale 13) pourraient provenir d’un ou plusieurs feuillets de type Cor couronné / P ♦ H ;
le papier RO 163-2 (Morale 11) provient probablement d’un feuillet de type Gros raisin ;
les papiers RO 265-2 (Morale 14), RO 412-4 (Morale 15), RO 199-2 (Morale 22) et RO 265-5 (Morale 23) seraient de type Écusson fleurette RC/DV ; Pol Ernst a retrouvé le texte qui précédait RO 412-4 dans le feuillet originel (voir l’Album p. 63) ;
le papier RO 265-3 (Morale 18) est issu d’une feuille de type Cadran d’horloge & Armes de France et Navarre / P ♥ H ; Pol Ernst a reconstitué en grande partie le feuillet originel dans l’Album p. 156 ;
les papiers RO 405-5 (Morale 4), RO 197-3 (Morale 17), qui porte l’écriture du secrétaire de Pascal, RO 265-4 (Morale 24) et RO 419-4 (Morale 25) ne sont pas identifiés ; Pol Ernst a retrouvé le texte qui précédait RO 265-4 dans le feuillet originel (voir l’Album p. 36, cas n° 1).
Le papier RO 199-3 (Morale 19) pourrait provenir d’un livre de comptes (feuillet à réglures).
♦ Les thèmes majeurs de la liasse Morale chrétienne
Obéissance à l’inspiration de l’Esprit Saint : Morale 17 (Laf. 367, Sel. 400).
Convenance de la révélation avec la vraie nature de l’homme : Morale 2 (Laf. 352, Sel. 384), Morale 3 (Laf. 353, Sel. 385), Morale 4 (Laf. 354, Sel. 386), Morale 7 (Laf. 357, Sel. 389).
Lois de la république chrétienne : Morale 25 (Laf. 376, Sel. 408).
Union dans le corps mystique : Morale 9 (Laf. 359, Sel. 391).
Membres pensants, corps mystique : Morale 10 (Laf. 360, Sel. 392), Morale 18 (Laf. 368, Sel. 401), Morale 19 (Laf. 370, Sel. 402), Morale 20 (Laf. 371, Sel. 403), Morale 21 (Laf. 372, Sel. 404), Morale 23 (Laf. 374, Sel. 406).
Renoncement à la volonté propre : Morale 12 (Laf. 362, Sel. 394), Morale 21 (Laf. 372, Sel. 404).
Haine de soi, amour de Dieu : Morale 1 (Laf. 351, Sel. 383), Morale 8 (Laf. 358, Sel. 390), Morale 21 (Laf. 372, Sel. 404), Morale 22 (Laf. 373, Sel. 405).
L’amour du prochain : Morale 5 (Laf. 355, Sel. 387).
Nature de la véritable dévotion : Morale 14 (Laf. 364, Sel. 396), Morale 15 (Laf. 365, Sel. 397), Morale 16 (Laf. 366, Sel. 399), Morale 17 (Laf. 367, Sel. 400).
Fausseté des morales païennes : Morale 24 (Laf. 375, Sel. 407).
♦ Structure de la liasse Morale chrétienne
Ernst Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970, p. 500, distingue deux ensembles : 1. Les deux lois qui suffisent pour régler toute la république chrétienne ; 2. Nul n’est heureux comme un vrai chrétien, ni raisonnable, ni vertueux, ni aimable (Morale 7 - Laf. 357, Sel. 389).
Peratoner Alberto, Blaise Pascal. Ragione, rivelazione e fondazione dell’etica. Il percorso dell’Apologie, Venise, Cafoscarina, 2002, p. 732 sq., relève les thèses majeurs suivantes dans la liasse Morale chrétienne : 1. L’amour de Dieu, premier commandement qui fonde la morale chrétienne ; 2. L’amour du prochain, second commandement et second fondement ; 3. Excellence de la morale chrétienne.
Pérouse Marie, L’invention des Pensées de Pascal. Les éditions de Port-Royal (1670-1678), Thèse, Paris, Champion, 2009, p. 538-539.
♦ Situation de la liasse Morale chrétienne
Peratoner Alberto, Blaise Pascal. Ragione, rivelazione e fondazione dell’etica. Il percorso dell’Apologie, Venise, Cafoscarina, 2002, p. 732 sq.
Ernst Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970, p. 501. La liasse Morale chrétienne donne une synthèse en raccourci des idées chères à Pascal, qu’il a défendues dans le reste de son Apologie : la recherche universelle du bonheur, l’accès au bonheur réservé au vrai chrétien, véritable connaissance de la nature de l’homme réservée à la religion chrétienne.
Descotes Dominique, “La conclusion du projet d’Apologie de Pascal”, Op. cit., 2, Publications de l’Université de Pau, novembre 1993, p. 47-53. Morale chrétienne fait écho aux chapitres relatifs à la condition de l’homme laissé à lui-même (Misère), et au triplet consacré à la morale : Divertissement, Philosophes et Souverain bien.
♦ Signification de Morale chrétienne
Le titre Morale chrétienne ferait attendre une exposition des principales règles pratiques qui règlent la vie chrétienne. C’est au contraire dans cette liasse que Pascal marque le plus fortement son hostilité au formalisme (Morale 17 - Laf. 367, Sel. 400).
Voir Le Guern Michel et Marie-Rose, Les Pensées de Pascal, de l’anthropologie à la théologie, Paris, Larousse, 1972, p. 205 sq. En fait, il n’en est rien : les réflexions de Pascal font partie intégrante de la démonstration apologétique : le fait que la morale proposée par le christianisme soit la seule satisfaisante fournit une nouvelle preuve de sa vérité.
Pour savoir ce que Pascal pense de la morale au sens ordinaire, il faut plutôt consulter les Provinciales V à X, XI et XV. En fait, la seule allusion qui est faite dans cette liasse au Décalogue se trouve dans le dernier fragment, Morale 25 (Laf. 376, Sel. 408), et elle ne vise pas à rappeler une règle d’éthique, mais à souligner que l’amour de Dieu et du prochain suffisent pour réconcilier l’homme avec Dieu et avec lui-même, et à mettre de l’ordre dans la confusion décrite dans la liasse Misère. Pascal se place, dans cette liasse, du point de vue le plus fondamental, indiqué dans le fragment Fondement 3 (Laf. 226, Sel. 258) : Toute la foi consiste en Jésus-Christ et en Adam et toute la morale en la concupiscence et en la grâce.
Mesnard Jean, “Pascal et le problème moral”, in La culture du XVIIe siècle, Paris, P. U. F., 1992, p. 358-359. La vraie morale selon Pascal : p. 359 sq. Fondement sur l’amour de Dieu. Qu’est-ce qu’aimer Dieu ? L’élément affectif n’est pas le plus important. Les éléments intellectuels et volontaires tiennent la place essentielle. Aimer Dieu, d’une façon générale, c’est se conformer à sa volonté, adopter une attitude de recherche de la vérité morale. Résoudre un cas de conscience ne consiste pas à choisir entre des probabilités, mais à chercher une vérité.
Sellier Philippe, “L’univers moral des Pensées”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 425-442. Voir p. 438 sq., sur « une si divine morale ». La primauté de l’amour et de la spontanéité inspirée dans la morale chrétienne. L’amour de Dieu dans la morale chrétienne : p. 440.
Stiker-Métral Charles-Olivier, Narcisse contrarié. L’amour propre dans le discours moral en France (1650-1715), Paris, Champion, 2007, p. 154 sq.
Ernst Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970, p. 501, note que la liasse aurait pu être intitulée Les vertus du vrai chrétien, ou Le bonheur du vrai chrétien.
Romeo Maria Vita, Il soggetto all’alba della modernità, Catane, C. U. E. C. M., 2012, p. 205 sq. L’éthique du bonheur.
♦ La critique des morales profanes chez Pascal
Mesnard Jean, “Pascal et le problème moral”, in La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, p. 355-362. Voir l’Entretien de Pascal avec M. de Sacy, qui traite les deux principaux systèmes de philosophie morale profanes. Malgré leur opposition, ces deux morales ont des points communs : épicurisme et stoïcisme ignorent la double nature de l’homme et contredisent également l’essence du christianisme : p. 355-356. La morale de l’honnête homme est aussi une morale profane que Pascal a reconnue fondée sur la satisfaction du moi : p. 357.
♦ La morale des jésuites
Voir les Provinciales, notamment les lettres V à X.
Les critiques que Pascal adresse à la morale des casuistes corrompus, dont les jésuites se sont faits les principaux défenseurs, ne sont pas sans rapport avec les fondements posés dans Morale chrétienne. Voir sur ce sujet
Mesnard Jean, “Pascal et le problème moral”, in La culture du XVIIe siècle, Paris, P. U. F., 1992, p. 358-359. Le conflit des augustiniens et des jésuites se situe au sein de la même Église. Malgré cette différence avec les morales profanes, dans sa critique de la morale des jésuites, Pascal s’appuie sur les mêmes principes que dans sa critique des morales profanes. Pascal n’attaque pas la casuistique en elle-même. Il ne s’en prend même pas au probabilisme considéré en lui-même. Il émet des réserves sur la définition des auteurs graves, et il s’oppose à la conception de la morale chrétienne qui se réduit à une pure construction rationnelle, ce qui fait de la morale des jésuites une morale proche des profanes. Pascal reproche aussi à leur conception de la morale d’aboutir à un légalisme où la matière de l’acte importe plus que l’intention qui l’anime : p. 359. Pour résoudre un problème moral, le chrétien est invité à choisir, entre plusieurs opinions probables, celle qui se conforme le mieux à ses goûts, à ses intérêts, à ses passions. L’acte aura beau être licite, il n’aura pas été posé dan un véritable esprit moral. Entre plusieurs opinions probables, l’arbitrage est alors rendu par la concupiscence. La pratique de la morale chrétienne devient alors toute formelle. L’amour de soi continue à régner là où devrait dominer l’amour de Dieu.
Sellier Philippe, “L’univers moral des Pensées”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 425-442. Voir p. 439 sq. L’importance de la spontanéité inspirée explique la méfiance de Pascal à l’égard de la casuistique.
Voir aussi les Écrits des curés de Paris, notamment le premier.
§ 1. « Notre cause est la cause de la morale chrétienne : nos parties sont les casuistes qui la corrompent. L’intérêt que nous y avons est celui des consciences dont nous sommes chargés ; et la raison qui nous porte à nous élever, avec plus de vigueur que jamais, contre ce nouveau libelle, est que la hardiesse des casuistes augmentant tous les jours, et étant ici arrivée à son dernier excès, nous sommes obligés d’avoir recours aux derniers remèdes, et de porter nos plaintes à tous les tribunaux où nous croirons le devoir faire, pour y poursuivre sans relâche la condamnation et la censure de ces pernicieuses maximes.
§ 2. Pour faire voir à tout le monde la justice de notre prétention, il n’y a qu’à représenter clairement l’état de l’affaire, et la manière dont les nouveaux casuistes se sont conduits depuis le commencement de leurs entreprises, jusques à ce dernier livre qui en est le couronnement ; afin qu’en voyant combien la patience avec laquelle ils ont été jusqu’ici soufferts a été pernicieuse à l’Église, on connaisse la nécessité qu’il y a de n’en plus avoir aujourd’hui. Mais il importe auparavant de bien faire entendre en quoi consiste principalement le venin de leurs méchantes doctrines, à quoi on ne fait pas assez de réflexion.
§ 3. Ce qu’il y a de plus pernicieux dans ces nouvelles morales, est qu’elles ne vont pas seulement à corrompre les mœurs, mais à corrompre la règle des mœurs ; ce qui est d’une importance tout autrement considérable. Car c’est un mal bien moins dangereux et bien moins général d’introduire des dérèglements, en laissant subsister les lois qui les défendent, que de pervertir les lois et de justifier les dérèglements ; parce que, comme la nature de l’homme tend toujours au mal dès sa naissance, et qu’elle n’est ordinairement retenue que par la crainte de la loi, aussitôt que cette barrière est ôtée, la concupiscence se répand sans obstacle ; de sorte qu’il n’y a point de différence entre rendre les vices permis et rendre tous les hommes vicieux.
§ 4. Et de là vient que l’Église a toujours eu un soin particulier de conserver inviolablement les règles de sa morale, au milieu des désordres de ceux qu’elle n’a pu empêcher de les violer. Ainsi, quand on y a vu des [mauvais] chrétiens, on y a vu au même temps des lois saintes qui les condamnaient et les rappelaient à leur devoir ; et il ne s’était point encore trouvé, avant ces nouveaux casuistes, que personne eût entrepris dans l’Église de renverser publiquement la pureté de ses règles.
§ 5. Cet attentat était réservé à ces derniers temps, que le Clergé de France appelle la lie et la fin des siècles, où ces nouveaux théologiens, au lieu d’accommoder la vie des hommes aux préceptes de Jésus-Christ, ont entrepris d’accommoder les préceptes et les règles de Jésus-Christ aux intérêts, aux passions et aux plaisirs des hommes. C’est par cet horrible renversement qu’on a vu ceux qui se donnent la qualité de docteurs et de théologiens substituer à la véritable morale, qui ne doit avoir pour principe que l’autorité divine, et pour fin que la charité, une morale toute humaine, qui n’a pour principe que la raison, et pour fin que la concupiscence et les passions de la nature. C’est ce qu’ils déclarent avec une hardiesse incroyable, comme on le verra en ce peu de maximes qui leur sont les plus ordinaires. Une action, disent-ils, est probable et sûre en conscience, si elle est appuyée sur une raison raisonnable, ratione rationabili, ou sur l’autorité de quelques auteurs graves, ou même d’un seul, ou si elle a pour fin un objet honnête. Et on verra ce qu’ils appellent un objet honnête par ces exemples qu’ils en donnent. Il est permis, disent-ils, de tuer celui qui nous fait quelque injure, pourvu qu’on n’ait en cela pour objet que le désir d’acquérir l’estime des hommes, ad captandam hominum aestimationem. On peut aller au lieu assigné pour se battre en duel, pourvu que ce soit dans le dessein de ne pas passer pour une poule, mais de passer pour un homme de cœur, vir et non gallina. On peut donner de l’argent pour un bénéfice, pourvu qu’on n’ait d’autre intention que l’avantage temporel qui nous en revient, et non pas d’égaler une chose temporelle à une chose spirituelle. Une femme peut se parer, quelque mal qu’il en arrive, pourvu qu’elle ne le fasse que par l’inclination naturelle qu’elle a à la vanité, ob naturalem fastus inclinationem. On peut boire et manger tout son saoul sans nécessité, pourvu que ce soit pour la seule volupté et sans nuire à sa santé, parce que l’appétit naturel peut jouir sans aucun péché des actions qui lui sont propres, licite potest appetitus naturalis suis actibus frui.
§ 6. On voit, en ce peu de mots, l’esprit de ces casuistes, et comment, en détruisant les règles de la piété, ils font succéder au précepte de l’Écriture, qui nous oblige de rapporter toutes nos actions à Dieu, une permission brutale de les rapporter toutes à nous-mêmes : c’est-à-dire, qu’au lieu que Jésus-Christ est venu pour amortir en nous les concupiscences du vieil homme, et y faire régner la charité de l’homme nouveau, ceux-ci sont venus pour faire revivre les concupiscences et éteindre l’amour de Dieu, dont ils dispensent les hommes, et déclarent que c’est assez pourvu qu’on ne le haïsse pas.
§ 7. Voilà la morale toute charnelle qu’ils ont apportée, qui n’est appuyée que sur le bras de chair, comme parle l’Écriture, et dont ils ne donnent pour fondement, sinon que Sanchez, Molina, Escobar, Azor, etc., la trouvent raisonnable ; d’où ils concluent qu’on la peut suivre en toute sûreté de conscience et sans aucun risque de se damner. »
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