Fragment Fondement n° 13 / 21  – Papier original : RO 57-1 et 57-1 v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fondement n° 286 à 288 p. 119 / C2 : p. 145-146

Éditions de Port-Royal :

     Chap. XVIII - Dessein de Dieu de se cacher aux uns, et de se découvrir aux autres : 1669 et janvier 1670 p. 138, 143-144  / 1678 n° 2 p. 136-137, n° 17 et 18 p. 142

     Chap. XI - Moïse : 1669 et janvier 1670 p. 90-91  / 1678 n° 2 p. 90

Éditions savantes : Faugère II, 263, XXXII / Havet XX.1 ; XX.13 ; XXV.158 ; XV.15 / Brunschvicg 578 / Tourneur p. 252-4 / Le Guern 221 / Lafuma 236 / Sellier 268

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XVIII - Dessein de Dieu de se cacher aux uns, et de se découvrir aux autres : 1669 et janvier 1670 p. 138, 143-144  / 1678 n° 2 p. 136-137, n° 17 et 18 p. 142

        

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

 

 

2.  [Fondement 19 - Sel. 274]

 

Il y a assez de clarté pour éclairer les élus, et assez d’obscurité pour les humilier.

Il y a assez d’obscurité pour aveugler les réprouvés, et assez de clarté pour les condamner et les rendre inexcusables.

 

17.  La Généalogie de Jésus-Christ dans l’ancien Testament est mêlée parmi tant d’autres inutiles qu’on ne peut presque la discerner. Si Moïse n’eût tenu registre que des ancêtres de Jésus-Christ, cela eût été trop visible. Mais après tout, qui regarde de près, voit celle de Jésus-Christ bien discernée par Thamar, Ruth, etc.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

18.  Les faiblesses les plus apparentes sont des forces à ceux qui prennent bien les choses. Par exemple, les deux Généalogies de S. Matthieu, et de 2 S. Luc ; il est visible que cela n’a pas été fait de concert.

 

 

Aveugler, éclaircir.

 

Saint Augustin, Montaigne, Sebonde.

Il y a assez de clarté pour éclairer les élus et assez d’obscurité pour les humilier.

Il y a assez d’obscurité pour aveugler les réprouvés et assez de clarté pour les condamner et les rendre inexcusables.

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La généalogie de Jésus‑Christ dans l’Ancien Testament est mêlée parmi tant d’autres inutiles, qu’elle ne peut être discernée. Si Moïse n’eût tenu registre que des ancêtres de Jésus‑Christ, cela eût été trop visible. S’il n’eût pas marqué celle de Jésus‑Christ, cela n’eût pas été assez visible. 3 Mais après tout, qui y regarde de près voit celle de Jésus‑Christ bien discernée par Thamar, Ruth, etc.

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Ceux qui ordonnaient ces sacrifices en savaient l’inutilité et ceux qui en ont déclaré l’inutilité n’ont pas laissé de les pratiquer.

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Si Dieu n’eût permis qu’une seule religion, elle eût été trop reconnaissable. Mais qu’on y regarde de près, on discerne bien la vraie dans cette confusion.

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[...] (voir ci-dessous)

Ainsi toutes les faiblesses très apparentes sont des forces. Par exemple, les deux généalogies de saint Matthieu et saint Luc. Qu’y a‑t‑il de plus clair que cela n’a pas été fait de concert ?

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 Le même ajout a eu lieu dans la Copie C1 (pas dans C2).

3 Texte omis dans les Copies C1 et C2.

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XI - Moïse : 1669 et janvier 1670 p. 90-91  / 1678 n° 2 p. 90

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

 Moïse était habile homme. Cela est clair. Donc s’il eût eu dessein de tromper, il l’eût fait en sorte qu’on ne l’eût pu convaincre de tromperie. Il a fait tout le contraire ; car s’il eût débité des fables, il n’y eût point eu de Juif qui n’en eût pu reconnaître l’imposture.

 

[Preuves de Moïse 3 - Laf. 292, Sel. 324]

 

 

Principe : Moïse était habile homme. Si donc il se gouvernait par son esprit, il ne devait rien mettre qui fut directement contre l’esprit.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

 

Commentaire

 

L’argument de Pascal est considérablement faussé par l’édition de Port-Royal. Pascal ne pense nullement que Moïse ait pu avoir l’intention de tromper ; il veut éviter l’objection que peut-être Moïse n’était pas capable de conserver dans sa pensée et dans ses écrits la cohérence nécessaire pour que son texte ait un sens unique et univoque. Cette condition est en effet essentielle pour que les prophéties puissent ne pas être considérées comme de pures imaginations, indignes d’être interprétées en un autre sens que le littéral. Soit par un contresens, soit volontairement, les éditeurs changent le sens du fragment : l’idée que Moïse ait pu vouloir mentir leur vient sans doute de certaines objections formulées dans les milieux libertins, qui voyaient en Moïse l’un des « trois imposteurs » théocratiques de l’Histoire (Mahomet et le Christ étant les deux autres). Ils ajoutent à l’appui un argument fréquemment utilisé dans le cadre des polémiques religieuses, que Moïse était assez connu de ses contemporains pour qu’ils soient capables de voir éventuellement qu’il leur contait des sornettes. Le même argument a servi dans la Logique de Port-Royal, par exemple, pour confirmer les miracles dont saint Augustin a témoigné : l’évêque d’Hippone n’aurait pas osé, soutiennent les auteurs, annoncer de faux miracles, alors que tous ses concitoyens auraient pu s’apercevoir qu’il les inventait. Le principe qui fonde la méthode d’exégèse biblique de Pascal, se trouve ainsi transformé en un argument apologétique ordinaire sans rapport avec les figuratifs.