Dossier thématique : La maxime

 

Du latin maxima sententia.

Aristote, Rhétorique, II, éd. Budé, p. 106. La maxime est une formule exprimant non les particuliers, mais le général ; et non toute espèce de généralité, comme que la ligne droite diffère de la courbe, mais celles qui ont pour objet des actions et qui peuvent être choisies et évitées en ce qui concerne l’action. Voir p. 109 : quand faut-il utiliser la maxime ? Jouer la maxime contre un lieu commun.

Dictionnaire de l’Académie : « Proposition générale qui sert de principe, de fondement, de règle en quelques Arts ou Sciences. Maxime générale [...] Les maximes de la morale. [...] Les maximes de la politique. Maximes d’État. C’est une maxime reçue parmi les Théologiens, parmi les casuistes. »

Beugnot Bernard, “La sentence : problématique pour une étude”, in Pierre Corneille (Actes du colloque de Rouen), Paris, Presses Universitaires de France, 1986, p. 569-580. Voir p. 575.

La maxime est proche du principe, dans la mesure où l’on prend pour maxime de..., ou que... On doit distinguer

1. au sens théorique, la maxime que..., comme principe de pensée, dans les sciences ; les maximes sont les proverbes des honnêtes gens (Bouhours)

2. au sens pratique, la maxime de..., comme principe d’action, qui vaut dans les arts, comme la maxime de Condé : « Dans les grandes actions, il faut uniquement penser à bien faire », ou les maximes de Descartes, Discours de la Méthode, III, pour la morale provisoire (édition Alquié I, p. 592 sq.).

 

La maxime comme principe théorique

 

Le mot maxime a un sens particulier dans les mathématiques. Voir Hérigone Pierre, Cursus mathematicus, Euclidis Elem., I, qui assimile maxime et axiome, et souligne le caractère spécifique d’évidence de la maxime. Hérigone traduit Euclide : “communes notiones sive axiomata, quae et pronunciata dici solent”, c’est-à-dire : « communes notions ou sentences, qui s’appellent aussi maximes ».

Pascal emploie le mot de maxime dans les Expériences nouvelles touchant le vide, OC II, éd. J. Mesnard, p. 507-508, pour désigner les propositions de fait auxquelles il estime avoir abouti au terme de ses expérimentations, et qu’il affirme du vide absolu après les avoir prouvées du « vide apparent ».

Mersenne Marin, Harmonie universelle, Traité des consonances, Livre IV, De la composition de Musique, Proposition XX, Expliquer les figures et la valeur des notes, et des autres caractères de la musique, dont on use dans toute l’Europe, pour composer et pour chanter, éd. C.N.R.S., t. 2, p. 255 sq. Sens du mot maxime en musique.

 

La maxime comme principe d’action pratique

 

La maxime peut désigner un principe d’action, c’est-à-dire une règle à laquelle on se tient dans l’existence. Voir, Montandon Alain, Les formes brèves, p. 31 sq. Maxime, ou maxima sentientia est à l’origine un concept juridique : axiome de droit envers lequel aucune objection n’est possible. La Bruyère écrit que les maximes « sont comme des lois dans la morale » (Préface des Caractères, éd. Garapon, Garnier, p. 64).

C’est en général ce type de maxime que l’on rencontre au théâtre, et qui a fait l’objet de débats entre les théoriciens de l’art dramatique. Voir Scherer Jacques, La dramaturgie classique en France, Nizet, Paris, 1973, p. 324. Définition de D’Aubignac : « propositions générales qui renferment des vérités communes, et qui ne tiennent à l’action théâtrale que par application et par conséquence ». Une condition limitative est que, si un mot se rapporte directement à l’action, on n’a pas affaire à une maxime.

 

Les formes de la maxime

 

Sur les différentes formes que peut prendre la maxime : Montandon Alain, Les formes brèves, p. 45 sq.

Caractéristiques grammaticales des maximes : voir Scherer Jacques, La dramaturgie classique en France, p. 326-327. La maxime est contenue dans une phrase complète comprenant un sens complet. Aucune conjonction, aucun adverbe ne rattache la vraie sentence à son contexte. Les noms contenus dans une véritable sentence ont une portée générale et ne se réfèrent ni à des personnages, ni à des situations de la pièce. Le sujet et le complément de la phrase, s’ils sont des pronoms, doivent avoir une portée générale. Le verbe de la proposition est au présent.

Voir Théâtre du XVIIe siècle, Pléiade, I, p. 1152, sur la présentation typographique de cet ornement ; les pièces de Montchrestien et de Hardy signalent par des guillemets les passages de nature gnomique, afin d’attirer l’attention sur des vers dignes d’être notés dans un cahier de lieux communs, d’être des remarques. La maxime cesse d’être mise entre guillemets à mesure que prédomine la conscience que le théâtre est fait pour être joué : voir Scherer Jacques, La dramaturgie classique en France, p. 321.

 

Rhétorique de la maxime comme forme brève

 

Rhoukomovsky Bernard et Bergez Daniel, Lire les formes brèves, Paris, Colin, 2005.

Problèmes posés par l’intégration de la maxime dans le discours : Scherer Jacques, Le théâtre de Corneille, Nizet, Paris, 1984, p. 318. La maxime ne doit pas être placée au milieu d’une expression vive ; incompatibilité du mouvement de la passion et de la modération nécessaire pour prononcer les maximes.

Susini Laurent, L’écriture de Pascal. La lumière et le feu. La « vraie éloquence » à l’œuvre dans les Pensées, Paris, Champion, 2008, p. 611 sq. Rhétorique de la sentence.

 

Signification de la maxime

 

Sur l’émotion esthétique qu’apporte la maxime : voir Beugnot Bernard, “La sentence : problématique pour une étude”, p. 575. Voir aussi Fumaroli Marc, L’Âge de l’éloquence, p. 340 sq. Gravité, simplicité naturelle ; embellissement et élégance présence des pointes ; rhétorique adaptée au monde.

Pour la maxime au théâtre, voir Scherer Jacques, La dramaturgie classique en France, p. 316-317 : goût du public pour les sentences : la gravité des sentences retentit dans l’âme du spectateur, particulièrement lorsque les maximes sont prononcées avec une emphase particulière : p. 316-317.

Contrairement à ce qui a pu être écrit, la maxime n’est pas une forme brève d’esprit dogmatique. Voir Beugnot Bernard, “La sentence : problématique pour une étude”, p. 576. Affirmation sur le mode péremptoire d’une nouvelle doxa ; renvoi à La Rochefoucauld, pour qui la valeur de la maxime vient de son opposition, et non de sa conformité. Elle peut se développer en disputatio ou en controversia : p. 576. Genre de fécondité à jeter dans les esprits : p. 577. Elle peut donner lieu à des jeux de société : voir Adam Antoine, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, IV, p. 85 sq.