Copie d’un fragment du Recueil RC2 –  RC2 p. 611

Copies du XVIIIe s. : premier Recueil Guerrier p. 771-772 (Petit écrit de M. Pascal touchant l’obligation

de défendre la vérité), copie de l’oratoire de Troyes p. 53-54

Éditions modernes : Faugère I, 278, XLII / Brunschvicg 949 / Lafuma 974 / Le Guern 755 / Sellier 771

 

 

 

Comme la paix dans les États n’a pour objet que de conserver les biens des peuples en assurance, de même la paix dans l’Église n’a pour objet que de conserver en assurance la vérité qui est son bien, et le trésor où est son cœur. Et comme ce serait aller contre la fin de la paix que de laisser entrer les étrangers dans un État pour le piller, sans s’y opposer, de crainte d’en troubler le repos parce que la paix n’étant juste et utile que pour la sûreté du bien elle devient injuste et pernicieuse, quand elle le laisse perdre, et la guerre qui le peut défendre devient et juste et nécessaire, de même dans l’Église quand la vérité est offensée par les ennemis de la foi, quand on veut l’arracher du cœur des fidèles pour y faire régner l’erreur, de demeurer en paix alors serait‑ce servir l’Église, ou la trahir ? serait-ce la défendre ou la ruiner ? et n’est‑il pas visible que, comme c’est un crime de troubler la paix où la vérité règne, c’est aussi un crime de demeurer en paix quand on détruit la vérité ? Il y a donc un temps où la paix est juste et un autre où elle est injuste. Il est écrit qu’il y a temps de paix et temps de guerre, et c’est l’intérêt de la vérité qui les discerne. Mais il n’y a pas temps de vérité, et temps d’erreur, et il est écrit, au contraire, que la vérité de Dieu demeure éternellement. Et c’est pourquoi Jésus‑Christ qui dit qu’il est venu apporter la paix, dit aussi qu’il est venu apporter la guerre ; mais il ne dit pas qu’il est venu apporter et la vérité et le mensonge.

La vérité est donc la première règle et la dernière fin des choses.

 

 

Intéressant texte qui, pour expliquer le rôle funeste que jouent les jésuites et les casuistes dans l’Église, s’appuie sur la conception proprement politique de la guerre et de la paix. Il peut être mis en rapport avec les Écrits des curés de Paris, mais on ignore à quel usage précis Pascal le destinait.

 

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Fragments connexes

 

Prophéties VIII (Laf. 502, Sel. 738). Or la dernière fin est ce qui donne le nom aux choses ; tout ce qui nous empêche d’y arriver est appelé ennemi. Ainsi les créatures, quoique bonnes, seront ennemies des justes quand elles les détournent de Dieu, et Dieu même est l’ennemi de ceux dont il trouble la convoitise.

Ainsi le mot d’ennemi dépendant de la dernière fin, les justes entendaient par là leurs passions et les charnels entendaient les Babyloniens, et ainsi ces termes n’étaient obscurs que pour les injustes.

Pensées diverses (Laf. 599, Sel. 496). Rien ne donne l’assurance que la vérité ; rien ne donne le repos que la recherche sincère de la vérité.