Introduction

 

Que propose le site ?

 

Ce site s’adresse à la fois au grand public, aux étudiants, aux enseignants et chercheurs. Il présente l’édition électronique des Pensées de Blaise Pascal d’une manière qui leur permet d’approfondir à volonté leur connaissance de cet ouvrage, de la découverte du texte jusqu’à l’étude des secrets de l’invention littéraire de son auteur. Cette édition d’un genre nouveau propose à la fois le texte tel qu’il apparaît dans les éditions classiques, texte modernisé et accompagné de commentaires nécessaires, et toutes les étapes 1 qui y conduisent, du Recueil des originaux des Pensées de Pascal, et des Copies manuscrites qui en ont été établies peu de temps après la mort de Pascal, entre 1662 et 1666, puis des éditions établies par Port-Royal jusqu’aux principales éditions savantes majeures. Elle propose aussi au chercheur les manuscrits originaux accompagnés d’une analyse qui tient compte de l’état des connaissances actuelles sur le texte, les papiers et les écritures qui apparaissent sur le manuscrit et les copies. Une initiation à la lecture de l’écriture de Pascal permet d’approfondir par soi-même la connaissance des documents originaux. Elle fournit enfin un état des dernières recherches effectuées sur la reconstitution des feuillets originels, avant les opérations de découpage qui ont affecté le manuscrit. Des commentaires historiques, littéraires, philosophiques et scientifiques permettent au lecteur d’entrer dans la compréhension et l’interprétation des textes. Les niveaux de ces commentaires sont différenciés de manière à s’adresser aussi bien aux lecteurs qui abordent les Pensées pour la première fois, et aux chercheurs qui ont déjà fréquenté les textes. Leur structure est conçue pour permettre à chacun d’avancer à son rythme dans la compréhension de la pensée et de l’art de Pascal.

 

1 Trois phases de transcription des textes : 1. transcription - à l’identique - des papiers originaux (dite diplomatique) ; 2. transcription dite savante (rendue plus lisible mais qui conserve les graphies d’époque et compare les éditions savantes majeures) ; 3. transcription moderne qui tient compte des deux transcriptions précédentes et de l’interprétation du texte (choix de la transcription des mots et d’une présentation adéquate - mise en paragraphe, ponctuation, traits de séparation, etc.)

 

À l’origine des Pensées de Pascal 

 

Les Pensées de Pascal sont un des rares textes du XVIIe siècle dont nous possédions les manuscrits originaux. Cela tient au fait que l’œuvre est demeurée inachevée en raison de la mort prématurée de son auteur. Dans les années qui ont suivi la polémique des Provinciales et le concours sur la roulette, Pascal se proposait d’écrire un ouvrage destiné à exposer les raisons de croire à la révélation apportée par la religion chrétienne, mais il n’a laissé à sa disparition que des manuscrits préparatoires (qui auraient été détruits s’il avait vécu assez longtemps pour faire imprimer son ouvrage achevé). C’est sa famille et ses amis de Port-Royal qui ont décidé de publier, au moins partiellement, et avec d’importantes corrections, les textes qu’ils ont découverts. Conscients de la nécessité de préserver non seulement les textes eux-mêmes, mais la trace de l’état dans lesquels ils avaient été retrouvés, ils en ont fait établir des Copies. Un comité a été constitué en vue d’en élaborer l’édition imprimée, qui a vu le jour en janvier 1670, édition qui a rencontré un tel succès qu’elle a connu de nombreuses rééditions, corrigées et augmentées. Cette édition, ordinairement désignée par l’expression édition de Port-Royal, a fait autorité, malgré ses imperfections, jusqu’au XIXe siècle, époque à laquelle les éditeurs ont pris l’habitude de revenir aux manuscrits originaux, ouvrant une nouvelle période dans l’histoire des Pensées. Au terme d’une histoire complexe, le recueil des papiers originaux et certaines copies qui en ont été tirées nous sont parvenues. Les Pensées de Pascal sont par conséquent l’un des seuls textes majeurs du XVIIe siècle qui nous laisse apercevoir sur le vif le travail de création de son auteur.

 

Méthode de travail de Pascal

La méthode de travail de Pascal écrivain a fait l’objet d’études de plus en plus précises depuis le XIXe siècle.

Pascal utilisait de grandes feuilles de papier qu’il coupait d’abord par le milieu en deux feuillets. Parfois il coupait à nouveau ces feuillets en deux, parfois même en quatre parties, qu’il utilisait ensuite verticalement ou horizontalement. Parfois, lorsque le texte inscrit au recto d’un papier lui était devenu inutile, il en utilisait le verso, ce qui a permis de conserver certains textes, souvent mutilés et barrés, vestiges d’une étape de la rédaction plus ancienne que celle du recto. Comme cela se faisait fréquemment à Port-Royal, il signait souvent ces papiers d’une croix.

Pascal utilisait une encre de couleur violette qui pouvait tendre vers le marron clair. Il lui arrivait aussi de rédiger une première esquisse au crayon avant de la réécrire à la plume.

Comme le lecteur pourra le constater sur les photographies des originaux, Pascal demandait parfois l’aide d’un secrétaire ou d’un copiste, soit qu’il se sentît trop faible pour écrire, soit qu’il eût besoin de mettre ses notes au propre (15 % des papiers conservés ne sont pas autographes).

La technique de rédaction de Pascal était à la fois méthodique et progressive. Elle nous est connue non seulement par le manuscrit des Pensées, mais par les copies prises sur d’autres écrits, notamment les Écrits sur la grâce, qui ont conservé trace des étapes successives de la composition (voir sur ce point l’édition des Œuvres complètes de Pascal par Jean Mesnard, t. III). Il commençait par prendre des notes très courtes, composées d’une ou plusieurs phrases, parfois seulement de quelques mots, séparées en général les unes des autres par un trait. Il laissait parfois de la place sur le feuillet en vue d’y inscrire des compléments ou un développement ultérieur.

À partir de ces ébauches, il rédigeait des textes plus développés, soit pour amplifier un point particulier, soit pour construire un mouvement d’argumentation tout entier, pouvant aller jusqu’à plusieurs pages. Dans ce cas, il se réservait de grandes marges à gauche et à droite des feuillets pour y ajouter des corrections ou des compléments. On sait par les Écrits sur la grâce qu’il composait de cette manière plusieurs versions successives des mêmes textes, et par les Provinciales qu’il pouvait aller jusqu’à cinq ou six étapes successives dans la rédaction, avant de parvenir à un état satisfaisant du texte. Lorsqu’il rédigeait un nouveau texte, Pascal barrait les notes qu’il avait utilisées d’un ou de plusieurs traits verticaux, ou jetait tout simplement le papier. Il est bien sûr impossible de savoir combien de papiers ont été ainsi supprimés, probablement au moins 30 % si on considère la difficulté actuelle de reconstituer les feuillets originels.

Dans le même mouvement, Pascal a entrepris d’ordonner ses papiers, d’une part en vue d’étoffer et d’amplifier les rédactions déjà entreprises, d’autre part pour préparer la composition de nouveaux ensembles. À cet effet, il a dû découper la plupart des feuillets qu’il avait employés, pour en détacher les notes qu’il regroupait selon des critères que les commentateurs ont mis longtemps à comprendre et à reconstituer.

Les éléments utilisables en vue de la réalisation des versions définitives étaient réunis dans des dossiers correspondant chacun à un champ de travail, c’est-à-dire à un domaine, à un thème ou à une articulation majeure de son argumentation (Misère, Grandeur, Raisons des effets, Conclusion, argument du pari par exemple). Certains de ces ensembles étaient organisés en liasses dans lesquelles les papiers étaient attachés les uns entre eux à l’aide d’une sorte de lacet passant par un trou. Quoi qu’il en soit, ces dossiers ont été travaillés chacun à part, de sorte que leur degré d’avancement est très inégal.

Leur succession au sein d’un plan d’ensemble a fait, de la part de Pascal, l’objet d’une réflexion suivie : on considère qu’il a fixé l’essentiel de son plan entre 1658 et 1660. Mais chez lui, les textes définitifs portent toujours la marque de cette genèse : que ce soient les traités de mathématique et de physique, les Écrits sur la grâce ou les Provinciales, ils prennent tous la forme d’écrits relativements brefs, construits autour d’un secteur ou d’une question précis, et reliés les uns aux autres par des liens souples et variés.

 

Que sont devenus les papiers de Pascal après sa mort ?

« La première chose que l’on fit fut de les faire copier tels qu’ils étaient et dans la même confusion qu’on les avait trouvés », écrit  le neveu de Pascal, Étienne Périer (1642-1680), dans la Préface de l’édition de Port-Royal.

Pour garder une trace de l’état dans lesquels ces papiers avaient été découverts, la famille fit procéder à la réalisation de plusieurs copies. Il est presque certain qu’il exista une copie primitive, plus ancienne que celles qui nous restent, peut-être la première, qui a aujourd’hui disparu : elle était sans doute rendue nécessaire pour effectuer la transcription de l’écriture difficilement lisible de Pascal. Il y eut même très probablement une copie tirée de la précédente (notée C0), servant à la mise au net, mais qui a disparu aussi. Seules nous sont parvenues deux Copies (notées C1 et C2), réalisées à partir de C0 (voir le parcours des manuscrits). La Copie C1 a été utilisée comme document de travail par le Comité qui réalisa l’édition de 1670.

Les papiers originaux ont été conservés par la famille à Bien-Assis, résidence de Gilberte Périer, sœur de Pascal. Quelques papiers ont disparu au cours des âges, peut-être donnés à des amis en souvenir de leur auteur. À la mort de Gilberte (1687), l’ensemble a été confié à un de ses fils, Louis Périer (1651-1713), chanoine de la cathédrale de Clermont-Ferrand. Les papiers ont été collés dans un Recueil avec d’autres papiers autographes. C’est ce Recueil qui a été donné à la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Germain-des-prés, puis conservé à la Bibliothèque Royale, devenue Bibliothèque Nationale de France.

Plusieurs copies partielles ont été réalisées au cours des temps. La plus complète est celle de Louis Périer, dont nous ne connaissons aujourd’hui qu’une copie seconde (dite copie Périer), retrouvée et conservée par un collectionneur privé. Pierre Guerrier, cousin des Périer et prêtre à l’Oratoire de Clermont, a aussi réalisé des Recueils (dont le recueil appelé RC2 qui contient la Copie C2) qui nous sont parvenus. Plusieurs copies et « pensées » isolées ont ensuite été découvertes : la plus récente est le manuscrit Joly de Fleury, dont les « pensées » ont été publiées en 1662 par Jean Mesnard.

 

Juin 2011

Les auteurs

 

Parcours des manuscrits des Pensées

 

 

 

 

 

Chronologie

 

 

1623

Naissance de Blaise Pascal à Clermont-Ferrand (19 juin).

 

 

1646

Conversion des Pascal. Début des recherches de Blaise sur le vide.

1651

Rédaction de la « Préface » au Traité du vide. 24 septembre : mort d’Étienne Pascal. Lettre sur la mort de son père (17 octobre).

1652

4 janvier : entrée de Jacqueline Pascal à Port-Royal, où elle prend l’habit le 26 mai.

1653

Bulle Cum occasione dupape Innocent XI contre les propositions attribuées à Jansénius. Pascal renoue avec le duc de Roannez et se lie avec le chevalier de Méré. Début du dégoût du monde chez Pascal.

1654

23 novembre : nuit du Mémorial.

1655

Retraite à Port-Royal des Champs ; rencontres avec M. de Sacy. Rédaction de l’Abrégé de la vie de Jésus-Christ et de l’Esprit géométrique. Pascal commence à rédiger les Écrits sur la grâce.

1656

Début de la campagne des Provinciales. 24 mars : miracle de la Sainte-Épine. Lettres à Mlle de Roannez.

1657

Bulle Ad sacram contre Jansénius. Fin de la campagne des Provinciales. Campagne des curés de Paris contre l’Apologie pour les casuistes du P. Pirot.

1658

Écrit sur la conversion du pécheur. Pascal fait à Port-Royal une conférence sur son projet d’Apologie de la religion chrétienne. Selon certains historiens, c’est en 1658 que Pascal établit les 27 dossiers de son projet apologétique (1660 serait plus probable).

1659

Grave maladie de Pascal. Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies.

1660

Séjour à Clermont-Ferrand. Revenu à Paris, Pascal met au point les grandes lignes de son apologie en répartissant des fragments rédigés en 27 dossiers titrés.

1662

Fin juin : rechute de Pascal dans la maladie.

19 août : mort de Pascal. Enterrement le 21 août à Saint-Étienne du Mont. Rédaction de la Vie de Pascal par Gilberte.

1666

27 décembre : privilège accordé à Florin Périer pour publier les Pensées

1668

Paix de l’Église qui durera jusqu’en 1679.

1670

Publication de la première édition des Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques sujets, qui ont été trouvées après sa mort parmi ses papiers (1er janvier). Préface d’Étienne Périer, neveu de Pascal.

1678

Publication d’une nouvelle édition des Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques sujets, qui ont été trouvées après sa mort parmi ses papiers. Nouvelle édition augmentée de plusieurs pensées du même auteur.

 

 

Bibliographie générale

 

Le lecteur, qui voudrait acquérir des informations de base nécessaires pour la lecture des Pensées, peut commencer par lire les ouvrages suivants :

 

MESNARD Jean, Pascal, coll. Connaissance des Lettres, 5e édition, Hatier, Paris, 1967.

MESNARD Jean, Pascal, coll. "Les Écrivains devant Dieu", Desclée de Brouwer, Paris, 1965.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e édition, S.E.D.E.S., 1993.

LAFUMA Louis, Histoire des Pensées de Pascal (1656-1952), Luxembourg, Paris, 1954.

 

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