Dossier de travail - Fragment n° 25 / 35  – Papier original : RO 481-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 22 p. 195 v° / C2 : p. 8

Éditions savantes : Faugère II, 93, VIII / Havet I.9 bis / Brunschvicg 465 / Tourneur p. 304-5 / Le Guern 386 / Lafuma 407 / Sellier 26

 

 

 

Les stoïques disent : « Rentrez au-dedans de vous-même, c’est là où vous trouverez votre repos. » Et cela n’est pas vrai.

Les autres disent : « Sortez dehors et cherchez le bonheur en un divertissement. » Et cela n’est pas vrai, les maladies viennent.

Le bonheur n’est ni hors de nous ni dans nous. Il est en Dieu et hors et dans nous.

 

 

Ce fragment établit une relation entre les liasses Divertissement et Philosophes, et Morale chrétienne. La première montre comment les hommes se jettent à la poursuite d’objets extérieurs pour éviter de penser à eux-mêmes.

Divertissement montrait que cette réaction avait des motifs bien réels, et que le conseil que certains demi-habiles donnent aux hommes de demeurer en repos dans leur chambre marquait une incompréhension profonde de leur nature. Le divertissement, qui « jette » les hommes « au dehors », naît d’une disposition profondément enracinée dans le cœur.

Suivant le fragment Philosophes 5 (Laf. 143, Sel. 176), le conseil que donnent les philosophes, particulièrement les stoïciens, de rentrer en soi-même pour y trouver son bien, marque une incompréhension profonde de la nature humaine. Car ce n’est pas en soi-même que l’homme peut trouver le repos. Mais on aurait tort de croire que le bonheur se trouve dans le divertissement, puisque celui-ci ne sert qu’à oublier la condition de l’homme, jusqu’au comble de la misère qu’est la mort.

Que l’on conseille à l’homme de chercher en soi ou hors de soi, on l’engage dans une mauvaise voie. Il semble donc que Pascal le réduise à une impasse désespérante.

Ce n’est en réalité pas le cas : à une option unilatérale, il oppose l’affirmation paradoxale des deux contraires : le bonheur et hors et dans nous, ce qui n’est concevable qu’en Dieu. La solution proposée par Pascal s’exprime dans la synthèse que propose le présent fragment : Le bonheur n’est ni hors de nous ni dans nous. Il est en Dieu et hors et dans nous. Ou, selon le fragment Laf. 564, Sel. 471 : Le royaume de Dieu est en nous. Le bien universel est en nous, est nous-même et n’est pas nous.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Philosophes 5 (Laf. 143, Sel. 176). Philosophes.

Nous sommes pleins de choses qui nous jettent au-dehors.

Notre instinct nous fait sentir qu’il faut chercher notre bonheur hors de nous. Nos passions nous poussent au-dehors, quand même les objets ne s’offriraient pas pour les exciter. Les objets du dehors nous tentent d’eux-mêmes et nous appellent quand même nous n’y pensons pas. Et ainsi les philosophes ont beau dire : rentrez-vous en vous-mêmes, vous y trouverez votre bien ; on ne les croit pas et ceux qui les croient sont les plus vides et les plus sots.

Pensées diverses (Laf. 564, Sel. 471). La vraie et unique vertu est donc de se haïr, car on est haïssable par sa concupiscence, et de chercher un être véritablement aimable pour l’aimer. Mais comme nous ne pouvons aimer ce qui est hors de nous, il faut aimer un être qui soit en nous, et qui ne soit pas nous. Et cela est vrai d’un chacun de tous les hommes. Or il n’y a que l’être universel qui soit tel. Le royaume de Dieu est en nous. Le bien universel est en nous, est nous-même et n’est pas nous.

 

Mots-clés : Bonheur – Dedans – Dehors – DieuDivertissementMaladieRepos – Stoïcisme.