Pensées diverses VII – Fragment n° 7 / 10 – Papier original : RO 39-9

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 183 p. 419 v° / C2 : p. 395

Éditions savantes : Faugère II, 403 / Brunschvicg 193 / Tourneur p. 133-2 / Le Guern 666 / Lafuma 810 (série XXIX) / Sellier 657

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Bibliographie

 

 

LANCEL Serge, Saint Augustin, Paris, Fayard, 1999.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

 

 

 

Éclaircissements

 

Quid fiet hominibus qui minima contemnunt majora non credunt ?

 

Contrairement à la supposition de Lafuma, qui croit que ce texte est probablement de Pascal, Ph. Sellier a donné la bonne référence :

Saint Augustin, Epistola 137 ad Volusianum, IV, 14. « Quid ergo fiat hominibus, qui minima contemnunt, majora non credunt ? » Tr. : « Que faire donc avec des hommes qui dédaignent des miracles moindres et refusent leur foi à de plus grands ? » Le texte original est fiat, que Pascal transcrit fiet.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 615, rétablit le contexte. Les incrédules ont tort de limiter les virtualités de la nature, et les athées de railler les miracles du Christ, entre autres la naissance miraculeuse du Christ, sa résurrection et son ascension. Saint Augustin argumente comme suit : « Naître homme du sein d’une vierge, ressusciter d’entre les morts, pour une vie éternelle, être élevé au-dessus des cieux, tout cela est peut-être une œuvre marquant plus de puissance que la création du monde. Mais ils répondent peut-être alors qu’ils ne croient pas à ces événements. Que faut-il donc faire avec des hommes qui méprisent les choses minimes, et qui ne croient pas aux plus grandes ? ». Rufus Antonius Volusianus est un païen, haut dignitaire de l’empire romain, qui fut un correspondant de saint Augustin. Il se convertit à la fin de sa vie. Sur les échanges de Rufius Antonius Agrypnius Volusianus avec saint Augustin, voir Lancel Serge, Saint Augustin, p. 443-449.

L’attitude de mépris et de négligence dénoncée dans ce passage peut être comparée à celle de l’incrédule paresseux du fragment Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Il faudrait pour la combattre qu’ils criassent qu’ils ont fait tous leurs efforts pour chercher partout et même dans ce que l’Église propose pour s’en instruire, mais sans aucune satisfaction. S’ils parlaient de la sorte, ils combattraient à la vérité une de ces prétentions. Mais j’espère montrer ici qu’il n’y a personne raisonnable qui puisse parler de la sorte et j’ose même dire que jamais personne ne l’a fait. On sait assez de quelle manière agissent ceux qui sont dans cet esprit. Ils croient avoir fait de grands efforts pour s’instruire, lorsqu’ils ont employé quelques heures à la lecture de quelque livre de l’Écriture, et qu’ils ont interrogé quelque ecclésiastique sur les vérités de la foi. Après cela, ils se vantent d’avoir cherché sans succès dans les livres et parmi les hommes. Mais en vérité je leur dirais ce que j’ai dit souvent, que cette négligence n’est pas supportable. Il ne s’agit pas ici de l’intérêt léger de quelque personne étrangère, pour en user de cette façon. Il s’agit de nous-mêmes et de notre tout.

L’immortalité de l’âme est une chose qui nous importe si fort, qui nous touche si profondément, qu’il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l’indifférence de savoir ce qui en est. Toutes nos actions et nos pensées doivent prendre des routes si différentes, selon qu’il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu’il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement qu’en la réglant par la vue de ce point qui doit être notre dernier objet.

Ainsi notre premier intérêt et notre premier devoir est de nous éclaircir sur ce sujet d’où dépend toute notre conduite. Et c’est pourquoi, entre ceux qui n’en sont pas persuadés, je fais une extrême différence de ceux qui travaillent de toutes leurs forces à s’en instruire, à ceux qui vivent sans s’en mettre en peine et sans y penser.

La citation de saint Augustin prend le contrepied de la maxime de Pascal dans la pensée n° 19T recto (Laf. 919, Sel. 751). Faire les petites choses comme grandes à cause de la majesté de Jésus-Christ qui les fait en nous et qui vit notre vie, et les grandes comme petites et aisées à cause de sa toute puissance.

Sans doute faute de mieux, Lafuma renvoie à Matthieu, XXIII, 9. « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, et qui avez abandonné ce qu’il y a de plus important dans la loi, savoir la justice, la miséricorde et la foi. C’était là les choses qu’il fallait pratiquer, sans néanmoins omettre les autres ». Mais le rapport est lointain.