Miracles II  – Fragment n° 4 / 15 – Papier original : RO 471 (feuille complète)

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 192 p. 441 v° à 443 v° / C2 : p. 239 à 241

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVII - Pensées sur les miracles : 1669 et janv. 1670 p. 228-229 et p. 222-223 / 1678 n° 10 p. 221-222 et n° 5 p. 216

Éditions savantes : Faugère II, 219, XI / Havet XXIII.31, 17 ; XXV.147 ; XXIII. 6 / Brunschvicg 843 / Tourneur p. 142 / Le Guern 684 / Lafuma 840 (série XXXIII, notée XXXII par erreur) / Sellier 425

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XXVII - Pensées sur les miracles : 1669 et janv. 1670 p. 228-229 et p. 222-223 / 1678 n° 10 p. 221-222 et n° 5 p. 216

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

10.  Jésus-Christ guérit l’aveugle-né, et fit quantité de miracles au jour du sabbat. Par où il aveuglait les Pharisiens, qui disaient, qu’il fallait juger des miracles par la doctrine.

Mais par la même règle qu’on devait croire Jésus-Christ, on ne devra point croire l’Antéchrist.

Jésus-Christ ne parlait ni contre Dieu, ni contre Moïse. L’Antéchrist et les faux Prophètes prédits par l’un et l’autre Testament parleront ouvertement contre Dieu et contre Jésus-Christ. Qui serait ennemi couvert, Dieu ne permettrait pas qu’il fît des miracles ouvertement.

 

 

 

 

 

 

5.  [Miracles II - Laf. 846, Sel. 429] 2

Il s’ensuit donc, qu’il jugeait que ses miracles étaient des preuves certaines de ce qu’il enseignait, et que les Juifs avaient obligation de le croire. Et en effet c’est particulièrement les miracles qui rendaient les Juifs coupables dans leur incrédulité. Car les preuves qu’on eût pu tirer de l’Écriture pendant la vie de Jésus-Christ 3 n’auraient pas été démonstratives. On y voit par exemple que Moïse a dit, qu’un Prophète viendrait ; mais cela n’aurait pas prouvé que Jésus-Christ fût ce Prophète, et c’était toute la question. Ces passages faisaient voir qu’il pouvait être le Messie, et cela avec ses miracles devait déterminer à croire qu’il l’était effectivement. 4

 

 

Ce n’est point ici le pays de la vérité. Elle erre inconnue parmi les hommes. Dieu l’a couverte d’un voile qui la laisse méconnaître à ceux qui n’entendent pas sa voix. Le lieu est ouvert au blasphème et même sur des vérités au moins bien apparentes. Si l’on publie les vérités de l’Évangile, on en publie de contraires, et on obscurcit les questions en sorte que le peuple ne peut discerner. Et on demande : Qu’avez‑vous qui vous fasse plutôt croire que les autres ? Quel signe faites‑vous ? Vous n’avez que des paroles et nous aussi. Si vous aviez des miracles, bien. Cela est une vérité que la doctrine doit être soutenue par les miracles dont on abuse pour blasphémer la doctrine. Et si les miracles arrivent, on dit que les miracles ne suffisent pas sans la doctrine, et c’est une autre vérité pour blasphémer les miracles.

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Jésus‑Christ guérit l’aveugle‑né et fit quantité de miracles au jour du sabbat, par où il aveuglait les pharisiens qui disaient qu’il fallait juger des miracles par la doctrine.

Nous avons Moïse, mais celui‑là nous ne savons d’où il est.

C’est ce qui est admirable, que vous ne savez d’où il est, et cependant il fait de tels miracles.

Jésus‑Christ ne parlait ni contre Dieu, ni contre Moïse.

L’Antéchrist et les faux prophètes prédits par l’un et l’autre Testament parleront ouvertement contre Dieu et contre Jésus‑Christ.

Qui n’est point contre, qui serait ennemi couvert, Dieu ne permettrait pas qu’il fît des miracles ouvertement.

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Jamais en une dispute publique où les deux partis se disent à Dieu, à Jésus-Christ, à l’Église, les miracles ne sont du côté des faux chrétiens, et l’autre côté sans miracle.

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Il a le diable. Jeh. 10, 21 : Et les autres disaient : Le diable peut‑il ouvrir les yeux des aveugles ?

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Les preuves que Jésus‑Christ et les apôtres tirent de l’Écriture ne sont pas démonstratives, car ils disent seulement que Moïse a dit qu’un prophète viendrait, mais ils ne prouvent pas par là que ce soit celui‑là, et c’était toute la question. Ces passages ne servent donc qu’à montrer qu’on n’est pas contraire à l’Écriture et qu’il n’y paraît point de répugnance, mais non pas qu’il y ait accord. Or cela suffit : exclusion de répugnance avec miracles.

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 « Les Juifs avaient une doctrine de Dieu, comme nous en avons une de Jésus-Christ, et confirmée par miracles, et défense de croire à tous faiseurs de miracles qui leur enseigneraient une doctrine contraire, et de plus ordre de recourir aux grands prêtres, et de s’en tenir à eux. Et ainsi toutes les raisons que nous avons pour refuser de croire les faiseurs de miracles, il semble qu’ils les avaient à l’égard de Jésus-Christ et des Apôtres.

Cependant il est certain, qu’ils étaient très coupables de refuser de les croire à cause de leurs miracles, puisque Jésus-Christ dit, qu’ils n’eussent pas été coupables, s’ils n’eussent point vu ses miracles ; Si opera non fecissem in eis quæ nemo alius fecit, peccatum non haberent. Si je n’avais fait parmi eux des œuvres que jamais aucun autre n’a faites, ils n’auraient point de péché. [en marge : Joan. 15. 24.] »

3 Coquille dans l’édition de 1678 : « Jésus-Chritst ».

4 Le texte proposé dans l’édition préoriginale de 1669 était très proche de l’original : « Car les preuves que Jésus-Christ et les Apôtres tirent de l’Écriture ne sont pas démonstratives.      Ils disent seulement, que Moïse a dit, qu’un Prophète viendrait ; mais ils ne prouvent pas par là que ce soit celui-là ;      c’était toute la question. Ces passages ne servent donc qu’à montrer qu’on      est pas contraire à l’Écriture, et qu’il n’y paraît point de répugnance, mais non pas qu’il y ait accord. Or cela suffit, exclusion de répugnance avec miracles. » (c’est nous qui soulignons).

 

Commentaire

 

La suppression du paragraphe initial s’explique sans doute par le fait qu’il a dû paraître difficilement compréhensible par un lecteur moyen, ne serait-ce que parce qu’il semble difficile d’identifier les interlocuteurs et le sujet de leur différend. Le contraste entre l’éloquence du début et l’argumentation finale assez technique sur le blasphème des miracles a dû sembler inadapté dans un ouvrage de piété.

Les modifications du dernier paragraphe tendent à transformer la réflexion de Pascal, qui cherche à établir une règle de logique (« exclusion de répugnance avec miracles »), en une explication plus concrète et accessible à un lecteur ordinaire, mais dépourvue de perspective logique.