Preuves par discours II - Fragment n° 3 / 7  – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 34 p. 220 / C2 : p. 431 v°-433

Éditions de Port-Royal :

    Chap. II - Marques de la véritable religion : 1669 et janvier 1670 p. 20-21  / 1678 n° 5 p. 19

    Chap. III - Véritable Religion prouvée par les contrariétés... : 1669 et janvier 1670 p. 32  / 1678 n° 1 p. 35 et n° 15 p. 45

    Chap. XXVIII - Pensées Chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 239  / 1678 n° 1 p. 231

Éditions savantes : Faugère II, 141, III ; II, 369, XXX / Havet XI.4 bis et XII.12 / Michaut 901 et 902 / Brunschvicg 431 et 560 / Le Guern 401 et 402 / Lafuma 430 et 431 (série III) / Sellier 683

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. II - Marques de la véritable religion : 1669 et janvier 1670 p. 20-21  / 1678 n° 5 p. 19

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit (Copies)

 

 Nulle autre Religion que la Chrétienne n’a connu que l’homme est la plus excellente créature, et en même temps la plus misérable. Les uns qui ont bien connu la réalité de son excellence ont pris pour lâcheté et pour ingratitude les sentiments bas que les hommes ont naturellement d’eux-mêmes. Et les autres qui ont bien connu combien cette bassesse est effective ont traité d’une superbe ridicule ces sentiments de grandeur qui sont aussi naturels à l’homme.

 

 

Nul autre n’a connu que l’homme est la plus excellente créature. Les uns, qui ont bien connu la réalité de son excellence, ont pris pour lâcheté et pour ingratitude les sentiments bas que les hommes ont naturellement d’eux‑mêmes ; et les autres, qui ont bien connu combien cette bassesse est effective, ont traité d’une superbe ridicule ces sentiments de grandeur qui sont aussi naturels à l’homme.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

 

Commentaire

 

Le texte original laisse le sujet de la première phrase dans une imprécision neutre. Les éditeurs de 1670 le déterminent nettement : c’est la religion chrétienne qui a bien connu l’excellence de l’homme. L’addition et en même temps la plus misérable introduit dans cette première phrase l’annonce de la dernière.

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. III - Véritable Religion prouvée par les contrariétés qui sont dans l’homme, et par le péché originel : 1669 et janvier 1670 p. 32  / 1678 n° 1 p. 35 et 15 p. 45

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit (Copies)

 

1.  [A P. R. 1 - Laf. 149, Sel. 182]

 [Fausseté 3 - Laf. 205, Sel. 237]

 [A P. R. 1 - Laf. 149, Sel. 182]

 

Levez vos yeux vers Dieu, disent les uns ; voyez celui auquel vous ressemblez, et qui vous a fait pour l’adorer. Vous pouvez vous rendre semblable à lui 2 ; la sagesse vous y égalera, si vous voulez la suivre. Et les autres disent : Baissez vos yeux vers la terre, chétif ver que vous êtes, et regardez les bêtes dont vous êtes le compagnon. Que deviendra donc l’homme ? Sera-t-il égal à Dieu ou aux bêtes ? Quelle effroyable distance ! Que serons-nous donc ? [A P. R. 1 - Laf. 149, Sel. 182]

 

 

 

 

 

 

 

Levez vos yeux vers Dieu, disent les uns. Voyez celui auquel vous ressemblez et qui vous a fait pour l’adorer. Vous pouvez vous rendre semblable à lui, la sagesse vous y égalera si vous voulez le suivre.

Haussez la tête, hommes libres, dit Épictète.

Et les autres lui disent : Baissez les yeux vers la terre, chétif ver que vous êtes, et regardez les bêtes dont vous êtes le compagnon. Que deviendra donc l’homme ? Sera‑t‑il égal à Dieu ou aux bêtes ? Quelle effroyable distance ! Que serons‑nous donc ? Qui ne voit par tout cela que l’homme est égaré, qu’il est tombé de sa place, qu’il la cherche avec inquiétude, qu’il ne la peut plus retrouver ? Et qui l’y adressera donc ? Les plus grands hommes ne l’ont pu. 

Ed. 1678 3

 

 

15.  Nous ne concevons ni l’état glorieux d’Adam, ni la nature de son péché, ni la transmission qui s’en est faite en nous. Ce sont choses qui se sont passées dans un état de nature tout différent du nôtre, et qui passent notre capacité présente. Aussi tout cela nous est 4 inutile à savoir pour sortir de nos misères : et tout ce qu’il nous importe de connaître, c’est que par Adam nous sommes misérables, corrompus, séparés de Dieu ; mais rachetés par Jésus-Christ : et c’est de quoi nous avons des preuves admirables sur la Terre.

 

 

Nous ne concevons ni l’état glorieux d’Adam, ni la nature de son péché, ni la transmission qui s’en est faite en nous. Ce sont choses qui se sont passées dans l’état d’une nature toute différente de la nôtre et qui passent l’état de notre capacité présente.

Tout cela nous serait inutile à savoir pour en sortir et tout ce qu’il nous importe de connaître est que nous sommes misérables, corrompus, séparés de Dieu, mais rachetés par Jésus‑Christ ; et c’est de quoi nous avons des preuves admirables sur la terre.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 L’édition a retenu le vous du vouvoiement et non le vous du pluriel.

3 Ce paragraphe a été ajouté dans l’édition en 1678.

4 La différence provient de la Copie C1 dans laquelle un correcteur a changé serait en est.

 

Commentaire

 

Le passage « Levez vos yeux… » est inséré dans A P. R., à l’endroit où Pascal résume les contradictions de la condition humaine, et prépare le discours de la Sagesse de Dieu.

Pourquoi le passage sur l’ignorance où se trouve l’homme de la condition innocente d’Adam et la nature du péché a-t-il attendu 1678 pour être inséré dans le texte ? Peut-être parce qu’il a semblé discutable aux éditeurs : Pascal lui-même a expliqué dans les Écrits sur la grâce tout ce qu’il y a de connu dans la nature du péché originel. Voir notre commentaire.

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XXVIII - Pensées Chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 239  / 1678 n° 1 p. 231

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit (Copies)

 

 [Preuves par discours II (Laf. 432, Sel. 684)] Et les Juifs qui combattent si opiniâtrement la Religion Chrétienne, vérifient encore cet autre fondement de cette même foi qu’ils attaquent, qui est que Jésus-Christ est le véritable Messie, et qu’il est venu racheter les hommes, et les retirer de la corruption et de la misère où ils étaient ; tant par l’état où l’on les voit aujourd’hui et qui se trouve prédit dans les prophéties, que par ces mêmes prophéties qu’ils portent, et qu’ils conservent inviolablement comme les marques auxquelles on doit reconnaître le Messie.

Ainsi les preuves de la corruption des hommes, et de la rédemption de Jésus-Christ, qui sont les deux principales vérités qu’établit le Christianisme, se tirent des impies qui vivent dans l’indifférence de la Religion, et des Juifs qui en sont les ennemis irréconciliables.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ainsi les deux preuves de la corruption et de la Rédemption se tirent des impies, qui vivent dans l’indifférence de la religion, et des Juifs, qui en sont les ennemis irréconciliables.

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

 

Commentaire

 

Les éditeurs explicitent ici assez laborieusement les raisons pour lesquelles Pascal oppose aux Juifs un argument « par et contre ». Voir notre commentaire.