Fragment Loi figurative n° 25 / 31  – Papier original : RO 35-1 et 35-1 v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Loi figurative n° 311 p. 133 v° à 135 v° / C2 : p. 162 à 164

Éditions de Port-Royal :

     Chap. X - Juifs : 1669 et janvier 1670 p. 77-80  / 1678 n° 3, 5, 6 et 8 p. 77-80

     Chap. XIII - Que la Loy estoit figurative : 1669 et janvier 1670 p. 103-104  / 1678 n° 16 et 17 p. 103-104

Éditions savantes : Faugère II, 251, XV / Havet XV.3 bis ; XVI.13 ; XV.5 ; XVI.14 / Michaut 81 / Brunschvicg 670 / Tourneur p. 264 / Le Guern 253 / Lafuma 270 / Sellier 301

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. X - Juifs : 1669 et janvier 1670 p. 77-80  / 1678 n° 3, 5, 6 et 8 p. 77-80

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

 

3.  Ce peuple était plongé dans ces pensées terrestres ; que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair, et ce qui en sortirait 2 ; et que c’était pour cela qu’il les avait multipliés, et distingués de tous les autres peuples, sans souffrir qu’ils s’y mêlassent ; qu’il les avait retirés de l’Égypte avec tous ces 3 grands signes qu’il fit en leur faveur ; qu’il les avait nourris de la manne dans le désert, qu’il les avait menés dans une terre heureuse et abondante ; qu’il leur avait donné des Rois, et un temple bien bâti, pour y offrir des bêtes, et pour y être purifiés par l’effusion de leur sang ; et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde.

 

5.  Ayant donc vieilli dans ces erreurs charnelles, Jésus-Christ est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l’éclat attendu ; et ainsi ils n’ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort Saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figures 3 ; que le Royaume de Dieu n’était pas dans la chair, mais dans l’esprit ; que les ennemis des hommes n’étaient pas les Babyloniens, mais leurs passions ; que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de la main des hommes, mais en un cœur pur et humilié ; que la circoncision du corps était inutile, mais qu’il fallait celle du cœur, etc.

 

6.  Dieu n’ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple qui en était indigne, et ayant voulu néanmoins les prédire 3 afin qu’elles fussent crues, en avait prédit le temps clairement, et les avait même quelquefois exprimées clairement, mais ordinairement en figures ; afin que ceux qui aimaient les choses a figurantes s’y arrêtassent, et que ceux qui aimaient les b figurées, les y vissent.

 

a C’est-à-dire les choses charnelles qui servaient de figures.

b C’est-à-dire les vérités spirituelles figurées par les choses charnelles.

 

[Prophéties 10 - Laf. 331, Sel. 363] 4

 

8.  Ils ont tant aimé les choses figurantes, et les ont si uniquement attendues, qu’ils ont méconnu la réalité quand elle est venue dans le temps et en la manière prédite.

 

A. Figures.

 

Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Egypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde. Et il a prédit le temps de sa venue.

 

Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles, Jésus‑Christ est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l’éclat attendu. Et ainsi ils n’ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort, saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figure, que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l’esprit, que les ennemis des hommes n’étaient pas les Babyloniens, mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main, mais en un cœur pur et humilié, que la circoncision du corps était inutile, mais qu’il fallait celle du cœur, que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc.

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Mais Dieu n’ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple qui en était indigne et ayant voulu néanmoins les produire afin qu’elles fussent crues, il en a prédit le temps clairement et les a quelquefois exprimées clairement, mais abondamment en figures, afin que ceux qui aimaient les choses figurantes s’y arrêtassent (je ne dis pas bien) et que ceux qui aimaient les figurées les y vissent.

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Tout ce qui ne va point à la charité est figure. 5

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Les Juifs ont tant aimé les choses figurantes et les ont si bien attendues qu’ils ont méconnu la réalité quand elle est venue dans le temps et en la manière prédite.

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1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 La différence provient de la Copie C1.

3 La différence provient des Copies C1 et C2.

4 « C’est ce qui a fait qu’au temps du Messie les peuples se sont partagés : les spirituels l’ont reçu ; et les charnels qui l’ont rejeté, sont demeurés pour lui servir de témoins. »

5 Ce texte était intégré tel quel au début du chapitre XII - Figures dans l’édition préoriginale de 1669, p. 93. Il a ensuite été supprimé dans l’édition de janvier 1670.

 

Commentaire

 

Port-Royal a de nouveau combiné deux fragments sous un même fleuron. Il a aussi découpé un même fragment en plusieurs fleurons.

La suppression du mot monde vise sans doute à éviter une équivoque. L’ensemble du texte est dès lors si nettement consacré aux Juifs qu’au début de Prophéties 10 (Laf. 331, Sel. 363), le pronom Ils se substitue à Les Juifs.

Les deux notes sur les choses charnelles et les vérités spirituelles tiennent compte de la correction de Pascal sur ce qu’il avait écrit : les éditeurs tentent d’éclaircir une obscurité signalée par Pascal lui-même, peut-être faute d’avoir eux-mêmes trouvé une formule satisfaisante.

 


 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XIII - Que la Loy estoit figurative : 1669 et janvier 1670 p. 103-104  / 1678 n° 16 et 17 p. 103-104

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

16.  L’unique objet de l’Écriture est la charité. Tout ce qui ne va point à l’unique but 2 en est la figure ; car puisqu’il n’y a qu’un but, tout ce qui n’y va point en mots propres est figure.

Dieu diversifie ainsi cet unique précepte de charité, pour satisfaire notre faiblesse qui recherche la diversité, par cette diversité qui nous mène toujours à notre unique nécessaire. Car une seule chose est nécessaire, et nous aimons la diversité, et Dieu satisfait à l’un et à l’autre par ces diversités qui mènent à ce seul nécessaire.

 

 

 

 

17.  Les Rabbins prennent pour figures 3 les mamelles de l’Épouse, et tout ce qui n’exprime pas l’unique but qu’ils ont des biens temporels.

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L’unique objet de l’Écriture est la charité.

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Tout ce qui ne va point à l’unique bien en est la figure. Car puisqu’il n’y a qu’un but, tout ce qui n’y va point en mots propres est figure.

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Dieu diversifie ainsi cet unique précepte de charité pour satisfaire notre curiosité, qui recherche la diversité, par cette diversité qui nous mène toujours à notre unique nécessaire. Car une seule chose est nécessaire, et nous aimons la diversité. Et Dieu satisfait à l’un et à l’autre par ces diversités qui mènent à ce seul nécessaire.

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[...]

Les rabbins prennent pour figure les mamelles de l’Épouse et tout ce qui n’exprime pas l’unique but qu’ils ont des biens temporels.

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1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

2 La différence provient des Copies C1 et C2.

3 La différence provient de la Copie C1.

 

Commentaire

 

La substitution de faiblesse à curiosité répond sans doute à une volonté de généralité : la curiosité n’est que l’une des trois concupiscences, la libido sciendi ; le mot faiblesse est moins expressif, mais il a une portée plus générale.