Pensées - page 8
Je ne sais qui m’a mis au monde,
ni ce que c’est que le monde, ni que
moi-même. Je suis dans une ignorance
terrible de toutes choses. Je ne
sais ce que c’est que mon corps, que
mes sens, que mon âme ; et cette partie
même de moi qui pense ce que je
dis, et qui fait réflexion sur tout et
sur elle-même, ne se connaît non
plus que le reste. Je vois ces effroyables
espaces de l’Univers qui m’enferment,
et je me trouve attaché à un
coin de cette vaste étendue, sans savoir
pourquoi je suis plutôt placé en
ce lieu qu’en un autre, ni pourquoi
ce peu de temps qui m’est donné à vivre
m’est assigné à ce point plutôt
qu’à un autre de toute l’éternité qui
m’a précédé, et de toute celle qui me
suit. Je ne vois que des infinités de
toutes parts qui m’engloutissent comme
un atome, et comme une ombre
qui ne dure qu’un instant sans retour.
Tout ce que je connais c’est ce que je
dois bientôt mourir ; mais ce que
j’ignore le plus c’est cette mort même
que je ne saurais éviter.
Comme je ne sais d’où je viens, aussi
je ne sais où je vas ; et je sais seulement
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