Fragment Raisons des effets n° 5 / 21 - Papier original :  RO 406-4

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Raisons des effets n° 116 p. 33 / C2 : p. 49

Éditions savantes : Faugère II, 129, V / Brunschvicg 297 / Tourneur p. 189-1 / Le Guern 79 / Lafuma 86 / Sellier 120

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Bibliographie

 

 

Voir la bibliographie de Raisons des effets 20 (Laf. 103, Sel. 135).

CHINARD Gilbert, En lisant Pascal, Lille, Giard, Genève, Droz, 1948.

 

 

Éclaircissements

 

Veri juris.

 

Cicéron, De Officiis, III, 17 : « Veri juris germanaeque justitiae solidam et expressam effigiem nullam tenemus ». Tr. : Du droit véritable, de la justice pure, nous n’en possédons pas l’image solide et bien marquée ».

 

Pour approfondir…

 

Montaigne, Essais, III, 1, éd. Balsamo et alii, Pléiade, p. 836. « La justice en soi, naturelle et universelle, est autrement réglée, et plus noblement, que n’est cette autre justice spéciale, nationale, contrainte au besoin de nos polices : Veri juris germanæque justitiæ solidam et expressam effigiem nullam tenemus : umbra et imaginibus utimur. Si que le sage Dandamys, oyant réciter les vies de Socrate, Pythagoras, Diogène, les jugea grands personnages en toute autre chose, mais trop asservis à la révérence des lois : Pour lesquelles autoriser, et seconder, la vraie vertu a beaucoup à se démettre de sa vigueur originelle : et non seulement par leur permission, plusieurs actions vicieuses ont lieu, mais encore à leur suasion. Ex Senatusconsultis plebisque scitis scelera exercentur. Je suis le langage commun, qui fait différence entre les choses utiles, et les honnêtes : si que d’aucunes actions naturelles, non seulement utiles, mais nécessaires, il les nomme déshonnêtes et sales. »

Voir le commentaire de Chinard Gilbert, En lisant Pascal, Lille, Giard, Genève, Droz, 1948, p. 67 sq., qui renvoie à Charron, De la sagesse, Livre III, ch. V, 3, qui cite Cicéron ; mais le rapprochement avec Montaigne est plus immédiat.

 

Nous n’en avons plus. Si nous en avions, nous ne prendrions pas pour règle de justice de suivre les mœurs de son pays.

C’est là que ne pouvant trouver le juste, on a trouvé le fort, etc.

 

Le juste, le fort : ce qui est juste, et non celui qui est juste.

Ce fragment apparaît comme un écho abrégé du fragment Misère 9 (Laf. 60, Sel. 94) : Sur quoi fondera-t-il l’économie du monde qu’il veut gouverner ? Sera-ce sur le caprice de chaque particulier ? Quelle confusion ! sera-ce sur la justice ? il l’ignore. Certainement s’il la connaissait il n’aurait pas établi cette maxime, la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes, que chacun suive les mœurs de son pays. L’éclat de la véritable équité aurait assujetti tous les peuples. Et les législateurs n’auraient pas pris pour modèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les caprices des perses et allemands. On la verrait plantée par tous les états du monde, et dans tous les temps, au lieu qu’on ne voit rien de juste ou d’injuste qui ne change de qualité en changeant de climat. La forme du raisonnement par l’absurde est commune aux deux textes. Mais le tour d’argumentation est différent : le fragment sur l’économie du monde se borne à constater que l’homme est incapable de trouver des lois universellement justes. Le fragment Raisons des effets 5 ajoute l’idée que c’est faute d’avoir trouvé le juste que l’on a pris la force comme son succédané. La place de ce fragment répond donc bien à sa situation dans Raisons des effets.

Cependant, le verbe trouver et la tournure ne pouvant trouver sont surprenants. Le fragment Raisons des effets 20 (Laf. 103, Sel. 135), indique que le juste n’est pas adapté parce que c’est une qualité spirituelle, et non pas parce qu’on ne le connaît pas ou qu’on ne le reconnaît pas. Ici, Pascal semble revenir à l’idée que l’on ne connaît pas la vraie justice.

C’est la première phrase qui compte : Pascal réagit en disant que cette « justice en soi, naturelle et universelle », nous ne l’avons plus. Les lois spéciales comblent la lacune.