Fragment Vanité n° 11 / 38 Papier original : RO 81-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Vanité n° 28 p. 5 v° / C2 : p. 19

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées Chrestiennes : 1669 et janv. 1670 p. 267 / 1678 n° 60 p. 259.

Éditions savantes : Faugère I, 198, LX / Havet VI.41 / Brunschvicg 67 / Tourneur p. 170-1 / Le Guern 21 / Maeda I p. 105 / Lafuma 23 / Sellier 57

 

 

 

Vanité des sciences.

 

La science des choses extérieures ne me consolera pas de l’ignorance de la morale au temps d’affliction, mais la science des mœurs me consolera toujours de l’ignorance des sciences extérieures.

 

 

 

La vanité de la condition humaine apparaît dans le mouvement initial des Pensées particulièrement dans les sciences que Pascal lui-même a pratiquées, la connaissance des réalités naturelles par la physique.

Le fragment Transition 4 (Laf. 199, Sel. 230), “Disproportion de l’homme” insiste sur la vanité de la connaissance humaine, mais par un autre aspect : moins par le fait que la science des réalités naturelles n’est pas consolante, que parce qu’elle est sans proportion par rapport à l’immensité de l’univers en grandeur et en petitesse : le même thème reviendra donc, mais avec une signification différente.

La critique que Pascal présente dans ce fragment est d’esprit différent : il ne s’agit pas de soutenir, comme dans “Disproportion de l’homme”, que la science n’est rien par rapport à la nature qu’elle est censée expliquer, mais que cette science ne touche pas ce qui intéresse l’homme profondément, ce qui lui est utile et qui le console dans ses misères. Cette critique resterait vraie même si la science n’était pas disproportionnée à son objet. Il s’agit donc moins ici du néant de la science que du fait qu’elle ne touche pas profondément l’intérêt de l’homme.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Raisons des effets 3 (Laf. 83, Sel. 117). Le monde juge bien des choses, car il est dans l’ignorance naturelle qui est le vrai siège de l’homme...

Transition 4 (Laf. 199, Sel. 230). “Disproportion de l’homme”.

Pensées diverses (Laf. 687, Sel. 566). J’avais passé longtemps dans l’étude des sciences abstraites et le peu de communication qu’on en peut avoir m’en avait dégoûté...

 

Textes connexes

 

La Préface des Traités de L’équilibre des liqueurs et de La pesanteur de la masse de l’air, OC II, éd. J. Mesnard, p. 680, utilise ce fragment, avec une modification suggestive : « [Pascal] avait accoutumé de dire sur ce sujet : Que toutes ces sciences ne le consoleraient point dans le temps de l’affliction ; mais que la science des vérités chrétiennes le consolerait en tout temps, et de l’affliction, et de l’ignorance de ces sciences ».

Lettre de Pascal à Fermat du 10 août 1660, OC IV, éd. J. Mesnard, p. 922-923.

Préface de Nicole aux Nouveaux Éléments de géométrie d’Arnauld, in Géométries de Port-Royal, éd. D. Descotes, p. 94-95 : « La nature de toutes les sciences humaines, et principalement de celles qui entrent peu dans le commerce de la vie, est d’être mêlées d’utilités et d’inutilités : et je ne sais si l’on ne peut point dire qu’elles sont toutes inutiles en elles-mêmes, et qu’elles devraient passer pour un amusement entièrement vain et indigne de personnes sages, si elles ne pouvaient servir d’instruments et de préparations à d’autres connaissances vraiment utiles. Ainsi ceux qui s’y attachent pour elles-mêmes, comme à quelque chose de grand et de relevé, n’en connaissent pas le vrai usage ; et cette ignorance est en eux un beaucoup plus grand défaut, que s’ils ignoraient absolument ces sciences. Ce n’est pas un grand mal que de n’être pas Géomètre ; mais c’en est un considérable que de croire, que la Géométrie est une chose fort estimable, et de s’estimer soi-même pour s’être rempli la tête de lignes, d’angles, de cercles, de proportions. C’est une ignorance très blâmable que de ne pas savoir, que toutes ces spéculations stériles ne contribuent rien à nous rendre heureux; qu’elles ne nous peuvent donner aucun contentement réel et solide ; que l’homme n’est point fait pour cela, et que bien loin que ces sciences lui donnent sujet de s’élever en lui-même, elles sont au contraire des preuves de la bassesse de son esprit ; puisqu’il est si vain et si vide de vrai bien, qu’il est capable de s’occuper tout entier à des choses si vaines et si inutiles. »

Premier Discours de la Logique de Port-Royal, éd. Clair et Girbal, p. 15 sq. : « Non seulement ces sciences ont des recoins et des enfoncements fort peu utiles : mais elles sont toutes inutiles, si on les considère en elles-mêmes et pour elles-mêmes. Les hommes ne sont pas nés pour employer leur temps à mesurer des lignes […] »

 

Mots-clés : AfflictionMoraleSciencesVanité.