Prophéties III   – Papier original : onze feuillets probablement découpés en 16 papiers post mortem

                                 RO 309-2, 311-1, 311-2, 313-1, 313-2, 315-1, 315-2, 315-3,

                                 RO 289-1, 289-2, 291-1, 291-2, 293-1, 293-2, 295-1, 295-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 69 p. 271 à 277  / C2 : p. 489 à 497

Éditions savantes : Faugère II, 283, XXVI / Havet XVIII (remarques) ; XVIII.22 (note) / Brunschvicg 722 / Tourneur p. 328 / Le Guern 450 / Lafuma 485 (série XIV) / Sellier 720

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Éclaircissements

 

 

Généralités et Bibliographie

Daniel, 2

Dan., 8

Daniel, 9, 20

Daniel, 11

25

 

 

Daniel, 11.

 

L’ange dit à Daniel :

Il y aura (après Cyrus sous lequel ceci est écrit) encore trois rois de Perse (Cambyse, Smerdis, Darius) et le quatrième (Xerxès) qui viendra ensuite sera plus puissant en richesses et en forces et élèvera tous ses peuples contre les Grecs.

Mais il s’élèvera un puissant roi (Alexandre) dont l’empire aura une étendue extrême et qui réussira en toutes ses entreprises selon son désir. Mais, quand sa monarchie sera établie, elle périra et sera divisée en quatre parties vers les quatre vents du ciel (comme il avait dit auparavant : VII, 6 ; VIII, 8)  mais non pas à des personnes de sa race. Et ses successeurs n’égaleront point sa puissance, car même son royaume sera dispersé à d’autres, outre ceux‑ci (Ces quatre principaux successeurs.)

Et celui de ces successeurs (Ptolomeus fils de Lagus) qui régnera vers le midi (Égypte) deviendra puissant, mais un autre (Seleucus, roi de Syrie) le surmontera et son État sera un grand État (Appianus dit que c’est le plus puissant des successeurs d’Alexandre.)

Et dans la suite des années ils s’allieront et la fille du roi du midi (Bérénice, fille de Ptolomeus Philadelphos, fils de l’autre Ptolomeus) viendra au roi d’aquilon (À Antiochus Deus, roi de Syrie et d’Asie, neveu de Seleucus Lagidas) pour établir la paix entre ces princes.

Mais ni elle ni ses descendants n’auront pas une longue autorité car elle et ceux qui l’avaient envoyée et ses enfants et ses amis seront livrés à la mort (Bérénice et son fils furent tués par Seleucus Callinicus.)

Mais il s’élèvera un rejeton de ses racines (Ptolomeus Evergetes naîtra du même père que Bérénice) qui viendra avec une puissante armée dans les terres du roi d’aquilon où il mettra tout sous sa sujétion et emmènera en Égypte leurs dieux, leurs princes, leur or, leur argent et toutes leurs plus précieuses dépouilles, et sera quelques années sans que le roi d’aquilon puisse rien contre lui. (S’il n’eût point été rappelé en Égypte par des raisons domestiques, il aurait entièrement dépouillé Seleucus, dit Justin.)

Et ainsi il reviendra en son royaume, mais les enfants de l’autre (Seleucus Ceraunus, Antiochus Magnus), irrités, assembleront de grandes forces.

Et leur armée viendra et ravagera tout, dont le roi du midi (Ptolomeus Philopator) étant irrité formera aussi un grand corps d’armée et livrera bataille (contre Antiochus Magnus) et vaincra (à Rapham). Et ses troupes en deviendront insolentes et son cœur s’en enflera. (Ce Ptolomeus profana le Temple. Josèphe.) Il vaincra dix milliers d’hommes mais sa victoire ne sera pas ferme.

Car le roi d’aquilon (Antiochus Magnus) viendra avec encore plus de forces que la première fois, et alors un grand nombre d’ennemis s’élèvera contre le roi du midi (Le jeune Ptolomée Épiphanes régnant), et même des hommes apostats, (Ceux qui avaient quitté leur religion pour plaire à Évergetes quand il envoya ses troupes à Scopas,) violents, de ton peuple s’élèveront afin que les visions soient accomplies et ils périront. (Car Antiochus reprendra Scopas et les vaincra.)

Et le roi d’aquilon détruira les remparts et les villes les mieux fortifiées, et toute la force du midi ne pourra lui résister.

Et tout cédera à sa volonté. Il s’arrêtera dans la terre d’Israël et elle lui cédera.

Ainsi il pensera à se rendre maître de tout l’empire d’Égypte, (méprisant la jeunesse d’Épiphanes, dit Justin.)

Et pour cela il fera alliance avec lui et lui donnera sa fille (Cléopâtre, afin qu’elle trahît son mari. Sur quoi Appianus dit que, se défiant de pouvoir se rendre maître d’Égypte par force à cause de la protection des Romains, il voulut l’attenter par finesse.) Il la voudra corrompre mais elle ne suivra pas son intention.

Ainsi il se jettera à d’autres desseins et pensera à se rendre maître de quelques îles (c’est‑à‑dire lieux maritimes) et il en prendra plusieurs (comme le dit Appianus.)

Mais un grand chef s’opposera à ses conquêtes et arrêtera la honte qui lui en reviendrait (Scipion l’Africain, qui arrêta les progrès d’Antiochus Magnus

à cause qu’il offensait les Romains en la personne de leurs alliés.)

Il retournera donc dans son royaume et y périra et ne sera plus. (Il fut tué par les siens.)

Et celui qui lui succédera (Seleucus Philopator ou Soter, fils d’Antiochus Magnus) sera un tyran qui affligera d’impôts la gloire du royaume, qui est le peuple, mais en peu de temps il mourra et non par sédition ni par guerre.

Et il succédera à sa place un homme méprisable et indigne des honneurs de la royauté qui s’y introduira adroitement et par caresses.

Toutes les armées fléchiront devant lui, il les vaincra, et même le prince avec qui il avait fait alliance. Car, ayant renouvelé l’alliance avec lui, il le trompera et, venant avec peu de troupes dans ses provinces calmes et sans crainte, il prendra les meilleures places et fera plus que ses pères n’avaient jamais fait. Et, ravageant de toutes parts, il formera de grands desseins pendant son temps.

 

25.

 

L’écriture est de nouveau celle de Pascal ; voir le manuscrit.

Pascal traduit Daniel XI du verset 2 au verset 24. Il note en fin de citation le verset auquel il doit reprendre (25).

 Daniel, XI, 2-24. « Et nunc veritatem annunciabo tibi. Ecce adhuc tres règes stabunt in Perside, et quartus ditabitur opibus nimiis super omnes : et cum invaluerit divitiis suis, concitabit omnes adversum regnum Gratiae. 3. Surget vero rex fortis, et dominabitur potestate multa, et faciet quod placuerit ei. 4. Et cum steterit, conteretur regnum ejus, et dividetur in quatuor ventos caeli : sed non in posteros ejus, neque secundum potentiam illius, qua dominatus est : lacerabitur enim regnum ejus etiam in externos, exceptis his. 5. Et confortabitur rex Austri : et de principibus ejus praevalebit super eum, et dominabitur ditione : multa enim dominatio ejus. 6. Et post finem annorum fœderabuntur : filiaque regis Austri veniet ad regem Aquilonis facere amicitiam, et non obtinebit fortitudinem brachii : nec stabit semen ejus : et tradetur ipsa, et qui adduxerunt eam adolescentes ejus, et qui confortabant eam in temporibus. 7. Et stabit de germine radicum ejus plantatio : et veniet cum exercitu, et ingredietur provinciam regis Aquilonis : et abutetur eis, et obtinebit. 8. Insuper et deos eorum, et sculptilia, vasa quoque pretiosa argenti et auri, captiva ducet in Aegyptum : ipse praevalebit adversus regem Aquilonis. 9. Et intrabit in regnum rex Austri, et revertetur ad terram suam. 10. Filii autem ejus provocabuntur, et congregabunt multitudinem exercituum plurimorum : et veniet properans, et inundans : et revertetur, et concitabitur, et congredietur cum robore ejus. 11. Et provocatus rex Austri egredietur, et pugnabit adversus regem Aquilonis, et praeparabit multitudinem nimiam, et dabitur multitudo in manu ejus. 12. Et capiet multitudinem, et exaltabitur cor ejus, et dejiciet multa millia, sed non praevalebit. 13. Convertetur enim rex Aquilonis, et praeparabit multitudinem multo majorem quam prius : et in fine temporum annorumque, veniet properans cum exercitu magno, et opibus nimiis. 14. Et in temporibus illis multi consurgent adversus regem Austri : filii quoque praevaricatorum populi tui extollentur ut impleant visionem, et corruent. 15. Et venit rex Aquilonis, et comportabit aggerem, et capiet urbes munitissimas : et brachia Austri non sustinebunt, et consurgent electi ejus ad resistendum, et non erit fortitudo. 16. Et faciet veniens super eum juxta placitum suum, et non erit qui stet contra faciem ejus, et stabit in terra inclyta, et consumetur in manu ejus. 17. Et ponet faciem suam ut veniat ad tenendum universum regnum ejus, et recta faciet cum eo : et filiam feminarum dabit ei, ut evertat illud : et non stabit, nec illius erit. 18. Et convertet faciem suam ad insulas, et capiet multas : et cessare faciet principem opprobrii sui, et opprobrium ejus convertetur in eum. 19. Et convertet faciem suam ad imperium terrae suae, et impinget, et corruet, et non invenietur. 20. Et stabit in loco ejus vilissimus, et indignus decore regio : et in paucis diebus conteretur, non in furore, nec in praelio. 21. Et stabit in loco ejus despectus, et non tribuetur ei honor regius : et veniet clam, et obtinebit regnum in fraudulentia. 22. Et brachia pugnantis expugnabuntur a facie ejus, et conterentur : insuper et dux foederis. 23. Et post amicitias, cum eo faciet dolum : et ascendet, et superabit in modico populo. 24. Et abundantes et uberes urbes ingredietur : et faciet quae non fecerunt patres ejus, et patres patrum ejus : rapinas, et praedam, et divitias eorum dissipabit, et contra firmissimas cogitationes inibit : et hoc usque ad tempus ».

Traduction de Port-Royal : « Mais maintenant je vous annoncerai la vérité. Il y aura encore trois rois en Perse : le quatrième s’élèvera par la grandeur de ses richesses et de sa puissance au-dessus de tout : et lorsqu’il sera devenu si puissant et si riche, il animera tous les peuples contre le royaume des Grecs. 3. Mais il s’élèvera un roi vaillant, qui dominera avec une grande puissance, et qui fera ce qu’il lui plaira. 4. Et après qu’il sera le plus affermi, son royaume sera détruit, et il se partagera vers les quatre vents du ciel ; il ne passera point à sa postérité, et son royaume ne conservera point la même puissance qu’avait eue ce premier roi ; car son royaume sera déchiré, et il passera à des princes étrangers, outre ces quatre plus grands. 5. Le roi du Midi se fortifiera : l’un de ses princes sera plus puissant que lui ; il dominera sur beaucoup de pays, car son empire sera grand. 6. Quelques années après ils feront alliance ensemble, et la fille du roi du Midi viendra épouser le roi de l’Aquilon pour faire amitié ensemble. Mais elle ne s’établira point par un bras fort, et sa race ne subsistera point ; elle sera livrée elle-même avec les jeunes hommes qui l’avaient emmenée, et qui l’avaient soutenue en divers temps. 7. Mais il sortira un rejeton de la même tige du roi du Midi ; il viendra avec une grande armée, il entrera dans les provinces du roi de l’Aquilon, il y fera de grands ravages, et il s’en rendra le maître. 8. Il emmènera en Égypte leurs dieux captifs, leurs statues, et leurs vases d’argent et d’or les plus précieux, et il remportera toute sorte d’avantage sur le roi de l’aquilon. 9. Le roi du Midi entrera dans son royaume, et il reviendra ensuite en son pays. 10. Les enfants du roi du Septentrion, animés par tant de pertes, lèveront de puissantes armées, et l’un d’eux marchera dans une grande vitesse comme un torrent qui déborde. Il reviendra ensuite, et étant plein d’ardeur, il combattra contre les forces de l’Égypte. 11. Le roi du Midi étant attaqué se mettra en campagne, et combattra contre le roi de l’Aquilon, il lèvera une grande armée, et les troupes nombreuses de ses ennemis seront livrées entre les mains. 12. Il en prendra un très grand nombre, et son cœur s’élèvera. Il en fera passer plusieurs milliers au fil de l’épée ; mais il ne pourra se saisir de son ennemi. 13. Le roi de l’Aquilon reviendra encore : il assemblera encore plus de troupes qu’auparavant, et après un certain nombre d’années, il s’avancera en grande hâte avec une armée nombreuse et une grande puissance. 14. En ces temps-là plusieurs s’élèveront contre le roi du Midi ; les enfants aussi d’entre ceux de votre peuple qui auront violé la loi du Seigneur, s’élèveront pour accomplir une prophétie, et ils tomberont. 15. Le roi de l’aquilon viendra, il fera des terrasses et des remparts, il prendra les villes les plus fortes : les bras du Midi n’en pourront soutenir l’effort, les plus vaillants d’entre eux s’élèveront pour lui résister, et ils se trouveront sans force. 16. Il fera contre le roi du Midi tout ce qu’il lui plaira, et il ne se trouvera personne qui puisse subsister devant lui ; il entrera dans la terre si célèbre, et elle sera abattue sous sa puissance. 17. Il s’affermira dans le dessein de venir s’emparer de tout le royaume du roi du Midi ; il feindra de vouloir agir de bonne foi avec lui, il lui donnera en mariage sa fille d’une excellente beauté afin de le perdre ; mais son dessein ne lui réussira pas, et elle ne sera point pour lui. 18. Il se tournera contre les îles, et il en prendra plusieurs ; il arrêtera d’abord le prince qui doit le couvrir d’opprobre : et la honte dont il couvrait les autres tombera enfin sur lui. 19. Il reviendra de nouveau dans les terres de son empire, où il trouvera un piège ; il tombera enfin, et il disparaîtra pour jamais. 20. Un homme très méprisable et indigne du nom de roi prendra sa place, et il périra en peu de jours ; non par une mort violente, ni dans un combat. 21. Un prince méprisé lui succédera, à qui on ne donnera point d’abord le titre de roi : il viendra en secret ; il obtiendra le royaume par sa dissimulation et par ses artifices. 22. Un prince combattant contre lui fuira devant lui, et ses grandes forces seront détruites, comme aussi le chef de l’alliance. 23. Et après avoir fait amitié avec lui, il le trompera, il s’avancera dans l’Égypte, et l’assujettira avec peu de troupes. 24. Il entrera dans les villes les plus grandes et les plus riches, et il fera ce que ne firent jamais ses pères, ni les pères de ses pères. Il amassera un grand butin de leurs dépouilles, et il pillera toutes leurs richesses ; il formera des entreprises contre leurs villes les plus fortes ; mais cela ne durera qu’un certain temps.

On trouve les tableaux généalogiques des souverains séleucides et lagides dans le livre de Droysen J. G., Histoire de l’hellénisme, Paris, Robert Laffont, 2003, p. 1133 sq.

Verset 2. La note Après Cyrus, sous lequel ceci est écrit est suivie de la liste des trois rois de Perse (Cambyse, Smerdis, Darius)... Pascal n’est pas sur ce point en accord avec le commentaire de Port-Royal :

« Ces trois rois de Perse, dont il est parlé ici étaient Cyrus qui régnait alors, Cambyse son fils, et Darius, fils d’Hystapses, connu autrement sous le d’Assuérus, qui fut celui sous l’empire duquel arriva l’histoire d’Esther ; car quoiqu’un mage de Perse, nommé Oropaste, feignant d’être le fils de Darius, ait usurpé le royaume après la mort de Cambyse, il fut bientôt reconnu et traité comme un imposteur ; et Darius fils d’Hystapse demeura maître de ce grand empire. Le quatrième fut Xerxès fils de ce Darius, dont l’histoire nous apprend qu’il marcha contre les Grecs avec une armée si prodigieuse, qu’elle couvrait toute la mer, et qu’il eut la vanité de dire qu’il était venu pour mettre l’Hellespont comme à la chaîne par le grand nombre de ses vaisseaux ; mais cette entreprise si superbe et si impie fut la cause de la ruine entière de son empire. Il ne laissa par d’y avoir encore beaucoup d’autres rois après lui, mais qui furent beaucoup plus faibles, et le Saint-Esprit a négligé d’en parler, passant tout d’un coup à Alexandre le Grand. C’est lui qui est ce Prince vaillant dont il est parlé ensuite, qui devait régner avec une grande puissance et faire ce qu’il lui plaisait. Car en effet Dieu lui donna le pouvoir d’exécuter tout ce qu’il entreprenait, sans qu’il y trouvât aucun obstacle, et il fit dans l’espace de six ans de si grandes choses en Orient, qu’il semblait plutôt voler que marcher. C’est pourquoi nous avons vu qu’il a été comparé auparavant à un léopard qui avait des ailes. Mais après avoir employé six ans à la conquête de l’Orient, il n’en jouit que pendant six autres années : ce que l’Écriture exprime en ces termes remarquables : que lorsqu’il serait le plus affermi, ou lorsqu’il serait arrivé au plus haut comble de sa gloire, son empire serait détruit par sa mort : Cum steterit, conteretur regnum ejus ; et qu’il serait partagé vers les quatre vents du ciel ; c’est-à-dire en quatre principales monarchies, comme en quatre grandes parties du débris de cet empire ».

L’auteur renvoie ici au commentaire du chapitre VII, « où il est parlé de ces successeurs d’Alexandre ». L’empire d’Alexandre a été partagé entre les diadoques.

Smerdis est un second fils de Cyrus, avec Cambyse.

À côté des trois rois perses, Darius le Mède étant exclu, le quatrième n’est sans doute pas le dernier Achéménide, Darius III Codoman, vaincu par Alexandre, mais plutôt Xerxès le Grand (485-465), qui entreprit en 480 l’expédition contre la Grèce.

Verset 3. Un puissant roi – Alexandre : la note de Port-Royal s’accorde avec cette identification : le Saint-Esprit, qui inspire le prophète, passe « tout d’un coup à Alexandre le Grand. C’est lui qui est ce prince vaillant dont il est parlé ensuite, qui devait régner avec une grande puissance, et faire ce qu’il lui plairait ».

Verset 4. Comme il avait dit auparavant : 7,6 ; 8, 8 : voir Daniel, VII, 6, « Après cela comme je regardais, j’en vis une autre qui était comme un léopard ; et elle avait au-dessus de soi quatre ailes comme les ailes d’un oiseau. Cette bête avait quatre têtes et la puissance lui fut donnée » ; la Bible de Port-Royal explique que « le troisième empire est celui de Macédoine ou d’Alexandre le Grand. La rapidité de ses victoires est figurée par la vitesse extraordinaire du léopard ». Voir aussi Daniel, VIII, 8 : « Le bouc ensuite devint extraordinairement grand ; et étant crû, sa grande corne se rompit, et il se forma quatre cornes au-dessous, vers les quatre vents du ciel » : la Bible de Port-Royal commente le verset comme suit : « La mort d’Alexandre arrivée dans la fleur de son âge, et dans le cours si rapide de ses victoires, nous est marquée par la rupture de la grande corne du bouc ; et le partage de son empire en quatre royaumes par ces quatre cornes qui sortirent sous la première. Les quatre royaumes que quatre officiers de son armée partagèrent étaient tournés vers les quatre vents du ciel, c’est-à-dire vers les quatre parties du monde, celui de Babylone étant à l’orient, celui d’Asie au Septentrion, celui de Grèce à l’occident, et celui d’Égypte au midi ».

Verset 5. Et celui de ces successeurs (Ptolomeus fils de Lagus) qui régnera vers le midi (Égypte) : Ptolémée Philadelphe (note de l’édition de Port-Royal). Sur Ptolémée II Philadelphe, roi d’Égypte, fils de Ptolémée Ier Sôter, premier souverain hellénistique d’Égypte (306-285) et de Bérénice, voir Droysen Johann Gustav, Histoire de l’hellénisme, Paris, Robert Laffont, 2003, Index. Commentaire du verset 5 dans la Bible de Port-Royal : « Des quatre rois principaux qui devaient partager entre eux les dépouilles d’Alexandre, l’ange parle ici seulement de deux, savoir du roi de l’Égypte, nommé le roi du Midi, et du roi d’Asie, nommé le roi d’Aquilon, parce que la Terre sainte est située entre la Syrie et l’Égypte, et que tout ce qu’elle devait souffrir lui viendrait de la part de ces deux rois ; tantôt de l’un et tantôt de l’autre, à proportion que leur puissance augmenterait. L’ange dit donc que le roi d’Égypte nommé Ptolémée fils de Lagus, et le roi d’Asie nommé Séleucus Nicanor, tous deux capitaines d’Alexandre, deviendraient l’un et l’autre très puissants, mais qu’enfin le roi d’Asie le serait plus que le roi d’Égypte : comme en effet il lui enleva toute la Syrie, la Judée et quelques autres pays ».

Un autre (Séleucus, roi de Syrie) : Séleucus I Nicanor (voir ci-dessus), ou Nicator (301-281), s’attacha d’abord à Ptolémée I pour vaincre Antigone (bataille de Gaza en 312, marquant le début de l’ère séleucide) et se tailla ensuite en Asie un empire immense.

Appianus dit que c’est le plus puissant des successeurs d’Alexandre : je n’ai pas trouvé un tel éloge dans le texte d’Appien d’Alexandrie.

Verset 6. La fille du roi du Midi (Bérénice fille de Ptolomeus Philadelphus, fils de l’autre Ptolemeus) : Bérénice, fille de Ptolémée Philadelphe (note de l’édition de Port-Royal). Ptolémée II Philadelphe a en effet eu pour fille Bérénice Syra, qui a épousé Antiochos II Theos (voir ci-dessous) vers 252.

Verset 6. Le roi d’Aquilon : Antiochus Theos (note de l’édition de Port-Royal). Sur Antiochos II (261-246), fils d’Antiochos Ier Sôter, voir Droysen Johann Gustav, Histoire de l’hellénisme, index. Il épousa Bérénice, mais sa première femme et demi-sœur Laodice commença par se retirer ; puis ayant été reprise par son mari, le fit empoisonner ainsi que Bérénice, le fils de celle-ci et d’Antiochus, avec son entourage.

Verset 6. Bérénice et son fils furent tués par Seleucus Callinicus : Laodice, première femme d’Antiochus, se défera de lui, et fera mourir Bérénice avec son fils (note de l’édition de Port-Royal). Sur Laodice, fille d’Achaeos et femme d’Antiochos II, voir Droysen Johann Gustav, Histoire de l’hellénisme, index. Voir ci-dessus.

Verset 7. Mais il s’élèvera un rejeton de ses racines (Ptolomeus Evergetes naîtra du même père que Bérénice) : il sortira de son père Ptolémée Philadelphe un fils nommé Évergète, qui pour venger la mort de sa sœur Bérénice, ravagera le royaume de Séleucus (note de l’édition de Port-Royal). Sur Ptolémée II Philadelphe, roi d’Égypte, fils de Ptolémée Ier et de Bérénice, voir plus haut.

Verset 8. S’il n’eût point été rappelé en Égypte par des raisons domestiques, il aurait entièrement dépouillé Seleucus, dit Justin : voir Justin, Histoire universelle, XXVII, 2.

Verset 9. En son royaume : savoir celui du roi d’Aquilon. Il reviendra ensuite en son pays : étant rappelé par les troubles intestins, il retournera en son royaume (note de l’édition de Port-Royal). Pascal saute le verset 9.

Verset 10. Les enfants de l’autre (Seleucus Ceraunus, Antiochus Magnus) : les enfants du Septentrion, c’est-à-dire les enfants de Séleucus Callinicus, savoir Séleucus Ceraunus [Séleucus III Ceraunus, 227-223], et Antiochus le Grand [223-187] (note de l’édition de Port-Royal). L’un d’eux marchera... : Antiochus le Grand. Sur Antiochos III Megas, roi de Syrie, voir la notice de Historiens romains, II, éd. G. Walter, Pléiade, p. 602-603, et Droysen Johann Gustav, Histoire de l’hellénisme, index. Il reçut Annibal, qui le lança contre les Romains, qui le vainquirent. Il fut massacré par ses sujets. Sur Seleucus II Callinicos, fils d’Antiochos II, voir Droysen Johann Gustav, Histoire de l’hellénisme, index.

Verset 11. Le roi du Midi contre le roi de l’Aquilon : Ptolémée Philopator, fils d’Évergète, contre Antiochus le Grand (note de l’édition de Port-Royal). Sur Ptolémée IV Philopator, fils de Ptolémée III Évergète et son successeur, voir Droysen Johann Gustav, Histoire de l’hellénisme, index.

Verset 12. À Rapham : il s’agit de la bataille de Raphia, qui opposa Antiochos III Megas et Ptolémée IV Philopator, qui se disputaient la Palestine. La victoire revint à Ptolémée IV.

Verset 12. Ce Ptolomeus profana le Temple. Josèphe : Josèphe rapporte dans son Histoire ancienne des Juifs, XII, 7, que c’est Antiochos III qui profana le temple, y « fit construire un autel [...] et y fit sacrifier des pourceaux », et « contraignit ensuite les Juifs à renoncer au culte du vrai Dieu pour adorer ses idoles ».

Verset 13. Car le roi d’Aquilon (Antiochus Magnus) viendra avec encore plus de forces que la première fois, et alors un grand nombre d’ennemis s’élèvera contre le roi du midi (la jeune Ptolémée Épiphanes régnant) et même des hommes apostats (ceux qui avaient quitté leur religion pour plaire à Évergetes quand il envoya ses troupes à Scopas), violents, de ton peuple s’élèveront afin que les visions soient accomplies, et ils périront (car Antiochus reprendra Scopas et les vaincra) :

Note de l’édition de Port-Royal : Antiochus le Grand [sc. Antiochos III Megas] viendra contre le fils de Philopator, nommé Ptolémée Épiphane, qui était encore un petit enfant.

La Vulgate (et la traduction de Louvain) ne parlent pas d’hommes apostats, mais emploie le mot prévaricateurs (praevaricatores). Pascal indique que ce sont « ceux qui avaient quitté leur religion pour plaire à Évergète quand il envoya ses troupes à Scopas ».

Antiochus reprendra Scopas : Scopas n’est pas une ville, mais le chef de l’armée Égyptienne ; il s’était réfugié à Sidon.

Verset 14. Note de l’édition de Port-Royal : « Philippe roi de Macédoine et d’autres princes se liguèrent avec Antiochus contre Ptolémée Épiphane ; et comme la Judée était entre deux, les Juifs, selon la remarque de saint Jérôme, prirent parti les uns pour Ptolémée, et les autres pour Antiochus. Ce fut alors que le prêtre Onias s’enfuit avec un grand nombre de Juifs en Égypte, où ayant été reçu honorablement par Ptolémée, il y bâtit un temple semblable à celui de Jérusalem, qui subsista jusqu’à l’empire de Vespasien. Une infinité de Juifs se réfugièrent donc en Égypte à l’occasion de cette retraite du pontife Onias, qui assurait hardiment qu’en se retirant ainsi dans ce royaume, et en bâtissant ce temple, il accomplissait, comme il est dit en ce lieu, une prophétie. C’était celle par laquelle Isaïe avait déclaré qu’il y aurait un autel du Seigneur au milieu de l’Égypte, et un monument au Seigneur à l’extrémité du pays. Mais il se trompait, et les autres grossièrement avec lui, en expliquant de la sorte cette prophétie, qui marquait l’établissement de la foi dans l’Égypte au temps de la loi nouvelle, que le Fils de Dieu devait apporter aux hommes en se faisant homme, et non un autel dont l’établissement était une prévarication visible de la volonté de Dieu. Ainsi violant alors, comme le dit saint Jérôme, la loi du Seigneur, qui leur défendait de lui offrir des victimes et des sacrifices partout ailleurs qu’à Jérusalem, ils se montraient enfants des anciens violateurs de la loi de Dieu ; et ils marchaient avec orgueil sur les traces de leurs pères, dans le temps même qu’ils se vantaient d’accomplir le précepte du Seigneur. [...] Mais ils tombèrent à la fin, et périrent, parce que le temple et la ville où il était furent détruits dans la suite par les Romains. » Ces événements sont rapportés par Flavius Josèphe dans son Histoire ancienne des Juifs, XIII, 6. Sur le grand-prêtre Onias III, voir DTC, “Daniel”, c. 82-83, et c. 90 ; voir II Maccabées, IV, 33-38.

Verset 15. Le roi d’Aquilon : le même Antiochus. Il enferma dans Sidon le général de l’armée d’Égypte, le prit prisonnier, et se rendit maître de toutes les villes que le roi d’Égypte tenait dans la Judée (note de l’édition de Port-Royal).

Pressentant une intervention romaine, Antiochus résolut de s’entendre avec Ptolémée en le fiançant avec sa fille Cléopâtre (mariage à Raphia, 194). Les villes maritimes : Antiochus profitant de la trêve avec l’Égypte, se retourna vers l’Asie mineure, prit des villes grecques et égyptiennes, au mépris des avertissements des Romains, jusqu’au jour où, en 190, à Magnésie du Sipyle, il fut battu sans revanche possible par Lucius Cornelius Scipion. Taxé d’une énorme dette de guerre, Antiochus entreprit de piller un temple de Bel en Élymaïde, et il trouva la mort en 187 dans cette expédition.

Le verset 15 fait allusion au long siège de Gaza. Une contre-offensive égyptienne en Judée retarda à peine l’entrée d’Antiochus à Jérusalem (v. 15-16).

Verset 16. Méprisant la jeunesse d’Épiphanes, dit Justin : je n’ai pas trouvé ce détail dans Justin.

Verset 17. Sa fille (Cléopâtre, afin qu’elle trahit son mari. Sur quoi Appianus dit que, se défiant de pouvoir se rendre maître d’Égypte par force à cause de la protection des Romains, il voulut l’attenter par finesse) : Cléopâtre (note de l’édition de Port-Royal). Elle ne sera point pour lui, note la Bible de Port-Royal : parce qu’elle demeura fidèle à son mari. Cléopâtre Ire Syra est fille d’Antiochos III Megas, et elle épouse le roi Ptolémée V Épiphane d’Égypte. Justin indique dans son Livre de la guerre syriaque, ch. I, qu’Antiochus a fait état de ce mariage dans ses premières négociations avec les Romains.

Verset 18. Quelques îles : Rhodes, Samos, etc., dont il s’empara (note de l’édition de Port-Royal). Le prince qui doit le couvrir d’opprobre : le consul Scipion qu’il voulut d’abord amuser et jouer adroitement, mais qui le défit ensuite, et le força d’accepter une paix honteuse (note de l’édition de Port-Royal).

Verset 19. Il fut tué par les siens : s’étant retiré dans le fond de la Syrie, il fut ensuite tué par les Barbares, lorsqu’il voulut dépouiller le temple de Jupiter Belus.

Verset 20. Un homme très méprisable : Séleucus Philopator, prince lâche et fainéant, qui envoya Héliodore pour piller le trésor du Temple, et qui mourut peu après. Voir II Maccab., cap. 3-4. Sur Ptolémée IV Philopator, fils de Ptolémée III Évergète et son successeur, voir Droysen Johann Gustav, Histoire de l’hellénisme, index.

Verset 21. Un prince méprisé : Antiochus Épiphane. Commentaire de l’édition de Port-Royal sur ce verset : « Le Saint-Esprit ayant principalement en vue dans toutes ces prophéties ce qui regardait le peuple de Dieu, ou son Église, s’arrête aussi davantage à parler des princes qui ont eu une relation particulière avec les Juifs ». C’est pourquoi il rapporte longuement « ce qui regarde la personne d’Antiochus [sc. Épiphane], le grand persécuteur des fidèles serviteurs de Dieu ». Sur Antiochus IV Épiphane, fils d’Antiochos III Megas, voir la notice qui lui est consacrée dans la notice de Historiens romains, II, éd. G. Walter, Pléiade, p  603. Après avoir combattu les Égyptiens, il s’en prit aux Juifs, et s’empara de Jérusalem, où il consacra à Zeus le temple de Salomon. Après une occupation de trois ans, il fut vaincu par Judas Maccabée. Note de Havet, Pensées, II, 1866, p. 34 : l’homme méprisable, Antiochus Épiphane, est « le plus violent ennemi des Juifs. Le prince qu’il vaincra est le roi d’Égypte, mari de sa sœur ».

Verset 22. Un prince combattant : le roi d’Égypte. Le chef de l’alliance : soit Judas Maccabée, soit Ptolémée Philometor.