Fragment Commencement n° 6 / 16  – Papier original : RO 63-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Commencement n° 220 p. 77 v° / C2 : p. 104

Éditions savantes : Faugère II, 19 / Brunschvicg 190 / Tourneur p. 226-1 / Le Guern 145 / Lafuma 156 / Sellier 188

 

 

 

Plaindre les athées qui cherchent, car ne sont‑ils pas assez malheureux. Invectiver contre ceux qui en font vanité.

 

 

Pascal examine ici, comme il le fait aussi dans le fragment Commencement 12 (Laf. 162, Sel. 194), qui traite du même sujet, l’attitude qu’il convient d’avoir à l’égard des incrédules. Il fait une distinction essentielle selon que les « athées » sont contents et fiers de leur ignorance, ou qu’ils cherchent à en sortir. Pour les premiers convient une disposition de « tendresse ». En revanche, à l’égard des athées arrogants, convient l’invective. Il ne faut toutefois pas interpréter ce terme comme s’il désignait des injures : par invective, Pascal entend un langage qui fut, par exemple, celui des Provinciales, dont il a donné la théorie dans la onzième lettre aux Pères jésuites. L’invective n’est pas une forme de menace, mais un moyen ferme de rappeler les athées à la conscience de leur condition véritable et à leur intérêt propre.

L’analyse détaillée de ce fragment est effectuée dans le dossier du fragment Commencement 12 (Laf. 162, Sel. 194), qui traite du même sujet.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Commencement 10 (Laf. 160, Sel. 192). Il n'y a que trois sortes de personnes, les uns qui servent Dieu l'ayant trouvé, les autres qui s'emploient à le chercher ne l'ayant pas trouvé, les autres qui vivent sans le chercher ni l'avoir trouvé. Les premiers sont raisonnables et heureux, les derniers sont fous et malheureux, ceux du milieu sont malheureux et raisonnables.

Commencement 12 (Laf. 162, Sel. 194). Commencer par plaindre les incrédules, ils sont assez malheureux par leur condition. Il ne les faudrait injurier qu'au cas que cela servît, mais cela leur nuit.

Dossier de travail (Laf. 405, Sel. 24). Je blâme également et ceux qui prennent parti de louer l’homme, et ceux qui le prennent de le blâmer, et ceux qui le prennent de se divertir et je ne puis approuver que ceux qui cherchent en gémissant.

Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Je ne puis avoir que de la compassion pour ceux qui gémissent sincèrement dans ce doute, qui le regardent comme le dernier des malheurs, et qui, n'épargnant rien pour en sortir, font de cette recherche leurs principales et leurs plus sérieuses occupations.

Mais pour ceux qui passent leur vie sans penser à cette dernière fin de la vie, et qui, par cette seule raison qu'ils ne trouvent pas en eux-mêmes les lumières qui les en persuadent, négligent de les chercher ailleurs, et d'examiner à fond si cette opinion est de celles que le peuple reçoit par une simplicité crédule, ou de celles qui, quoique obscures d'elles-mêmes, ont néanmoins un fondement très solide et inébranlable, je les considère d'une manière toute différente.

Cette négligence en une affaire où il s'agit d'eux-mêmes, de leur éternité, de leur tout, m'irrite plus qu'elle ne m'attendrit ; elle m'étonne et m'épouvante: c'est un monstre pour moi. Je ne dis pas ceci par le zèle pieux d'une dévotion spirituelle. J'entends au contraire qu'on doit avoir ce sentiment par un principe d'intérêt humain et par un intérêt d'amour-propre: il ne faut pour cela que voir ce que voient les personnes les moins éclairées.

 

Textes connexes

 

De l'Esprit géométrique, 2, De l'art de persuader, OC III, éd. J. Mesnard, p. 413 sq.

Les Provinciales, XI.

 

Mots-clés : Athée – Chercher – InvectiveMalheureuxVanité.