Fragment Divertissement n° 5 / 7 – Papier original : RO 146-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Divertissement n° 190 p. 57 v° et 59 / C2 : p. 82-83

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVI - Misère de l’homme : 1669 et janv. 1670 p. 206 / 1678 n° 1 p. 200-201

Éditions savantes : Faugère II, 38, III / Havet IV.3 / Michaut 365 / Brunschvicg 142 / Tourneur p. 205-3 (voir p. 212) / Le Guern 127 / Lafuma 137 / Sellier 169

 

 

 

 

 

Dans l’édition de Port-Royal

 

Chap. XXVI - Misère de l’homme : 1669 et janv. 1670 p. 206-207 / 1678 n° 1 p. 200-201

       

 

Différences constatées par rapport au manuscrit original

 

Ed. janvier 1670 1

Transcription du manuscrit

 

 [Glose]

[Texte issu de Divertissement 7 (Laf. 139, Sel. 171)]

[Texte issu de Divertissement 4 (Laf. 136, Sel. 168) + glose]

 

La dignité royale n’est-elle pas assez grande d’elle-même, pour rendre celui qui la possède heureux par la seule vue de ce qu’il est ? Faudra-t-il encore le divertir de cette pensée comme les gens du commun ? Je vois bien, que c’est rendre un homme heureux, que de le détourner de la vue de ses misères domestiques, pour remplir toute sa pensée du soin de bien danser. Mais en sera-t-il de même d’un Roi ? Et sera-t-il plus heureux en s’attachant à ces vains amusements, qu’à la vue de sa grandeur ? Quel objet plus satisfaisant pourrait-on donner à son esprit ? Ne serait-ce pas faire tort à sa joie, d’occuper son âme à penser à ajuster ses pas à la cadence d’un air, ou à placer adroitement une balle ; au lieu de le laisser jouir en repos de la contemplation de la gloire majestueuse qui l’environne ?

Qu’on en fasse l’épreuve ; qu’on laisse un Roi tout seul, sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin dans l’esprit, sans compagnie, penser à soi tout à loisir ; et l’on verra, qu’un Roi qui se voit, est un homme plein de misères, et qui les ressent comme un autre. Aussi on évite cela soigneusement, et il ne manque jamais d’y avoir auprès des personnes des Rois un grand nombre de gens, qui veillent à faire succéder le divertissement aux affaires, et qui observent tout le temps de leur loisir, pour leur fournir des plaisirs et des jeux, en sorte qu’il n’y ait point de vide. C’est-à-dire, qu’ils sont environnés de personnes, qui ont un soin merveilleux de prendre garde que le Roi ne soit seul, et en état de penser à soi ; sachant qu’il sera malheureux, tout Roi qu’il est, s’il y pense.

Aussi la principale chose qui soutient les hommes dans les grandes charges, d’ailleurs si pénibles, c’est qu’ils sont sans cesse détournés de penser à eux.

 

[Texte issu de Divertissement 4 (Laf. 136, Sel. 168) + glose]

 

 

 

 

Divertissement.

 

La dignité royale n’est‑elle pas assez grande d’elle-même, pour celui qui la possède, pour le rendre heureux par la seule vue de ce qu’il est ? Faudra‑t‑il le divertir de cette pensée comme les gens du commun ? Je vois bien que c’est rendre un homme heureux de le divertir de la vue de ses misères domestiques pour remplir toute sa pensée du soin de bien danser, mais en sera‑t‑il de même d’un roi, et sera‑t‑il plus heureux en s’attachant à ses vains amusements qu’à la vue de sa grandeur, et quel objet plus satisfaisant pourrait‑on donner à son esprit ? Ne serait‑ce donc pas faire tort à sa joie d’occuper son âme à penser à ajuster ses pas à la cadence d’un air ou à placer adroitement une barre, au lieu de le laisser jouir en repos de la contemplation de la gloire majestueuse qui l’environne ?

Qu’on en fasse l’épreuve. Qu’on laisse un roi tout seul sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin dans l’esprit, sans compagnies, penser à lui tout à loisir, et l’on verra qu’un roi sans divertissement est un homme plein de misères. Aussi on évite cela soigneusement et il ne manque jamais d’y avoir auprès des personnes des rois un grand nombre de gens qui veillent à faire succéder le divertissement à leurs affaires, et qui observent tout le temps de leur loisir pour leur fournir des plaisirs et des jeux, en sorte qu’il n’y ait point de vide. C’est‑à-dire qu’ils sont environnés de personnes qui ont un soin merveilleux de prendre garde que le roi ne soit seul et en état de penser à soi, sachant bien qu’il sera misérable, tout roi qu’il est, s’il y pense.

 

Je ne parle point en tout cela des rois chrétiens comme chrétiens, mais seulement comme rois.

 

 

1 Conventions : rose = glose des éditeurs ; vert = correction des éditeurs ; marron = texte non retenu par les éditeurs.

 

Commentaire

 

Le premier texte du chapitre Misère de l’homme a été construit à partir de plusieurs fragments de la liasse Divertissement et de commentaires non pascaliens (voir ci-dessus).

ces vains amusements : la différence avec le papier original provient des Copies.

placer adroitement une balle : idem.

Compagnie : les éditeurs suivent la version affadie des Copies.