Pensées - page 200
qu’ils subsistent dans ce repos
qui leur donne lieu de se considérer
et de se voir, sans être incontinent
attaqués de chagrin et de tristesse.
L’homme qui n’aime que soi,
ne hait rien tant que d’être seul avec
soi. Il ne recherche rien que pour
soi, et ne fuit rien tant que soi ;
parce que quand il se voit, il ne se
voit pas tel qu’il se désire, et qu’il
trouve en soi-même un amas de misères
inévitables, et un vide de biens
réels et solides qu’il est incapable de
remplir.
Qu’on choisisse telle condition qu’on
voudra, et qu’on y assemble tous les
biens, et toutes les satisfactions qui
semblent pouvoir contenter un homme.
Si celui qu’on aura mis en cet
état est sans occupation et sans divertissement,
et qu’on le laisse faire
réflexion sur ce qu’il est, cette félicité
languissante ne le soutiendra pas. Il
tombera par nécessité dans des vues
affligeantes de l’avenir : et si on ne
l’occupe hors de lui, le voilà nécessairement
malheureux.
La dignité royale n’est-elle pas
assez grande d’elle-même, pour rendre |