L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 201

celui qui la possède heureux par

la seule vue de ce qu’il est ? Faudra-

t-il encore le divertir de cette pensée

comme les gens du commun ? Je vois

bien, que c’est rendre un homme heureux,

que de le détourner de la vue

de ses misères domestiques, pour

remplir toute sa pensée du soin de bien

danser. Mais en sera-t-il de même

d’un Roi ? Et sera-t-il plus heureux en

s’attachant à ces vains amusements,

qu’à la vue de sa grandeur ? Quel

objet plus satisfaisant pourrait-on

donner à son esprit ? Ne serait-ce pas

faire tort à sa joie, d’occuper son

âme à penser à ajuster ses pas à la cadence

d’un air, ou à placer adroitement

une balle ; au lieu de le laisser

jouir en repos de la contemplation de

la gloire majestueuse qui l’environne ?

Qu’on en fasse l’épreuve ; qu’on

laisse un Roi tout seul sans aucune

satisfaction des sens, sans aucun soin

dans l’esprit, sans compagnie, penser

à soi tout à loisir ; et l’on verra,

qu’un Roi qui se voit, est un homme

plein de misères, et qui les ressent

comme un autre. Aussi on évite cela

soigneusement, et il ne manque jamais

 

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