Fragment Prophéties n° 17 / 27 – Papier original : RO 199-1
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Prophéties n° 357 p. 169-169 v° / C2 : p. 202-203
Éditions de Port-Royal : Chap. XV - Preuves de Jésus-Christ par les prophéties : 1669 et janvier 1670 p. 116-117 / 1678 n° 5 p. 116-117
Éditions savantes : Faugère II, 276, XVIII / Havet XVIII.4 / Brunschvicg 724 / Tourneur p. 286-2 / Le Guern 319 / Lafuma 338 / Sellier 370
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✧ Éclaircissements (suite)
♦ Prophétie de la statue (Daniel, II)
Pascal donne le texte de Daniel et son interprétation dans Prophéties III (Laf. 485, Sel. 720). Daniel 2.
Tous vos devins et vos sages ne peuvent vous découvrir le mystère que vous demandez.
[Il fallait que ce songe lui tînt bien au cœur.]
Mais il y a un Dieu au ciel qui le peut et qui vous a révélé dans votre songe les choses qui doivent arriver dans les derniers temps.
Et ce n’est pas par ma propre science que j’ai eu la connaissance de ce secret, mais par la révélation de ce même Dieu qui me l’a découvert pour la rendre manifeste en votre présence.
Votre songe était donc de cette sorte. Vous avez vu une statue grande, haute, et terrible qui se tenait debout devant vous. La tête était en or, la poitrine et les bras étaient d’argent, le ventre et les cuisses étaient d’airain, et les jambes étaient de fer mais les pieds mêlés de fer et de terre [argile].
Vous la contempliez toujours de cette sorte, jusqu’à ce que la pierre taillée sans mains a frappé la statue par les pieds mêlés de fer et de terre et les a écrasés.
Et alors s’en sont allés en poussière, et le fer, et la terre, et l’airain et l’argent, et l’or, et se sont dissipés en l’air, mais cette pierre qui a frappé la statue, est crue, en une grande montagne et elle a rempli toute la terre. Voilà quel a été votre songe et maintenant je vous en donnerai l’interprétation.
Vous qui êtes le plus grand des rois et à qui Dieu a donné une puissance si étendue, que vous êtes redoutable à tous les peuples, vous êtes représenté par la tête d’or de la statue que vous avez vue.
Mais un autre empire succédera au vôtre qui ne sera pas si puissant et ensuite il en viendra un autre d’airain qui s’étendra par tout le monde.
Mais le quatrième sera fort comme le fer, et de même que le fer brise et perce toutes choses, ainsi cet empire brisera et écrasera tout.
Et ce que vous avez vu que les pieds et les extrémités des pieds étaient composés en partie de terre et en partie de fer. Cela marque que cet empire sera divisé et qu’il tiendra en partie de la fermeté du fer et en partie de la fragilité de la terre.
Mais comme le fer ne peut s’allier solidement avec la terre de même ceux qui sont représentés par le fer et par la terre ne pourront faire d’alliance durable quoiqu’ils s’unissent par des mariages.
Or ce sera dans le temps de ces monarques que Dieu suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit ni jamais transporté à un autre peuple. Il dissipera et finira tous ces autres empires, mais pour lui il subsistera éternellement. Selon ce qui vous a été révélé de cette pierre qui n’étant point taillée de main est tombée de la montagne et a brisé le fer, la terre, et l’argent et l’or.
Voilà ce que Dieu vous a découvert des choses qui doivent arriver dans la suite des temps. Ce songe est véritable et l’interprétation en est fidèle.
Lors Nabuchodonosor tomba le visage contre terre, etc.
Voir ce qu’en dit le commentaire de la Bible de Port-Royal au livre de Daniel, II, v. 37-38 :
« Vous êtes le roi des rois ; et le Dieu du ciel vous a donné le royaume, la force, l’empire, et la gloire... C’est donc vous qui êtes la tête d’or. Cette statue si prodigieuse que vit en songe le roi Nabuchodonosor, représentait par ses membres différents les divers empires qui devaient se succéder les uns aux autres. Sa tête était d’or : et lorsque Daniel dit à ce prince qu’il était lui-même cette tête d’or, ce n’est pas tant à sa personne qu’il donne ce nom, qu’à son empire, qui est celui des Babyloniens. Il l’appelle tête, parce que c’est la première des quatre grandes monarchies ; et il l’appelle tête d’or, à cause qu’elle surpassait de beaucoup en gloire et magnificence tous les royaumes de la terre. Aussi Babylone, la capitale de cet empire, est nommé dans Isaïe [Isaïe, cap. 13. 19] la gloire des royaumes, et l’orgueil éclatant des Chaldéens.
v. 39. Il s’élèvera après vous un autre royaume moindre que le vôtre, qui sera d’argent. Le même Isaïe dit encore que cette grande Babylone se voit détruite, comme le Seigneur renversa Sodome et Gomorrhe. Ainsi, après la destruction de l’empire des Chaldéens, figuré par la tête d’or de cette statue si mystérieuse, il s’est élevé un autre empire, qui a été celui des Perses et des Mèdes, figuré par la poitrine et les bras d’argent de la statue, à cause de la réunion de ces deux royaumes avec celui des Chaldéens en un même corps d’État. Il est comparé à l’argent, qui est moindre que l’or ; non que l’empire des Perses ait été inférieur à celui des Chaldéens, soit en grandeur ou en puissance ou en richesses, depuis l’union de ces trois monarchies en une seule ; mais parce que, selon la nature des choses humaines qui vont d’ordinaire en dégénérant, le gouvernement du premier empire fut beaucoup plus équitable et plus heureux, et dura même sans comparaison plus longtemps que le second.
Et ensuite un troisième royaume, qui sera d’airain, et qui commandera à toute la terre.
Ce troisième empire est celui du grand Alexandre et des Grecs, qui est comparé au ventre et aux cuisses d’airain de la statue ; soit pour remarquer qu’il serait encore pire que le second, et aussi différent de celui des Perses, que l’airain l’est de l’argent ; ou pour faire entendre qu’il briserait tout par la force de ses armes, à cause qu’anciennement les meilleures armes se faisaient d’airain trempé ; ou même, selon saint Jérôme, pour exprimer par le son de ce métal éclatant, l’éloquence de ces peuples qui fit tant de bruit dans tout l’Univers. Le ventre peut bien signifier aussi, selon quelques-uns, les débauches et l’avarice insatiable des princes qui se succédèrent les uns aux autres dans le gouvernement de cet empire. Il est dit qu’il commanderait à toute la terre [Daniel. cap. 8. 5. I. Mach. cap. 1. 3. I Esdr. cap. 1. 2] : ce qui est une manière de parler assez ordinaire dans l’Écriture, qui signifie seulement, toute la terre de ce pays-là, ou la plus grande partie de la terre qui était connue du peuple de Dieu.
v. 40-41, etc. Le quatrième royaume sera comme le fer : il brisera, et il réduira tout en poudre, comme le fer brise et dompte toutes choses... Et quoique prenant son origine du fer, il sera divisé, selon que vous avez vu que le fer était mêlé avec la terre et l’argile, etc.
Ce quatrième royaume, selon l’opinion commune, est l’empire des Romains, comparé aux jambes de la statue, et à ses pieds, dont une partie était de fer, et l’autre d’argile. Ce règne est donc appelé le règne de fer, pour la raison qu’en apporte le prophète, qui est, que comme le fer par sa grande dureté écrase et brise tout, aussi le gouvernement des Romains devait détruire les trois monarchies précédentes, avant même qu’il fût établi en monarchie sous Auguste. Ce mélange de fer et d’argile qui était aux pieds et aux doigts des pieds de la statue, marquait, selon l’explication de Daniel, la division et les différentes fractions de l’État, et sa faiblesse ou sa force, selon la bonne ou la mauvaise intelligence qui unissaient ou qui divisaient ses citoyens. Il peut encore marquer, que cet empire, quoique solide et affermi comme le fer, serait néanmoins souvent affaibli, tant par l’inondation des barbares que par le soulèvement de plusieurs peuples, qui lassés de la tyrannie des Romains, se feraient des rois, selon qu’il est dit dans l’Apocalypse [Apocal. cap. 13. 1], que dix rois devaient sortir de cet empire, comme autant de cornes de la bête ; ou, selon l’expression de Daniel même, comme autant de doigts des pieds de la statue, dont les uns sont grands et les autres plus petits. Ce même prophète explique encore ce mélange de fer et d’argile, des alliances inégales qui se feraient par des mariages, et qui ne pourraient établir une solide union, non plus que le fer ne peut bien se lier ni s’unir avec l’argile.
Mais quoique cette explication qu’on donne communément à ce passage de Daniel, en entendant de l’empire des Romains, ce quatrième royaume, paraisse assez littérale, il semble qu’il y a encore plus de fondement, de l’entendre de celui que Daniel même a encore représenté sous différentes figures en divers chapitres, où l’on verra assez clairement qu’il n’est point parlé, au moins selon le sens premier et littéral, de l’empire des Romains, mais de celui des successeurs d’Alexandre, qui ont régné en Syrie et en Égypte [Daniel. cap. 7. v. 7. 8. cap. 8. v. 8. 9. 10. cap. 11. v. 4. 5. 31]. Ils ont été avant la naissance de Jésus-Christ les derniers et les plus cruels persécuteurs du peuple de Dieu, dont ils avaient résolu d’abolir entièrement la religion, en y substituant le paganisme : et ce fut la cause de la guerre des Macchabées.
Pour donner ici une idée de cet empire des successeurs d’Alexandre, dont la connaissance est nécessaire pour entendre les prophéties de Daniel, il faut savoir qu’après la mort de ce prince la souveraine puissance passa à quatre des principaux officiers de son armée, qui sont désignés par le prophète dans ses visions mystérieuses, et qui régnèrent en différentes provinces ; savoir Ptolémée en Égypte, Séleucus en Babylone et en Syrie, Cassandre en Macédoine et en Grèce, Antigonus en Asie. Mais entre ces rois, ceux d’Égypte et de Syrie sont d’une considération particulière pour l’intelligence de l’Histoire sacrée, comme ayant la plus grande part aux prophéties de Daniel. Leur empire est donc figuré par les jambes et les pieds de la statue. Il est dit que ce devrait être un règne de fer, non seulement parce qu’il ne s’est établi que par la violence, mais encore parce qu’il n’a rien eu de cette ancienne splendeur des empires précédents ; soit qu’on envisage l’extraction de ces princes, ou leur manière de régner, plus digne de petits tyrans, que de grands rois. Le prophète dit encore qu’il brisera tout comme le fer : ce qu’on a vu arriver jusques dans le Temple de Jérusalem, dont le sanctuaire fut renversé et foulé aux pieds [Daniel. cap. 7. v. 7. 25. cap. 8. v. 11. cap. 11. v. 31]. Il ajoute qu’il devait être divisé, et que cette division était marquée par les pieds et les doigts des pieds composés d’argile et de fer ; comme en effet ce royaume fut divisé en Séleucides, et en Lagides, dont les premiers sont nommés dans Daniel, Rois du Nord ; et les seconds Rois du Midi [Idem. cap. 11. v. 5. 6]. Il devait être comme le fer et l’agile : car en effet ces deux royaumes d’Égypte et de Syrie furent tantôt élevés, tantôt abattus ; soit l’un par l’autre, soit par les Juifs sous les Macchabées, soit enfin par les Romains. L’Écriture ajoute qu’ils se mêleraient par des alliances humaines, comme le fer était mêlé avec de l’argile dans la statue, mais qu’ils ne demeureraient point unis, non plus que le fer ne peut bien s’unir à la terre [Daniel. c. 11. 6. I Mach. cap. 10. v. 54. cap. 11. v. 9. 10] ; ce qui marquait les alliances qui se firent inutilement entre les princes de ces royaumes dont le prophète parle clairement ailleurs, et dont nous voyons l’accomplissement dans l’histoire des Macchabées.
Il paraît donc très naturel d’entendre cette prophétie plutôt du royaume divisé des Séleucides et des Lagides, que de l’empire romain ; quoique ce qui est dit du premier, puisse aussi fort bien être entendu du dernier, par une figure prophétique assez ordinaire dans les saintes Écritures. C’est ainsi que Daniel lui-même, qui était l’un des prophètes du vieux testament, ayant prédit plusieurs choses qui se devaient accomplir avant Jésus-Christ, saint Jean qui a été le prophète du nouveau, a appliqué ces mêmes choses dans l’Apocalypse à Rome païenne et au règne de l’Antéchrist. Ainsi les premières étaient en un sens les figures des secondes ; et l’on doit alors distinguer comme deux sens littéraux, dont le premier se rapporte à la figure qui doit précéder, et le second à la chose qui doit suivre. »
Voir dans le Pugio fidei, Pars II, cap. VII, Qualiter Dominus noster Jesus Christus est lapis abscisus de monte sine manibus, le § III, Quid significat abscisio lapidis de monte sine manibus, p. 284.
♦ La prophétie des quatre bêtes (Daniel, VII)
Traduction et commentaire de la Bible de Port-Royal, Daniel, VII v. 4 sq.
« La première était comme une lionne, et elle avait des ailes d’aigle : et comme je la regardais, ses ailes lui furent arrachées. Elle fut ensuite relevée de terre, et elle se tint sur ses pieds comme un homme ; on lui donna un cœur d’homme.
Comme on ne peut point douter que quatre empires ne soient figurés par ces quatre bêtes, puisque l’Écriture l’explique ainsi elle-même dans la suite [Daniel. c. 7. 17], il est visible qu’on doit entendre par la première l’empire des Chaldéens où régnait Nabuchodonosor, à qui les prophètes ont souvent donné le nom de lion [Isa. cap. 5. v. 29]. Cette bête est représenté avec des ailes d’aigle [Jérém. cap. 4. 7], qui marquaient l’extrême vitesse avec laquelle ce prince avait, pour le dire ainsi, volé partout, en s’assujettissant toutes les nations voisines. Mais ses ailes lui sont ensuite arrachées ; parce qu’au lieu qu’il s’élevait auparavant comme un aile, il fut réduit, en punition de son orgueil, au rang des bêtes qui rampent à terre.
Enfin il est relevé de terre [Synops.] ; parce qu’au bout de sept ans Dieu lui fit miséricorde ; qu’il fut rétabli, comme on l’a vu dans le même état qu’auparavant ; et qu’au lieu de ce naturel lion et d’une bête farouche qui avait paru en lui jusqu’alors, il recouvra l’usage de l’esprit et du cœur de l’homme, pour mener une vie civile parmi les hommes : ou, selon l’explication d’un ancien père [Theodor.], ayant appris par une expérience si sensible à avoir des sentiments plus conformes à son état, il reconnut qu’il était homme, et cessa de s’élever au-dessus des bornes de la faiblesse et de la fragilité de sa nature.
v. 5. Une autre bête qui ressemblait à un ours parut ensuite à côté : elle avait trois rangs de dents dans la gueule, et on lui disait : Levez-vous promptement, et rassasiez-vous de carnage.
L’empire des Mèdes et des Perses nous est figuré par cette seconde bête. L’Écriture les appelle en un autre endroit des voleurs et des brigands [Jérém. cap. 51. v. 48. 56]. C’étaient des peuples cruels ; et au lieu que ceux-ci habitaient la plus belle et la plus délicieuse partie du monde, ceux-là demeuraient dans leurs tanières comme des bêtes. Il est marqué que cet ours parut à côté, c’est-à-dire vers l’Orient, d’où les Perses vinrent fondre sur l’empire des Babyloniens. Les trois rangs de dents que cette bête avait dans sa gueule pouvaient figurer la réunion des trois puissances, des Chaldéens, des Perses et des Mèdes, qui furent bientôt confondues en un seul empire ; ou peut-être l’avidité insatiable dont cet ours était la figure, à cause des grandes conquêtes dont ils parurent extraordinairement altérés. Aussi on leur dit de se lever promptement, et de manger beaucoup de chair ; c’est-à-dire que la puissance lui ayant été donnée de Dieu, elle trouva une grande facilité à réussir dans ses conquêtes. Ce qui néanmoins ne put se faire sans l’effusion de beaucoup de sang.
v. 6. Après cela comme je regardais, j’en vis une autre qui était comme un léopard, et elle avait au-dessus de soi quatre ailes, comme les ailes d’un oiseau : cette bête avait quatre têtes, et la puissance lui fut donnée.
Le troisième empire est celui de Macédoine, ou d’Alexandre le Grand. La rapidité de ses victoires est figurée par la vitesse extraordinaire du léopard, et par ces quatre ailes qu’il avait au-dessus de soi, c’est-à-dire sur son dos. Aussi est-il dit ailleurs, lorsqu’on le compare à une autre bête [Daniel, cap. 8. 5] : qu’il ne touchait point à la terre, tant il se portait rapidement partout où ses conquêtes l’appelaient. Les quatre têtes que ce léopard avait nous marquaient les quatre princes qui divisèrent entre eux cet empire d’Alexandre après sa mort.
v. 7-8. Je vis paraître une quatrième bête qui était terrible... Elle avait dix cornes... Je vis une petite corne qui sortait du milieu des autres... cette corne avait des yeux comme les yeux d’un homme, et une bouche qui disait de grandes choses.
Il paraît par le huitième chapitre de Daniel [Daniel. cap. 8. v. 21. 22. 23. etc.] que selon le premier sens littéral dont on a déjà parlé dans les explications du second chapitre, on doit entendre par cette quatrième bête le royaume des Séleucides en Syrie et des Lagides en Égypte : quoique selon un autre sens plus éloigné, mais qui n’est ni moins littéral, ni moins conforme à l’intention du Saint-Esprit, on peut bien entendre aussi l’empire romain à cause de la ressemblance qu’eurent entre eux ces deux empires, pour ce qui regarde la persécution des saints. Car de même que la grande persécution du peuple de Dieu devait se faire par les Séleucides avant la venue de Jésus-Christ, c’était aussi l’empire romain qui devait la faire après sa venue, comme ce sera l’Antéchrist qui doit faire la dernière, qui précédera la fin du monde. Cette bête est représentée comme plus terrible que toutes les autres ; ce qu’on doit entendre principalement à l’égard des Juifs et des chrétiens, dont les premiers n’avaient point été maltraités sous aucun régime comme ils le furent sous celui des Séleucides, et les seconds furent exposés à d’effroyables persécutions sous l’empire des Romains. Elle était donc vraiment terrible par rapport aux fidèles serviteurs de Dieu, étant certain que l’Écriture ne parle jamais des empires du monde, que par rapport à l’Église et à l’état dans lequel elle s’est trouvée sous la domination des princes qui la gouvernaient.
Elle était aussi fort différente des autres bêtes, en ce que les autres empires figurés par ces autres bêtes, n’avaient exercé leur violence que sur les corps ; au lieu que celui-là devait l’exercer d’une manière plus redoutable sur les consciences, pour les forcer à apostasier en renonçant au culte du vrai Dieu ; ce qui paraîtra par les chapitres suivants.
Les dix cornes qu’elle avait, marquaient dix rois tant de Syrie que de l’Égypte, qui ont beaucoup affligé l’Église de Dieu avant la venue de Jésus-Christ. La petite corne qui sortait du milieu des autres figurait assez clairement Antiochus Épiphane, ou l’Illustre, qui était le plus petit de tous ses frères, à qui le royaume n’appartenait point de droit, et dont les mœurs fanatiques, qui le firent appeler par plusieurs Epimanes, c’est-à-dire insensé [Daniel. c. 11. 21], le rendaient fort méprisable, comme l’Écriture a eu soi de la marquer en un autre endroit. Il est dit que cette corne avait des yeux : ce qui désigne la vivacité de l’esprit d’Antiochus, qui était fort éclairé, mais grand fourbe [Daniel. c. 8. 25. c. 11. 23]. Enfin elle avait une bouche qui proférait de grandes choses [I Mach. cap. 1. 25. Daniel. c. 7. 25. c. 8. 25] : car ce prince qu’elle figurait était très superbe et insolent en paroles, et un grand blasphémateur du nom de Dieu, et son ennemi déclaré.
Il est dit encore que trois des premières cornes de la bête furent arrachées de devant la petite corne dont nous venons de parler, c’est-à-dire que trois rois du nombre des dix que l’Écriture a marqués furent détruits par Antiochus. Et ce sont peut-être Ptolomée Philometor roi d’Égypte, qu’il dépouilla de son royaume ; Ptolomée Évergètes son frère, qu’il défit dans un combat naval à Damiette ; et Démétrius fils de Séleucus, dont il usurpa des États. »
D’après la prophétie des quatre bêtes dans Daniel, VII, suivant l’interprétation de Port-Royal on aurait les quatre royaumes suivants : l’empire de Babylone, le royaume des Mèdes, le royaume des Perses, et le royaume d’Alexandre et de ses successeurs (ou peut-être l’empire romain).