Fragment Soumission et usage de la raison n° 23 / 23  – Papier original : RO 247-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Soumission n° 236 p. 83 v° / C2 : p. 111

Éditions de Port-Royal : Chap. V - Soumission, et usage de la raison : 1669 et janvier 1670 p. 47  / 1678 n° 1 p. 50

Éditions savantes : Faugère II, 347, I / Havet XIII.1 / Brunschvicg 267 / Tourneur p. 232-1 / Le Guern 177 / Lafuma 188 / Sellier 220

 

 

 

La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent. Elle n’est que faible si elle ne va jusqu’à connaître cela.

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Que si les choses naturelles la surpassent, que dira-t‑on des surnaturelles ?

 

 

Pascal reprend ici le thème du fragment Soumission 16 (Laf. 182, Sel. 213), Il n’y a rien de si conforme à la raison que ce désaveu de la raison. La raison humaine est capable de reconnaître et d’admettre que, dans la nature même, un grand nombre de faits positifs la dépassent, et que cette reconnaissance elle-même est raisonnable, car tout ce qui est incompréhensible ne laisse pas d’être (A P. R. 2). A fortiori, les réalités surnaturelles échappent par nature à la raison. Mais il n’est pas déraisonnable d’en reconnaître l’existence et d’en admettre la révélation.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

A P. R. 2 (Laf. 149, Sel. 182). Tout ce qui est incompréhensible ne laisse pas d’être.

Soumission 2 (Laf. 168, Sel. 199). Que je hais ces sottises de ne pas croire l’Eucharistie, etc. Si l’Évangile est vrai, si Jésus-Christ est Dieu, quelle difficulté y a‑t‑il là ?

Soumission 7 (Laf. 173, Sel. 204). Si on soumet tout à la raison notre religion n’aura rien de mystérieux et de surnaturel. Si on choque les principes de la raison notre religion sera absurde et ridicule.

Soumission 8 (Laf. 174, Sel. 205). Saint Augustin. La raison ne se soumettrait jamais si elle ne jugeait qu’il y a des occasions où elle se doit soumettre. Il est donc juste qu’elle se soumette quand elle juge qu’elle se doit soumettre.

Soumission 16 (Laf. 182, Sel. 213). Il n’y a rien de si conforme à la raison que ce désaveu de la raison.

Soumission 20 (Laf. 185, Sel. 217). La foi dit bien ce que les sens ne disent pas, mais non pas le contraire de ce qu’ils voient, elle est au dessus et non pas contre.

Fondement 5 (Laf. 228, Sel. 260). Que disent les prophètes de J.-C. ? qu’il sera évidemment Dieu ? non mais qu’il est un Dieu véritablement caché, qu’il sera méconnu, qu’on ne pensera point que ce soit lui, qu’il sera une pierre d’achoppement, à laquelle plusieurs heurteront, etc. Qu’on ne nous reproche donc plus le manque de clarté puisque nous en faisons profession.

Preuves de Moïse 2 (Laf. 291, Sel. 323). Cette religion si grande en miracles, saints, purs, irréprochables, savants et grands témoins, martyrs, rois, David, établis, Isaïe prince du sang, si grande en science après avoir étalé tous ses miracles et toute sa sagesse elle réprouve tout cela et dit qu’elle n’a ni sagesse, ni signe, mais la croix et la folie. [...] Ainsi notre religion est folle en regardant à la cause efficace et sage en regardant à la sagesse qui y prépare.

Pensées diverses (Laf. 695, Sel. 574). Le péché originel est folie devant les hommes, mais on le donne pour tel. Vous ne me devez donc pas reprocher le défaut de raison en cette doctrine, puisque je la donne pour être sans raison. Mais cette folie est plus sage que toute la sagesse des hommes, sapientius est hominibus. Car, sans cela, que dira-t-on qu’est l’homme ? Tout son état dépend de ce point imperceptible. Et comment s’en fût-il aperçu par sa raison, puisque c’est une chose contre la raison, et que sa raison, bien loin de l’inventer par ses voies, s’en éloigne, quand on le lui présente ?

 

Mots-clés : Démarche – FaiblesseInfiniNatureRaisonSurnaturel – Surpasser.